Dans une tribune publiée mercredi sur le site Huffington Post, Robert Badinter a affirmé que la loi de censure arménienne “n’apportera que des déboires, y compris à la communauté arménienne elle-même“.
“Je sais par expérience personnelle combien est cruel le négationnisme pour les descendants des victimes d’un génocide. Mais en dehors de cette fonction thérapeutique, je pense que cette loi n’apportera que des déboires, y compris à la communauté arménienne elle-même“, a-t-il dit.
La dite loi a été présentée par la député UMP Valérie Boyer de Marseille où vit une importante communauté arménienne. Les associations arméniennes les plus influentes de la région sont notamment contrôlées par des groupes arméniens d’obédience nationaliste, anti-turc pour certains.
Il a rappelé que le texte de loi a été adopté en “période pré-électorale“ et qu’il est “anticonstitutionnel“. D’après lui, “ce boomerang judiciaire se retournera contre ses auteurs“ et “ce sera la revanche du droit sur la politique“.
Par ailleurs, dit M. Badinter, “il n’appartient pas à des parlementaires français de se substituer aux historiens et aux juges“.
Selon lui, “seule l’autorité judiciaire a qualité pour dire si un crime a été commis et quels en sont les auteurs. Ainsi le génocide juif par les nazis a été établi par le tribunal militaire international de Nuremberg“. Le vote de cette loi “ne manquera pas d’appeler des réactions contre la France“, a-t-il ajouté.
“Nous pouvons appeler les autorités turques à revisiter leur histoire comme d’autres Etats en Europe l’ont fait. Mais porter condamnation (car tel est le sens implicite de la loi de 2001) des prédécesseurs ottomans d’un Etat turc ami, inscrire cette condamnation dans nos lois, cette démarche qui veut apaiser les douleurs des uns entraînera inévitablement la fureur des autres“, a-t-il continué.
Il a ajouté qu’il fallait se préparer à entendre que “la France est l’auteur de crimes contre l’humanité commis dans ses anciennes colonies, notamment en Algérie pendant la guerre d’indépendance“.