Source : La Tribune (Algers)
Publié sur le web le 14 Août 2007
Abdelkrim Ghezali
Trois historiens français, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilles Manceron et Benjamin Stora, jettent un pavé dans la mare de l’establishment parisien à travers la tribune publiée dans les colonnes de Libération.
Cette contribution est sans complaisance quant à l’attitude de l’Etat français vis-à-vis de son passé colonial dont il nie les horreurs et les crimes et dont il glorifie « les bienfaits ». Pour ces historiens, l’antirepentance de la France vise essentiellement à entraver le travail des historiens et à réunifier une droite en décomposition. Sarkozy en a fait un thème majeur de sa campagne présidentielle et il semble avoir ratissé large y compris dans les rangs de l’extrême droite et de tous les nostalgiques de l’Algérie française.
En d’autres termes, la non-reconnaissance par la France de sa responsabilité dans les horreurs et les crimes commis pendant l’occupation ne serait qu’un alibi politique conjoncturel lié à une situation interne propre à la droite française. C’est du moins ce que suggère l’analyse des trois historiens. Pourtant, la gauche française, qui ne souffre pas moins que la droite des divisions, n’est pas prête à faire un acte de repentance même si, contrairement à la droite, elle ne reconnaît pas un rôle positif au colonialisme qu’elle condamne néanmoins et considère comme une horreur.
En fait, la classe politique française dans sa majorité, considère l’acte de repentance comme une humiliation et une prosternation face aux peuples victimes des affres du colonialisme. Pourtant, l’occupation d’un territoire, la soumission de ses populations, les expropriations, et l’acculturation sont autant d’actes d’humiliation imposés à des peuples entiers d’Afrique.
Au-delà de ces considérations subjectives et de l’arrogance qui sous-tend l’attitude de la France officielle, Paris s’entête à refuser d’admettre l’évidence et cherche même à justifier l’injustifiable alors qu’il se fait par ailleurs l’avocat des Arméniens qui auraient été victimes d’un génocide commis par l’Empire ottoman. Paris fait même de la reconnaissance par Ankara de ce génocide une condition préalable à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.
La même France, dont les institutions officielles ont collaboré avec le régime nazi, avait exigé de l’Etat allemand d’après 1945 qu’il présente ses excuses aux victimes de l’Holocauste, ce que l’Allemagne n’a pas hésité à faire sans que cela nuise à son image de grande nation ; mieux, le geste d’Adenauer a honoré l’Allemagne qui a prouvé sa bonne foi, ce qui l’autorise à défendre les droits de l’Homme et la dignité humaine bafoués sous des régimes dictatoriaux.