Dring dring.
Oui, j’écoute. Qui est-ce ?
-C’est Pierre.
Bonjour Mehmet.
-Dis donc, je t’ai appelé plusieurs fois la semaine dernière. Tu n’étais pas là.
Non, j’étais en Turquie.
-Ah oui ? Dans ton pays.
Pierre, je te rappelle que je suis de nationalité française !
-Oui, bien sûr. Ne prends pas la mouche tout de suite.
Non.
-Ok. Mais, vous les turcs, vous allez tout le temps en vacances en Turquie.
Je ne sais pas sur quoi tu te bases pour être aussi catégorique. C’est étonnant. Mais, peu importe, après tout. Et toi, alors ? Tu es creusois, je crois. Non ?
-Oui et alors ?
Dis-moi, tu vas souvent dans la Creuse en vacances, il me semble ?
-Tout le temps.
Est-ce que moi, je t’en fais la remarque ?
-Non.
Alors ?
-Oui, mais la Creuse, ce n’est pas la Turquie. C’est en France.
Certes, qui te dit le contraire. Je vais très souvent en vacances en France et j’adore la Bretagne aussi.
-Je ne te le fais pas dire. Alors, en ce cas que vas-tu foutre en Turquie ?
C’est un délit de passer des vacances en Turquie, tu crois ?
- C’est pour le moins étonnant, surtout lorsque l’on sait comment vous traitez les arméniens.
Vous ?
- Oui, enfin, les turcs. Moi, en tout cas, je n’irai pas là-bas.
Tu n’iras pas là-bas ? Par contre, tu passeras deux semaines à Cuba.
-Oui, c’était chouette d’ailleurs.
De quoi ? les prisons cubaines ? Les sidatoriums ?
-Mais non.
Tu vois, moi aussi je peux te titiller, Pierre !
-Oui, mais tu me connais, Mehmet ! J’aime bien t’embêter (rire).
Cela je le sais, tu aimes bien diviser. Mais, tu devrais faire la part des choses.
J’aimerai que tu comprennes que, dans ce conflit, il faut dépasser la passion et le manichéisme.
-De toute manière, moi je m’en fiche de la Turquie. Et je suis pour la paix !
Pierre, cette réconciliation se créera bien un jour prochain. Les turcs le conçoivent et l’admettent eux-mêmes.
-Alors, qu’est ce que vous attendez ?
Je ne suis pas « vous ». Je ne suis pas turc, je suis français. Je ne peux pas parler en leur nom et à leur place, ce serait de l’ingérence.
-Mouais.
Les arméniens et les turcs vivent côte à côte, les uns à côté des autres. Il leur faudra surmonter leur méfiance, leur peur. Cela prendra du temps. Mais, je crois que le processus de paix ira de l’avant tant que d’autres pays ne s’imposeront pas dans leurs affaires internes.
-Allez Mehmet, ne te mets pas dans cet état là. Ce n’est pas toi en France qui martyrise les arméniens ! Tu as raison, après tout.
Oui mais ce n’est pas toi qui te fais mal voir en France à cause de l’activisme d’une diaspora haineuse vis-à-vis des turcs. Ce n’est pas toi qui doit justifier à chaque fois de tes opinions car tu es d’origine turque ! Ce que tu peux être con avec tes remarques ! Tu sais, si j’allais autre part, dans un autre pays réellement démocrate, fidèle à des principes de pacifisme tu ne me dirais rien. C’est cela qui m’énerve.
-On ne peut rien vous dire, de toute manière.
Mais si, on peut dialoguer, être en désaccord, crier même, ou critiquer une politique et un Etat. -Mais, de grâce, arrêter de cogner que sur les turcs !
-Je ne cogne pas, je recrache ce qui m’a été communiqué. Je n’ai pas réfléchi réellement sur la question d’une manière objective. Je fais confiance à mes leaders politiques qui agissent je suis persuadé sous l’égide d’aucun lobby.
Tu as vraiment de l’humour noir en fait. Sans t’en rendre compte, lorsque l’on parle de la Turquie, tu me fais toutes sortes de remarques et tu personnalises à mort, développant ainsi une haine entre les communautés turques et arméniennes. Je suis un homme épris de paix. Je crois que les hommes surmonteront leur peur et iront de l’avant avec l’aide de spécialistes en la matière. C’est pour cela que je suis soucieux de l’avenir de mon pays d’origine. C’est tout.
-D’accord, ok. Allez, je n’ai plus le temps de te parler. Bon retour chez nous.
Chez moi en France tu veux dire.
- Oui, Salut.
Salut.
Sophie.C