ATATÜRK par Ayten AKGÜRBÜZ

Réponse : Washington.

Le directeur du site américain Antiwar.com, Justin Raimondo, nous explique dans l’article qui suit comment les Etats-Unis, dans l’optique d’une guerre contre l’Iran, ont permis et aidé à la renaissance d’une organisation terroriste sur le déclin le PKK, qui aujourd’hui frappe l’une de ses « alliées ».


Dossier du PKK

Qui est derrière le PKK ?

Publié le | par Ilker TEKIN | Nombre de visite 2022

par Justin Raimondo

Le récent vote du Parlement turc autorisant l’armée à poursuivre les terroristes du PKK en territoire irakien [1], inquiète les autorités US qui se sont activées à calmer Ankara et ainsi éviter de porter un coup dur à l’affirmation selon laquelle l’occupation US est source de « stabilités » dans la région. Le « Kurdistan », après tout, n’a-t-il pas été pas présenté jusqu’à présent comme un modèle autonome de paix, de prospérité, de bonheur - un avant-goût de l’avenir rayonnant du pays, pour peu que les « défaitistes » aux Etats-Unis ne tirent pas le tapis sous les pas de notre victoire imminente ? Voir cette utopie brisée pas les forces armées turques, voilà qui serait catastrophique pour Washington – mais pire encore serait la révélation de la manière dont nous en sommes arrivés à cette situation totalement intenable. Ce serait pire, en effet, pour ceux qui se verraient impliqués et poursuivis dans ce qui apparaît comme l’une de nos plus ambitieuses et dangereuses opérations « voyous » depuis celle de l’Iran-Contra.

Les numéros de série des armes saisies sur les combattants du PKK, ont permis de suivre l’itinéraire de celles-ci depuis les chargements américains jusqu’à leur livraison aux unités de la police irakienne. En réponse à des plaintes turques à ce sujet, les Américains prétendent que ces armes auraient été détournées par les Irakiens — sans doute le gouvernement kurde autonome —, mais les Turcs en doutent et affirment, par la voie de leur Ministre des affaires étrangères, que s’il s’averrait que cette quantité phénoménale d’armes de fabrication US (1 260 unités saisies jusqu’ici), a été directement livrées aux terroristes du PKK par les Etats-Unis, cela porterait un coup très dur aux relations turco-américaines. Mais la diplomatie US a immédiatement rejeté une telle éventualité, et à Washington, le Pentagone a dépêché sur place son conseiller général, William J. Haynes, où il a rencontré les hauts responsables militaires turcs. Selon au moins un rapport, la réunion a porté sur « une enquête diligentée par le Département américain de la Défense concernant des rapports selon lesquels des armes US seraient vendues par les troupes US présentent actuellement en Irak ».

Un autre indice de ce qui se passe réellement ici est fourni par la proposition d’aide du FBI aux Turcs, afin de trouver où le PKK se finance et s’arme – cela ne vous paraît-il pas curieux ? Le Directeur du FBI Robert Mueller a déclaré : « Nous travaillons en collaboration avec nos homologues de pays européens et en Turquie, pour rechercher et assécher les sources de financements d’organisation terroristes, que se soit celles du PKK, d’Al-Qaida, ou d’autres. » Or à moins que les Etats-Unis soient, d’une manière ou d’une autre, mêlés à ces dits financements et armements, nous ne voyons pas pourquoi le FBI vient mettre son nez dans cette affaire. Le Ministre des affaires étrangères turc confirme de son côté une probable implication US en déclarant :

« Les 1260 armes saisies en possession du PKK sont de fabrication américaine. Bien entendu ces armes n’ont pas été remises en main propre par les Etats-Unis. Il s’agit des armes données à l’armée irakienne. Malheureusement, certains officiers américains ont été corrompus. Le Département de la Défense nous a informé qu’une enquête sérieuse était en cours. »

Mais s’agit-il juste de quelques pommes pourries, comme l’affirme le Ministre turc, ou est-ce plus profond ?

Comme l’a montré le journaliste Seymour Hersh, les Etats-Unis et Israël aident et financent le « parti kurde de la vie », plus connu sous le nom de « PEJAK », qui prétend libérer l’Ouest de l’Iran où vit une importante population kurde en proie à des agitations. Par ailleurs les liens entre le PKK et le PEJAK sont plus que fraternels : il s’agit fondamentalement d’ une seule et même organisation, non seulement dans le partage des mêmes bases en Irak dans les montagnes de Qandil, mais ils agissent également sous un unique et même commandement.

La brusque flambée de la violence du PKK - deux embuscades spectaculaires, dont l’une a entraîné la mort de 12 soldats turcs et la capture de huit autres, qui sont actuellement utilisés comme monnaie d’échange - exige également une analyse. Jusqu’à récemment, le PKK menait des opérations terroristes de faibles intensités, avec des groupes d’activistes de 6 à 8 membres, faisant des attentats à la bombe et harcelant les Turcs à petite échelle. Mais au cours des derniers mois, la puissance des attentats a connu une augmentation radicale, avec des centaines de terroristes du PKK déployés pour une seule attaque, dont la sophistication est nouvelle en termes à la fois de force de frappe et aussi de l’équipement technique nécessaire pour monter des opérations aussi complexes, que les récentes embuscades et prises d’otage.

A partir du moment où les Syriens ont cessé de soutenir le PKK, à la fin des années 90, l’organisation terroriste a été en grande partie incapable de lancer des opérations de grande ampleur, et a dû se contenter d’actions terroristes dirigées contre les installations touristiques en Turquie. L’adhésion au PKK était alors en baisse, et le nombre de terroristes s’était réduit de moitié, de plus la capture de leur chef, Abdullah Öcalan avait, sur fond de rumeur de scission, démoralisé de larges sections du PKK. La réactivation de l’organisation à la dérive a coïncidé avec les informations des relations PEJAK - USA et avec – il faut souligner ce point - la disparition d’armes, de munitions et d’autres équipements américains en l’Irak.

Près d’une arme sur vingt-cinq fournies aux Irakiens par les Etats-Unis a disparu. De plus, le système de traçabilité, destiné à suivre le trajet des équipements militaires, n’a fonctionné pour aucune des armes égarées. Depuis 2003, 370.000 armes légères ont été envoyées à l’Irak par les États-Unis, mais seulement 3% ont leur numéro de série enregistré par le Département de la Défense US avant d’être remis aux autorités irakiennes. Pour des raisons obscures, le Général qui était en de cette tâche particulière – un certain Petraeus – n’a jamais été tenu responsable de ce qui est l’un des plus grands scandales de cette guerre.

Il n’est pas impossible et absurde de penser que des soldats américains « corrompus » aient vendu des armes aux terroristes du PKK au marché noir, mais l’absence de tout système permettant de suivre les armes livrées, nous pousse à avoir des soupçons à plus grande échelle. Ne pouvons-nous pas raisonnablement penser que cette absence de toute traçabilité sur les armes livrées aux autorités irakiennes, ait été voulue par le Pentagone – ou une autre autorité – afin que ces armes se perdent dans la nature ? Cela faciliterait manifestement l’armement de groupes comme le PEJAK, afin de mettre la pression sur les Iraniens et de donner aux obsédés des renversements de régime au Pentagone, une énorme cache d’armes états-uniennes dans laquelle puiser à volonté.

Nous savons que les États-Unis et Israël aident le PEJAK, et ce soutien a certainement permis, même indirectement, au PKK de s’alimenter en armes hors des filières régulières. Le facteur israélien apporte un autre angle de vue à la situation présente : le journaliste Seymour Hersh a également montré les importants investissements d’Israël au « Kurdistan », investissements commerciaux, mais aussi dans la formation des « commandos » kurdes. Ne pourrait-il pas s’agir, notamment, des terroristes du PKK ?

L’Iran et la Turquie se sont engagés à coopérer afin d’éradiquer la menace terroriste kurde, et cette coopération a été un facteur supplémentaire de la mauvaise santé des relations entre Ankara d’un côté et Washington et Tel-Aviv de l’autre. Ce qui était encore récemment un réseau serré d’alliance a commencé à se défaire, lorsque les Turcs ont refusé de laisser les États-Unis utiliser son territoire comme rampe de lancement pour l’invasion de l’Irak, les choses n’ont cessé alors de se dégrader. Les tenants des renversements de régime réunis autour de Dick Cheney et son équipe et des hauts responsables civils du Pentagone, ont peut-être décidé de sacrifier les Turcs, maintenant que la campagne contre Téhéran bat son plein. Si le prix à payer aux Kurdes pour qu’ils se battent contre le régime iranien est une aide clandestine à leurs agressions contre la Turquie, alors il y a fort à parier que le Parti de la Guerre est tout à fait disposé à le payer : la loyauté n’est pas leur fort, comme les chiites irakiens peuvent aisément en convenir.

J’ai beaucoup de mal à croire que l’immense quantité d’armes américaines perdues, et qui se sont retrouvées entre les mains des terroristes PKK, proviennent simplement d’un marché noir de l’armement sans aucune connaissance ni complicité des plus hautes autorités américaines. Quant à savoir l’ampleur de cette « corruption », cela reste à établir. Ce que nous pouvons en revanche à coup sûr affirmer c’est ceci : le Parti de la Guerre ne recule pas devant la perspective d’opérations « voyous », ni celle de court-circuiter les autorités légitimes, lorsque cela sert ses objectifs.

Lors d’une récente manifestation des étudiants turcs contre le terrorisme du PKK, les manifestants dénonçaient la fois les terroristes kurdes et le gouvernement américain : « A bas le PKK ! », « A bas les Etats-Unis ! ». En Turquie, au moins, les gens semblent savoir qui se trouve derrière la vague de terrorisme qui a secoué le pays.

Mais aux Etats-Unis, la situation est tout autre : les médias dits d’ « information » n’ont rien dit sur l’enquête du FBI et de la participation éventuelle des Américains [2], et, à l’exception de journalistes comme Hersh ou quelques rares autres, aucun média n’a parlé des connexions entre les groupes de « libération » comme le PEJAK et les Etats-Unis ou Israël. Pour les « grands » médias, ce qui se passe actuellement entre les Turcs et les Kurdes est à mettre sur le compte des conflits de sang ancestraux qui sont supposés régner au Moyen-Orient. Mais personne pour se demander : pourquoi ces vieux problèmes connaissent de nouvelles escalades ?

Que le PKK et PEJAK aient accepté d’être des pions du Parti de la Guerre américain est, de leur point de vue, compréhensible : ils veulent unir les Kurdes dans le vieux rêve d’un« Grand Kurdistan. ». Comme Ahmed Chalabi du Congrès national iraquien, ils sont prêts, déterminés et en mesure d’utiliser à leur tour les Américains, dans la perspective de faire avancer leur propre agenda. Mais la question posée au Congrès des Etats-Unis est de savoir si les contribuables américains sont conscients qu’ils sont en train de subventionner un terrorisme frappant les Turcs, à la seule fin d’assurer la promo de l’agenda politique du Parti de la Guerre ?

Justin Raimondo

Traduction : Ilker pour Turquie News


[1où les terroristes ont leurs bases

[2dans la livraison d’armes à des terroristes

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