19 avril 2024

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100e anniverssaire de la république de Turquie

A l’occasion du 93è anniversaire du traité de Lausanne, le 23 juillet 2016, soit une semaine après la tentative de coup d’Etat, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a estimé que : « Le traité de Lausanne représente l’acte fondateur de notre République. La victoire du grand peuple turc, acquise grâce à sa foi, son courage et ses sacrifices, a été consacrée par l’accord de Lausanne en se prolongeant sur le plan diplomatique et dans le droit international. Ce traité est le titre de propriété de notre pays. En commençant par le fondateur de notre République, Mustafa Kemal Pasha, je salue respectueusement la mémoire de tous nos hommes d’Etat qui ont été les architectes de cet accord de paix. »


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Lausanne & désinformations

Publié le | par Engin | Nombre de visite 7574
Lausanne & désinformations

A l’occasion du 93è anniversaire du traité de Lausanne, le 23 juillet 2016, soit une semaine après la tentative de coup d’Etat, le président turc Recep Tayyip Erdoğan a estimé que : « Le traité de Lausanne représente l’acte fondateur de notre République. La victoire du grand peuple turc, acquise grâce à sa foi, son courage et ses sacrifices, a été consacrée par l’accord de Lausanne en se prolongeant sur le plan diplomatique et dans le droit international. Ce traité est le titre de propriété de notre pays. En commençant par le fondateur de notre République, Mustafa Kemal Pasha, je salue respectueusement la mémoire de tous nos hommes d’Etat qui ont été les architectes de cet accord de paix. »

Le président turc réitérait là la même opinion depuis 2003 quand il avait jugé, lors du 80è anniversaire de Lausanne, que « le traité de Lausanne symbolise à la fois une victoire militaire et une victoire politique et a été le point culminant ayant permis de jeter les fondations de la République de Turquie. ».

Curieusement, la semaine dernière, jeudi 29 septembre 2016, dans un discours prononcé lors du 27è congrès des maires de Turquie à Ankara, le président Tayyip Erdoğan a jugé cette fois : « Ils nous ont montré le traité de Sèvres et nous ont convaincus avec le traité de Lausanne. Ils ont essayé de nous duper en nous faisant croire que Lausanne était une victoire. À Lausanne, nous avons abandonné à la Grèce des îles qui se trouvaient à portée de voix. Est-ce une victoire ? Ceux qui siégeaient à la table de négociations n’ont pas fait ce qu’il fallait avec ce traité. Nous en subissons aujourd’hui les conséquences. ».

L’historien Sinan Meydan pense que « malheureusement certains tentent de duper Erdoğan à propos d’Atatürk et de la République car à Lausanne, la Turquie n’a pas perdu 2,5 millions de mètres carrés de territoire. A l’exception de la province de Hatay, les Turcs ont sauvé un territoire indépendant de 736 mille kilomètres carrés. ».

Je vous soumets la traduction des réponses de Sinan Meydan aux questions du journaliste Uğur Dündar.

Traduit par Özcan Türk

TRADUCTION

***Comment en sommes-nous arrivés aux propos d’Erdoğan qui estime : « Ils nous ont montré Sèvres et nous ont convaincus avec le traité de Lausanne » ?
 La responsabilité de notre soumission à l’infâme traité de Sèvres incombe totalement aux dirigeants ottomans qui ont collaboré avec l’occupant impérialiste, le sultan Vahdettin, Mehmet VI et le Grand vizir Damat Ferit. N’oublions pas que c’est avec l’accord du Padischah Vahdettin que le traité de Sèvres a été signé par l’Empire ottoman. La délégation ottomane ayant signé Sèvres le 10 août 1920 se composait de Mehmed Hadi Pasha, ministre de l’Education, de Reşat Halis Bey, l’ambassadeur ottoman à Berne et de Rıza Tevfik Bölükbaşı, président du Conseil d’Etat. La Grande Assemblée nationale de Turquie a refusé de reconnaître ce traité et a décrété que les signataires ottomans étaient des traîtres à la patrie. Le sultan Mehmet VI et Damat Ferit, en collaboration avec l’ennemi britannique, ont alors commencé à tirer à boulets rouges sur Mustafa Kemal et les indépendantistes turcs d’Anatolie afin de faire ratifier le traité de Sèvres par la Grande Assemblée nationale de Turquie. Le courroux impérial s’est de suite abattu sur la rébellion turque menée par Mustafa Kemal citons entre autres, la milice ottomane nommée « l’Armée du Calife », les délégations de conseillers « Heyeti Nasiha » exhortant la population turque à ne pas s’opposer à l’occupant, des firmans pour l’exécution immédiate de Mustafa Kemal, nombres de soulèvements obscurantistes, tout cela fomenté par Mehmet VI et son grand vizir Damat Ferit pour faire vivre le traité de Sèvres. A tel point que le 22 juillet 1920, lors de la réunion du Conseil impérial, Damat Ferit estime que signer le traité de Sèvres est insuffisant et pour le faire appliquer, il est impérieux d’abattre le soulèvement indépendantiste de Mustafa Kemal. Ceux qui ont validé l’arrêt de mort de la Turquie par le traité de Sèvres ne sont pas Mustafa Kemal et ses camarades d’armes mais bien Mehmet VI et sa cour.

***Quel est le contenu exact du traité de Sèvres ? Quelle était sa finalité ?
 Pour comprendre l’accord de Sèvres, il faut comprendre la question d’Orient. L’objectif ultime de la question d’Orient était d’expulser les Turcs d’abord de l’Europe, puis des Balkans et enfin d’Anatolie. A l’issue de la Première Guerre mondiale, les Turcs ont été refoulés d’Europe occidentale et des Balkans. Il restait à les jeter hors d’Anatolie. C’est dans cette logique que les forces impérialistes ambitionnaient de ponctuer ce processus d’élimination à Sèvres le 10 août 1920. Pas moins de 102 réunions ont été organisées en Europe occidentale à cet objet entre 1918 et 1920. Ainsi est née une sentence de mort de 161 pages contenant 433 articles, on l’a nommé traité de Sèvres. Le but réel était de gommer l’entité turque en morcelant le territoire turc, en le réduisant en miettes puis, par étapes, en effaçant les Turcs d’Anatolie. Sèvres prévoyait une autorité régionale britannique, française et italienne et Istanbul était tout uniment détaché de la Turquie et condamné à un statut international. Izmir et sa région entraient dans le giron grec et ses populations turques se voyaient offrir le statut de « minorités ». A l’est, les ennemis prévoyaient la création d’une grande Arménie et d’un Kurdistan dans le sud anatolien. Quant à la Turquie, elle se trouvait confinée à quelques provinces au milieu de l’Anatolie. Mais, Sèvres avait également prévu une place pour le sultan calife qui allait continuer d’occuper un siège à Istanbul.

***Est-ce que c’est la Turquie qui a été convaincue de signer Lausanne ou bien l’inverse, la Turquie victorieuse de la Guerre d’indépendance a-t-elle convaincu les pays belligérants de conclure le traité de Lausanne ?
 Les puissances impérialistes de l’époque voulaient convaincre la Turquie de signer le traité de Sèvres. Au final, le sultan Mehmet VI et le grand vizir Damat Ferid en tête, les dirigeants ottomans ont ratifié Sèvres. Qui plus est, afin que Sèvres soit pleinement effectif, ils ont déployé tous les efforts possibles en devenant les sous-traitants bénévoles de l’occupant britannique. Lausanne est tout autre, il représente la paix arrachée par le sang de la guerre d’indépendance menée par le peuple turc sous le commandement de Mustafa Kemal avec les cris de détermination ultimes : « soit l’indépendance, soit la mort ! ». C’est ainsi, avec leur honneur et leur fierté, que les Turcs ont convaincu les ennemis de négocier un nouvel accord, le traité de paix de Lausanne. Pourtant, lors de la conférence de Lausanne, les pays belligérants ont tenté de faire accepter une version édulcorée du traité de Sèvres (ébauche du 30 janvier 1923) mais İsmet Inönü a refusé allant jusqu’à claquer la porte avec les instructions d’Ankara et en rentrant au pays. Comprenez bien que les négociateurs turcs ont refusé catégoriquement que l’ennemi leur dicte des conditions inacceptables. Et pourtant, lors des négociations, les bâtiments de guerre ennemis étaient amarrés aux ports d’Istanbul et d’Izmir. La menace armée n’avait pas quitté le pays, à l’inverse, elle grondait. Malgré cela, les Turcs ont dit non. Et ce n’est qu’après le traité de Lausanne que l’occupant a définitivement quitté notre pays. Les Turcs, à Lausanne, ont réalisé le « Serment national » (Misak-i Milli), cette déclaration d’indépendance en 6 articles qui avait été adoptée dès 1920. Ils ont ainsi acquis un pays libre et indépendant aux frontières clairement établies. Disons aussi que l’un des plus brillants succès obtenus à Lausanne est sans nul doute l’abrogation des traités de Capitulations octroyés par les sultans ottomans aux puissances étrangères. Ces accords offraient aux étrangers des droits et des privilèges impensables et donc constituaient une ingérence légale dans les affaires du pays. Citons aussi la fin du système juridique pluriel (selon la confession), la disparition de la différenciation musulmans-minorités, ainsi que l’avortement de l’idée de création d’une grande Arménie et d’un Kurdistan. Toutes ces avancées ont permis de fonder le socle d’une Turquie libre et indépendante.

***Comment avons-nous perdu les îles de la mer Egée ? Ont-elles été cédées à Lausanne ?
 Cette allégation fait partie des mensonges les plus répandues. En effet, lors des guerres balkaniques durant l’Empire ottoman, les îles de la mer Egée ont été envahies par les Grecs. Le pouvoir ottoman en ratifiant le traité de Londres le 30 mai 1913 et le traité d’Athènes le 14 novembre 1913 a abandonné à la Grèce ses îles en mer Egée. De la même façon, à la fin de la Guerre de Tripolitaine (guerre turco-italienne), l’archipel des îles du Dodécanèse (12 Adalar), à quelques encablures de la côte turque juste en face de Bodrum, a été cédé aux Italiens par le traité d’Ouchy le 18 octobre 1912. A Lausanne, la Turquie n’a perdu aucune île à l’exception de Megisti. A l’inverse, les négociateurs turcs ont même réussi à récupérer des îles comme Gökçeada (Imbros), Bozcaada (Ténédos), Tavşan adası (Néandre) ainsi que toutes les îles, îlots et rochers distants de moins de 3 milles marins du littoral turc.

***Pourquoi n’avons-nous pas pu conserver Moussoul et Kirkouk ?
 Tout d’abord, Moussoul n’a pas été perdu avec Lausanne. Cette région est passée sous occupation britannique dès le 10 novembre 1918. A Lausanne, comme aucun accord n’a été trouvé pour Moussoul, la question a été reportée à une date ultérieure par les parties. Après Lausanne, les Britanniques ont œuvré avec perfidie. Ils ont ouvertement soutenu et obtenu la révolte des Nestoriens en 1924 et sournoisement la révolte armée obscurantiste et féodale de Cheik Sait en 1925 contre la jeune République turque. Ces deux soulèvements kurdistes ont affaibli la main turque à propos de Moussoul. Les Britanniques occupaient également Chypre et en Irak, la Royal Air Force possédait une grande base militaire. Dans ces conditions, les exigences turques n’avaient plus aucune force.

***Y-a-t-il des accords secrets conclus à Lausanne ?
 On peut aisément consulter le texte intégral et les annexes du traité de Lausanne. Il n’est pas secret. Le traité est un accord international qui se compose de 17 annexes , 5 parties, 5 accords, 5 protocoles et 5 déclarations, comportant au total 143 articles. (pour le consulter, cliquez : http://www.eurel.info/IMG/pdf/gr_traite_lausanne.pdf).
Cet accord a été conclu et signé par de nombreux pays. Le traité est multipartite et non bipartite. Imaginer des « accords secrets » est clairement impossible sur le plan juridique. C’est contraire au bon sens ! Comme je l’ai dit, c’est un accord multipartite, par exemple comment des accords qui seraient convenus avec les seuls Britanniques auraient pu être validés par les autres parties ? En conclusion, le traité de Lausanne ne contient absolument aucun document secret. C’est une pure légende inventée par l’historien au fez, Kadir Mısıroğlu.

***Est-ce que l’accord de Lausanne nous interdit d’exploiter nos richesses souterraines comme le pétrole ou les métaux précieux ?
 Il n’y a rien de tel dans le traité de Lausanne. A l’inverse, Lausanne a définitivement mis fin aux traités de Capitulations octroyés lors de la période ottomane. Ainsi, les étrangers ont perdu tout privilège et la République de Turquie est devenue l’unique propriétaire de son sol et de son sous-sol ainsi que de tout ce qui s’y trouve notamment pétrole, minéraux et métaux.

***Est-ce que la validité du traité de Lausanne est de 100 ans ? Arrive-t-il à terme en 2023 ?
 C’est là, la plus risible des désinformations. Nulle part dans le traité ou ses annexes ne figure une date d’expiration. Le traité de Lausanne est le titre de propriété de la République de Turquie. Tant que la République existera, le traité existera.

***Quelle est l’opinion d’Atatürk à propos du traité de Lausanne ?
 Dans son livre « Nutuk » (Discours), Atatürk, en référence au traité de Lausanne et à celui de Sèvres estime : « Je pense qu’il est inutile de comparer encore plus les dispositions du traité de paix de Lausanne avec celui de Sèvres. Cet accord éradique l’infâme tentative d’élimination du peuple turc que certains avaient planifié de ponctuer avec le traité de Sèvres. C’est là, un succès contractuel jamais obtenu dans l’histoire ottomane. »

***Et İsmet İnönü, le second Président de la République, que pense-t-il du traité de Lausanne ?
 Dans ses « Mémoires », İsmet İnönü écrit : « Nous avons fondé un Etat en partant d’un ‘homme malade’. Le traité de Lausanne constitue l’acte politique fondateur du nouvel Etat turc. Cet Etat-nation contemporain est pleinement indépendant et jouit entièrement de ses droits. Le traité de Lausanne ratifie et consacre cette réalité. Qu’a-t-il coûté en temps ? Alors que tous les pays se sont battus durant 4 ans lors de la Grande Guerre mondiale, les Turcs ont guerroyé 4 ans de plus, soit 8 ans face aux ennemis qui avaient envahi les 4 coins du pays. Les combattants turcs ont sauvé leur pays l’arme à la main et ont fait accepter ce traité. »

Gökmen ULU
1 octobre 2016

Source de l’article original en turc : http://www.sozcu.com.tr/…/lozan-turkiyeyi-tam-bagimsiz-hal…/


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