C’est sûr, il y aura du travail ! Mais la volonté est clairement affichée : la Turquie entend lutter contre toutes les formes de fraudes fiscales et sociales. À commencer par le travail illégal qui représente 45 % de son produit intérieur brut. « Ce n’est pas un pays émergent mais il connaît une forte croissance économique et lorgne toujours pour entrer dans l’Europe », rappelle Philippe Salièges, directeur de l’Urssaf Aquitaine qui, pendant deux jours, reçoit une délégation composée de dix inspecteurs de l’Institut de sécurité sociale d’Ankara.
Les agents turcs sont accompagnés de Pierre d’Herbais, fonctionnaire au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, basé à Bruxelles, et responsable de la mission européenne auprès de l’Institut de sécurité sociale à Ankara. « Nous sommes venus à Bordeaux parce que la France est un modèle d’organisation. Son expertise sur le système de protection sociale est reconnue comme très efficace », précise Pierre d’Herbais qui, il y a quinze ans déjà, avec Philippe Salièges, créait un corps d’inspection de la sécurité sociale en Asie centrale.
Un Codaf turc
L’adhésion de la Turquie à l’Union européenne fait aujourd’hui l’unanimité au sein du pays qui se dit prêt à faire des efforts pour gommer certaines choses, dont la corruption encore trop présente.
À l’image de la France, les Turcs envisagent de mettre sur pied un système équivalent au Comité opérationnel de lutte contre les fraudes (Codaf). Mais ils partent de très loin car, pour l’instant, la législation ne leur permet pas de sanctionner le travail dissimulé. À l’exception cependant des cas relevés lorsque survient un accident du travail. « Les peines sont alors sévères et peuvent aller de cinq à dix ans de prison », relève Pierre d’Herbais dont la mission a débuté en septembre 2010 et s’achèvera en juin 2013. « Nous sommes financés à 85 % par l’Union européenne et à 15 % par le gouvernement turc. »
Échange de fichiers
Cécile Baudot-Renault, vice-procureur de la République au tribunal de grande instance de Bordeaux, s’est voulue très pédagogue auprès des inspecteurs étrangers et a expliqué que les contrôles, en Gironde, étaient de plus en plus nombreux et les procédures systématiquement transmises au parquet. « Ils rencontrent ce que nous avons connu il n’y a pas très longtemps », commente le capitaine de gendarmerie Alain Moreau. Les gendarmes qui collaborent déjà avec leurs homologues turcs vont d’ailleurs leur glisser quelques conseils. « La première des choses, c’est l’échange de fichiers si l’on veut des résultats », dit Pierre d’Herbais. « Il faut avoir un numéro d’identification de sécurité sociale commun et non plus un Data base pour les assurés sociaux, un autre pour les contribuables et enfin un pour les cotisants à la sécurité sociale car tout cela favorise la fraude. »
Après les Chinois venus récemment en visite à l’Urssaf de la Gironde pour réformer leur système de sécurité sociale, les Turcs affirment que les pouvoirs publics de leur pays ont pris conscience qu’il est désormais temps d’agir.
Source : Sud-Ouest