ATATÜRK par Ayten AKGÜRBÜZ

Histoire

La situation en Crimée et dans les régions pontiques (1918)

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La situation en Crimée et dans les régions pontiques (1918)

"Retour de Russie", Servet-i-Funoun, n° 1385, 21 mars 1918, p. 4 :

"Le « Gul-Nihal » à Caffa. — Les Russes et la politique. — Curieuses particularités.

Le Gul-Nihal du Séïri-Séfaïne est rentré l’autre soir de Caffa, en Crimée, avec 233 prisonniers, qui ont été transférés au muçafirhané militaire de Sirkédji, et 6 femmes, qui ont été hébergées par les soins de la police. Il y avait également à bord 17 soldats autrichiens et 3 allemands.

Nos prisonniers sont presque tous des originaires de vos vilayets-frontière de l’est.

Fouad bey, capitaine du Gul-Nihal, a fait au rédacteur du Vakit les déclarations suivantes sur son voyage.

Parti d’ici le mercredi 6 mars avec 75 soldats et 5 officiers russes, le vapeur est arrivé devant Caffa (Théodosie) dans la nuit de vendredi. Le matin, un torpilleur russe portant le pavillon turc au mât de l’avant, s’approcha, l’équipage cria hourra, et le petit bâtiment prit les devants pour guider le Gul Nihal jusqu’au quai, où il s’amarra et qui était plein d’une foule innombrable. Une musique y jouait. Des femmes vinrent présenter le pain et le sel. Des membres du Soviet local montèrent aussi à bord et prononcèrent des discours contre la tyrannie de leur bourgeoisie, ajoutant qu’ils comptaient sur le développement des idées humaines de par le monde.

Un tour en ville permit à Fouad bey de constater que la révolution y régnait en maîtresse. Tout était entre les mains des ouvriers. Pas de cols empesés. Egalité parfaite, même entre officiers et soldats, ceux-ci ordonnant plutôt que ceux-là et personne n’étant sûr du lendemain.

Le Soviet invita l’équipage turc à un banquet, et le lendemain ce fut le tour de l’équipage d’un contre-torpilleur russe qui invita les hommes du Gul Nihal et du Peïki Chevket, poussant l’effusion à ses dernières limites et se coiffant du fez turc.

Le troisième jour, on reçut la visite d’une foule nombreuse composée d’hommes et de femmes, y compris des musulmans.

Les prisonniers ramenés avaient beaucoup souffert jusqu’au jour de la révolution, mais avaient été alors laissés entièrement en liberté.

De son côté, Mehmed Ali bey, chargé de prendre livraison des prisonniers, s’est exprimé dans le même sens en ce qui concerne l’état des esprits à Théodosia. Il a dit que les Bolchéviki sont à ce point hostiles aux riches qu’ils envoient à celui-ci et à celui-là la sommation d’avoir à leur faire parvenir, dans les vingt quatre heures, telle somme. S’il ne s’exécute pas, on l’exécute.

Le mouvement révolutionnaire est calmé maintenant, mais des Russes ont déclaré que pour qu’il arrive à dominer en Russie, il a coûté à ce pays cinq fois plus de sacrifices en hommes que la guerre. Si les Bolchéviki dominent à Caffa, il n’en serait pas de même à Sévastopol et à Yalta.

Mehmed Ali bey ne croit pas cependant que la domination bolchévikienne puisse être de fort longue durée , la population ne paraissant pas trop être favorable au nouveau régime. Mais la chute de celui-ci ne signifierait pas une reprise de la guerre. Personne n’en est partisan. Pour l’instant, les maximalistes ont maille à partir avec les Cosaques, qui ont une bonne organisation. Dirigés par Calédine, ils sont pour Kérensky. Au moment de la présence du Gul-Nihal à Caffa, le Soviet avait émis une proclamation pour demander des volontaires qui iraient se battre contre Calédine.

Actuellement, les Tartares de Crimée sont en bons termes avec les maximalistes. Mais précédemment, le mufti d’Ak Mesdjid, Tchélébi Djihan effendi, ayant voulu proclamer l’indépendance de la Crimée, ils en avaient eu vent et l’avaient tué. Cela avait amené avec les musulmans une tension qui est maintenant calmée.

Les vivres sont abondants à Caffa. La farine y est à 5 piastres d’ocque, mais le cuir coûte fort cher. Une paire de souliers s’y vend 20 livres, une paire de galoches 2 livres. Le sucre est à 25 piastres, mais contre vécica.

Les femmes amenées par le Gul-Nihal sont des musulmanes du littoral anatolien. Il y en avait une centaine qui avaient été emmenées par les Russes , il y a un mois et demi, lors de l’évacuation, à Caff [le célèbre écrivain russe Maxime Gorki avait confirmé l’existence de ces enlèvements , à l’époque]. Les bandes arméniennes avaient ensuite dévasté la ville de Gheurélé.

Le Gul Nihal a amené également un vieillard de 77 ans, Bakir oghlou Polad, un Tartare d’Eski-Chéhir, quartier Hamidié."

"Un homme d’Etat criméen : La situation en Crimée et dans les régions pontiques", Servet-i-Funoun, n° 1390, 25 avril 1918, p. 2-3 :

"Le commissaire pour les affaires étrangères du gouvernement criméen, Djâfer bey, dont nous avions signalé naguère la présence à Trébizonde , est arrivé en notre ville.

C’est un homme d’une trentaine d’années et qui avait fait ses études à Constantinople. Il vient de la Caucasie, où il s’était rendu à l’effet de s’entendre avec le gouvernement de ce pays sur les moyens d’assurer leur représentation à la conférence de paix, de même qu’avec les délégués ottomans. Le congrès devait se tenir à Trébizonde, où il a pu s’aboucher avec nos représentants.

Il ressort des déclarations faites par Djafer bey au Tanine , que la Caucasie se trouve dans un état de complète anarchie. Aucune autorité réelle n’y existe. Il s’y commet continuellement des crimesde la part de Bolchevikis et des bandes [arméniennes]. L’escadre russe de la mer Noire se trouverait probablement à Novorossisk, mais il règnerait à bord de ses navires un tel état d’anarchie que l’on doute qu’elle soit en état de naviguer.

En ce qui concerne la Crimée, Djâfer bey a exprimé ses regrets au sujet du fait que l’élément bolchevik y est présentement maître de tout.

Avant la guerre, les Criméens ayant reçu leur éducation à Constantinople avaient entrepris de faire du Zindjirli Médressé de Baghtché-Séraï un centre de culture avec un programme d’études en russe et en français. Les réactionnaires voulurent y mettre obstacle, mais en vain. Et il se forma là un noyau où la jeunesse puisa les idées libérales modernes.

Après la révolution russe, les musulmans de Russie décidèrent, dans une assemblée de 1,500 délégués, de confier leur intérêts à la jeunesse instruite, dont ils formèrent un comité de 41 membres. On décida de suivre une politique nationale, d’améliorer le clergé, de nationaliser les biens du vakf, — comprenant 86,000 déciatines de terres.

Pour aider à cette œuvre de relèvement national, on forma par l’élection un Couroultaï ou assemblée générale, qui élabora un statut et forma un gouvernement issu de son sein et présida par Tchélébi Djihan effendi.

La Crimée avait dans l’intervalle lié partie avec l’Ukraine contre les Bolchéviki , ce qui contribua à la proclamation de l’indépendance de la Crimée et la régionalisation des troupes musulmanes. Mais les Bolcheviki, reprenant le dessus, parvinrent à annihiler ces mesures et demandèrent par ultimatum la dissolution du Couroultaï. Sur le refus des musulmans, ils les attaquèrent à Caffa, Eupatoria, Yalta, Baghtché-Séraï, Alma, Symféropol et procédèrent et à des arrestations avec la coopération des équipages de la flotte. Ils tuèrent même quelques membres du gouvernement.

C’est alors que Djâfer bey avait été chargé par ses compatriotes d’aller solliciter l’assistance des pays coreligionnaires , motif de sa présence parmi nous."

Sur l’histoire de la Crimée et de l’Ukraine : Le dialecte arméno-kiptchak

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