par Brigitte di Benedetto
Jack Lang : “L’Europe doit comprendre qu’Istanbul lui offre une énergie dont elle a besoin”

En visite en Turquie pour notamment voir les projets d’Istanbul capitale européenne de la Culture, concept dont il est à l’origine avec Mélina Mercouri, Jack Lang donnait hier soir une conférence à l’Institut Français d’Istanbul. Entouré de personnages aussi célèbres dans le monde de la culture turque comme l’écrivain Yasar Kemal, le musicien Zülfü Livaneli et même Ara Güler, Jack Lang intervenait sur le thème de la modernité culturelle d’Istanbul. Qu’a- t-on appris ?
Que Jack Lang est un grand ami de la Turquie tout d’abord, à entendre le témoignage de l’écrivain Yasar Kemal qui a longuement raconté comment il avait fait connaissance de notre ancien ministre de la Culture, alors tout jeune directeur du festival de théâtre universitaire de Nancy, où une troupe turque, qui avait présenté l’adaptation d’un livre de Yasar Kemal, avait remporté un franc succès. Le début d’une grande amitié aussi apparemment et l’occasion pour Jack Lang de préciser aussi “que la Turquie est un élément inséparable de ma vie” !
Yasar Kémal a également salué toutes les actions culturelles qui se sont déroulées pendant le ministère de Jack Lang et qui ont souvent permis aux écrivains, cinéastes et artistes turcs d’y participer.“La gauche représente pour nous l’humanisme et la culture” a ajouté Yasar Kémal, et “Jack Lang en est un grand représentant”.
“A Istanbul, l’ancien et le nouveau ne cessent de dialoguer, parfois en opposition, souvent en bonne intelligence”
Après cet échange de sentiments amicaux, la conférence est entrée dans le vif du sujet. Quelle est la vision de Jack Lang sur la modernité culturelle d’Istanbul ?
Concernant Istanbul 2010, notre ancien ministre a d’abord précisé avoir apprécié que beaucoup de projets aient été conçus en direction des enfants. “C’est très important pour l’avenir d’un pays”, a t-il précisé “les fourmis de la culture sont en marche”. Il s’est également montré heureux de la tenue ces deux dernières années d’événements comme la Saison et Istanbul 2010 qui vont pouvoir remédier à “la grande ignorance qu’ont les Français sur les Turcs”. Il a ensuite avancé qu’il serait une excellente idée que le siège de l’agence Istanbul 2010 devienne une maison européenne de la Culture...
Pour parler davantage de la ville elle-même, il a rendu hommage à son dynamisme citant Jean-François Pérouse de l’IFEA avec lequel il avait la veille effectué une visite urbaine “L’Europe doit comprendre qu’Istanbul lui offre une énergie dont elle a besoin”. Jack Lang a beaucoup insisté sur les dangers de la modernité parfois synonyme de destruction et de ségrégation , évoquant ici les populations pauvres souvent reléguées en périphérie des grandes métropoles. Il plaide pour une modernité renforçant l’harmonie entre les citoyens et avec le passé de la ville elle-même “quand on veut moderniser, il faut respecter en même temps l’âme d’une ville, son génie, ses paysages et ses monuments”.
En dialogue avec Jack Lang, le musicien Zülfü Livaneli a publiquement regretté qu’Istanbul ait perdu de sa culture cosmopolite avec l’émigration massive des arméniens, grecs et juifs. Il a salué cependant la cohabitation entre les religions “Nous avons une tradition d’aller dans les lieux de culte des autres pour allumer des cierges. Le monastère saint Georges dans l’île de Büyükada fréquenté à 80 % par des pélerins musulmans en est un exemple".
Pour conclure la conférence et boucler habilement la boucle, tant Jack Lang que Zülfü Livaneli ont célébré Yasar Kémal “l’écrivain de cette transformation d’Istanbul” qui est décrite dans toute son oeuvre.
Source Le petit journal par Brigitte di Benedetto
Zülfü Livaneli vient de publier en français aux éditions Gallimard son nouveau roman “Délivrance” (destins croisés de trois personnages emblématiques de la Turquie d’aujourd’hui), qui s’est vendu ici à 100 000 exemplaires. Disponible sur Amazone.