Pourquoi êtes-vous en colère ?
C’est plus de l’inquiétude que de la colère. Aujourd’hui, la communauté arménienne est inquiète. Et ce, depuis que la France et l’Europe, au travers de leurs institutions et de leurs hommes politiques, ont déclaré, fin 2009, que l’Arménie était un pays sûr, où règne l’ordre et la loi, et où la sécurité est garantie pour tous.
Ce n’est pas le cas ?
Bien sûr que non . Certes, son PIB ne cesse d’augmenter et son taux de croissance frôle les 10 % mais cette image idyllique n’est qu’un leurre.
Pourquoi dites-vous cela ?
Vous, vous voulez quitter la France ? Non, donc c’est que vous y êtes bien. Alors dites-moi pourquoi les Arméniens, eux, fuient leur pays s’il est aussi bien qu’on veut nous le faire croire. Depuis 1998, chaque élection a été truquée. En 2008, nous avons assisté, impuissants et muselés, au remplissage voir au remplacement des urnes. Comment les envoyés de la Communauté européenne ont-ils pu déclarer que ces élections avaient été libres et démocratiques ? Dès les résultats proclamés, ce sont les tanks qui ont célébré la victoire en tirant sur la population excédée. Bilan : dix morts, de nombreux blessés et disparus, des centaines de citoyens incarcérés en une seule journée ! Comment M. Sarkozy a-t-il pu être l’un des tout premiers à féliciter notre nouveau président, M. Sarkisyan, alors que l’on tirait encore dans les rues ? La vérité, c’est que notre pays est gouverné par d’anciens apparatchiks du KGB qui se sont partagés les richesses du pays et font régner la terreur parmi la population. Population qui n’a d’autre choix que de collaborer, partir ou mourir.
Beaucoup partent ?
Certains mais, vous savez, il faut avoir le courage de partir. Ce n’est jamais évident de quitter son pays, ses racines, sa famille, ses amis, pour aller vers l’inconnu. Certains, désemparés, échangent même leur maison contre un billet d’avion.
Que revendiquez-vous aujourd’hui ?
Nous souhaitons rétablir cette vérité, haut et fort, et dire publiquement notre désarroi. Nous avons manifesté à Montpellier la semaine dernière devant la préfecture. Aujourd’hui, nous sommes en train de créer une association sur Béziers.
Dans quel intérêt ?
On veut aider les Arméniens réfugiés et les demandeurs d’asile politique qui sont en France et qui se retrouvent sans solution. Certains sont arrivés il y a un, deux ou trois ans et attendent leurs papiers. En déclarant que l’Arménie est un pays sûr, ils se retrouvent dans une impasse avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête puisqu’ils peuvent être renvoyés à tout moment en Arménie. Un pays qu’ils ont fui et qui va le leur fait payer. Il faut trouver des solutions.
Mais quelles solutions ?
Il faut aider les Arméniens qui sont déjà en France. Ensuite, il faut faire passer des entretiens à ceux qui veulent venir. On est conscient que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais si le département réfugié de l’ONU a constaté en 2009 une augmentation de 43 % par rapport à 2008 pour les demandes d’origine arménienne, c’est bien qu’il y a des problèmes dans ce pays.
Source Midi Libre