20 avril 2024

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France

France-Turquie : la nuit finira *

Publié le | par Maxime Gauin | Nombre de visite 850

Info TURQUIE NEWS - www.turquie-news.com - Nous publions la version française de la tribune publiée par Maxime Gauin, chercheur à l’International Strategic Research Organization (USAK-ISRO, Ankara) dans Today’s Zaman du 1er février 2012 (et parue sur Internet la veille au soir, comme les autres articles de ce genre).

Les accusations de « génocide arménien » ont fait l’objet de discussions au Parlement français depuis 1975. Elles furent rejetées en 1975, 1985, 1987 et 1996, puis acceptées en 1998-2001. Mais, clairement, les discussions et surtout le vote n’étaient jamais allés aussi loin. Ce qui s’est passé le 22 décembre et le 23 janvier peut être appelé un point culminant dans l’ineptie. Une sénatrice, Sylvie Joissains, élue des Bouches-du-Rhône — c’est-à-dire le département français qui abrite la communauté arménienne de France d’où part le plus de vitupérations — a même regretté, lors de son intervention, que le traité de Sèvres n’ait jamais été ni ratifié ni appliqué. Cela étant, si Michel Diefenbacher, président du groupe d’amitié France-Turquie à l’Assemblée nationale, s’était retrouvé un peu seul à sauver l’honneur par un bon discours, un nombre significatif de sénateurs se sont battus avec énergie : motion d’irrecevabilité, question préalable, demande de renvoi en commission, amendements de suppression, discours pour justifier leurs votes successifs — il ne manquait plus que la demande de vérification du quorum et les amendements simples.

La responsabilité principale incombe à Nicolas Sarkozy, qui a fait pression sur les membres du groupe UMP pour qu’ils votent en faveur de la proposition Boyer, ou à tout le moins qu’ils s’abstiennent. En effet, le principal changement par rapport au 4 mai 2011, lorsque le précédent texte de genre fut rejeté, concerne le groupe UMP. Dix-neuf ont voté contre le 23 janvier 2012, contre 137 le 4 mai 2011 ; cinquante-six se sont abstenus, ou n’ont pas pris part au vote, contre seulement dix l’année dernière ; cinquante-sept ont voté pour, contre neuf lors du précédent vote. Le groupe socialiste aussi a subi des pressions, mais leurs résultats furent beaucoup plus mitigés : le 4 mai 2011, 21 sénateurs de ce groupe avaient voté contre, trente-neuf pour et cinquante-cinq s’étaient abstenus, ou n’avaient pas pris part au vote ; le 23 janvier 2012, vingt-six votèrent contre, cinquante-six pour et quarante-huit se sont abstenus, ou ne prirent pas part au vote. Outre le combat courageux du président socialiste de la commission des Lois Jean-Pierre Sueur, qui présenta en vain une motion d’irrecevabilité, le président de la commission des Affaires étrangères Jean-Claude Carrère, également socialiste, exprima son ire contre le texte, et vota en conséquence. D’autres exemples pourraient être fournis.

Nous n’avions jamais été plus près de la rupture depuis l’accord d’Ankara, en 1921. Et pourtant, paradoxalement, la crise peut parfaitement se terminer par l’effondrement final du nationalisme arménien en France. En effet, la proposition Boyer est totalement inconstitutionnelle, violant notamment la liberté d’expression, et elle repose sur la « loi » de janvier 2001, qui « reconnaît » les accusations infondées de « génocide arménien ». L’article 34 de la Constitution française définit précisément le domaine de la loi, et il n’y a pas de place pour les textes purement déclaratifs. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : si deux textes législatifs sont étroitement liés, et si est saisi, par une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ou tout autre voie, d’un de ces textes, il peut vérifier la constitutionnalité des deux ; si un article de loi est purement déclaratif, il est tout simplement censuré. En conséquence, si soixante sénateurs (parmi les 86 qui ont voté contre) en appellent au Conseil, les deux textes seront, en toute logique, censurés. Sinon, la première personne poursuivie déposera une QPC ; cela prendra plus de temps, mais le résultat sera exactement le même. [J’avais écrit cette tribune le 25 janvier ; depuis, 71 députés et 77 sénateurs ont saisi le Conseil. Qu’ils en soient remerciés.] En tout cas, les dirigeants nationalistes arméniens devront expliquer à leur base pourquoi ils sont soutenu — et avec quelle véhémence — ce second texte, suicidaire. La farouche hostilité de la plupart des éditorialistes, de beaucoup d’historiens, de juristes, d’autres intellectuels, et de simples citoyens, montre que cette double suppression serait la bienvenue.

Pour le moment, le gouvernement turc réagit d’une façon relativement calme, principalement à cause de ce problème d’inconstitutionnalité. C’est pourquoi nous pouvons espérer que les nationalistes arméniens ne rempliront pas tout à fait leur objectif traditionnel : provoquer des crises entre la Turquie et d’autres pays. Ainsi, la Fédération révolutionnaire arménienne s’était placée dans le camp de l’Italie fasciste et de l’Allemagne nazie, non seulement pour des raisons idéologiques, mais aussi avec l’espoir de pousser à une guerre avec Ankara. La FRA s’est rangée sans honte du côté de l’URSS brejnévienne en 1972, pour participer à la déstabilisation d’un pays membre de l’OTAN. Depuis 1987, gêner la candidature turque à l’Union européenne est l’un des principaux objectifs des groupes nationalistes arméniens.

Cela étant, la partie turque aurait grand tort de se contenter d’attendre, en espérant que le Conseil constitutionnel liquide le nationalisme arménien en France. La Turquie l’avait cru mort en 1923 ; ce n’était pas le cas. Plus particulièrement en ce qui concerne le cas français, les pressions exercées sur le groupe socialiste sont principalement dues aux étroites relations entre le dirigeant de la FRA Mourad Papazian avec le candidat socialiste à l’élection présidentielle François Hollande.

Il n’y a pas de méthode miracle pour saisir l’occasion qui s’offre d’en finir une bonne fois pour toute avec le nationalisme arménien au pays de Descartes. Toutefois, il y a des solutions partielles mais efficaces. L’une d’elle est de faciliter, par tous les moyens légaux, la défaite d’un nombre significatif de députés ayant voté la proposition Boyer. Une autre est de traduire enfin en français les principales contributions universitaires, parues ces vingt dernières années, sur la question arménienne et autres aspects de l’histoire turque et ottomane — celles de Ferudun Ata, Edward J. Erickson, Yusuf Halaçoğlu, Guenter Lewy, Justin McCarthy et d’autres encore. Plus généralement, les relations avec la France, le second investisseur en Turquie, méritent de nouvelles structures permanentes, s’ajoutant aux autres. Dans cette perspective, les relations américano-turques peuvent être une certaine référence.

En 1921-1922, l’alliance franco-turque fut restaurée, en grande partie grâce à deux ministres des Affaires étrangères, Raymond Poincaré au centre droit, Aristide Briand au centre gauche. Nous pourrions avoir une sorte de nouveau Raymond Poincaré en la personne d’Alain Juppé. Un nouvel Aristide Briand est à chercher.

* Titre emprunté aux Mémoires de guerre d’Henri Frenay, chef du mouvement de Résistance Combat ?

Lien/Source : Today’s Zaman


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