Exemplaire", ainsi la qualifiait le ministre de l’immigration, Eric Besson, qui, au lendemain même de sa nomination, le 16 janvier 2009, se rendait dans ses locaux. "Exemplaire" parce qu’elle incarnait la vision de la politique d’intégration souhaitée par le gouvernement. Aujourd’hui, l’association Elele n’est plus : cette structure, qui oeuvre pour l’intégration des immigrés venus de Turquie, vient brusquement d’apprendre que sa convention avec le ministère de l’immigration était... supprimée !
Elele, une association trop "exemplaire" pour durer
Accueil et suivi des femmes turques victimes de violences, aide à l’installation et à l’intégration en France, cours de français, soutien scolaire, actions culturelles... En vingt-cinq ans, l’association avait acquis une incontestable légitimité. Il y a peu encore, le ministère lui garantissait le renouvellement de sa subvention (125 000 euros en 2009) et lui proposait de rendre sa convention triennale. Mais en moins de huit jours, elle a été mise devant le fait accompli : dorénavant, pour espérer un soutien financier, les associations devront répondre à des appels d’offres.
"Au-delà même de l’aspect aléatoire d’un tel mode de financement, c’en est fini de la créativité, de l’initiative des associations et de l’analyse qu’elles se font des besoins, car les priorités de l’Etat à travers les appels d’offres changeront chaque année", lâche, amère, Gaye Petek, sa présidente qui n’a pas eu d’autres choix que de déposer son bilan.
Elele ne peut même pas s’en remettre à son autre principal partenaire, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE). Sous la tutelle de la ministre déléguée à la ville, Fadela Amara, les subventions nationales ont été réduites pour privilégier désormais les structures de quartiers par un financement territorialisé.
"On disqualifie les associations nationales pour favoriser celles dites de pieds de tours, c’est-à-dire des cités. Ce faisant, on ne s’intéresse plus aux publics immigrés présents depuis plus cinq ans en France et ne vivant pas dans les quartiers", se désole Mme Petek. Parallèlement, le ministère de l’immigration recentre son action en matière d’intégration sur les seuls nouveaux arrivants.
"Vision misérabiliste"
"Elele défend une vision globale de l’intégration, une culture du respect de l’autre, de l’échange", relève sa présidente qui a, plus d’une fois, été sollicitée par l’Etat pour siéger dans des commissions ou des conseils (commission Stasi sur la laïcité en 2002, Haut Conseil à l’intégration...). "Cette approche est aujourd’hui détruite par une vision négative et misérabiliste de l’immigration. On assiste à un recentrage de l’idée de nation qui ne reconnaît pas sa diversité", déplore Mme Petek.
"Une charrette d’associations vont faire les frais de cette politique gouvernementale", s’alarme-t-elle. Déjà, l’Association départementale pour l’accompagnement des migrants et de leur famille (Adamif), dans le Loiret, a dû mettre la clé sous la porte en janvier.
Voici l’intervention de Gaye Petek, direction de Elele, à la mairie du Xème arrondissement de Paris, le vendredi 9 avril 2010.