100e anniverssaire de la république de Turquie

Par Jérôme Bastion

Une équipe d’archéologues turcs a reconstitué et mis à l’eau des canots de bois construits selon une technique ancienne retrouvée sur des gravures d’époque. C’est à bord de ces canots "assemblés par couture", appelés caïques, que les scientifiques s’apprêtent désormais à refaire le trajet qu’ils empruntaient au début de l’âge du bronze, c’est-à-dire 22 à 23 siècles avant notre ère (*) pour relier les Cyclades et la côte anatolienne (turque).


Culture

Des canots « cousus main » pour traverser la mer Egée, comme il y a quelque 4.500 ans !

Publié le | par Hakan | Nombre de visite 164

« Ça flotte ! », Osman Erkurt, à la tête de l’association SAD 360°, jubile : « le pari n’était pas gagné d’avance, nous sommes les premiers à reconstruire ce type d’embarcations, d’après une iconographie peu détaillée, nous nous demandions si le canot n’allait pas prendre l’eau ! ».

Mais le caïque (petit bateau traditionnel) bardé de « coutures » de cordelettes de chanvre à l’aspect forcément rudimentaire, s’avère parfaitement hermétique, rigide et stable. L’eau de mer fait en effet gonfler le bois et les cordelettes, colmatant les espaces entre les bordés tout autant que les trous par lesquels passe le chanvre, et le tour est joué ! Le premier défi technique relevé par l’équipe d’archéologues, qui a déjà une longue expérience en matière de construction nautique après plusieurs reconstitutions de navires antiques, est réussi.

Reste maintenant à prendre la route des Cyclades, ces îles grecques de l’autre côté de la mer Egée, d’où venaient ces petits navires. Un autre défi ! C’est au printemps prochain, époque où la mer Egée est la plus calme, que l’aventure va être tentée. Le temps de terminer la construction de deux autres embarcations, plus grandes, et de préparer un voyage qui ne va pas de soi : « Nous allons d’abord essayer de rallier les premières îles grecques à proximité immédiate de la côte turque : Mythilène, Chios et Samos. Ensuite, il sera temps de voir s’il est possible de rejoindre les Cyclades. »...

Des embarcations peu adaptées à la haute mer

Force est de constater, en effet, que ce genre d’embarcation n’est pas fait, à prime abord, pour la haute mer : son fond plat et sa faible hauteur de franc-bord n’en font pas un navire vraiment apte à affronter une mer un peu formée. C’est une des énigmes qui intriguent encore les archéologues de SAD 360° -et l’Université d’Ankara, à laquelle ils sont rattachés : « Pourquoi et comment de tels canots faisaient pour parcourir 150 à 200 milles nautiques (300 à 350 kilomètres) en mer, nous ne nous l’expliquons pas encore. Comme nous allons le faire, ils passaient d’île en île, il n’y a pas d’autre possibilité », explique Osman.

Ce sont les fouilles actuellement menées sur le site dit Limantepe, à Urla (près d’Izmir, le deuxième plus grand port de Turquie, après İstanbul), où l’un des plus importants ports de la mer Egée de l’époque est actuellement mis au jour, que cette folle idée est née. « Nous avons trouvé là des matériaux provenant des îles des Cyclades, explique Hayat Erkanal, de l’Université d’Ankara, attestant d’échanges commerciaux importants avec la côte de l’actuelle Anatolie. Ils n’ont pu venir que par ces caïques, les seules qui existaient à l’époque à notre connaissance ».

Afficher Trajet entre les Cyclades et la côte anatolienne (turque) sur une carte plus grande
A partir de gravures sur des plateaux de cuivre ou des pierres et des dessins sur des poteries, l’équipe a donc reproduit ces canots primitifs, « un peu en tâtonnant, faute de documentation précise, même si la technique de base est simple à mettre en œuvre », explique Osman Erkurt. « L’écriture n’était pas encore connue dans cette région », rappelle Hayat Erkanal. « Il reste beaucoup de points d’interrogation auxquels nous allons tenter de donner des réponses, c’est ce qui est stimulant, ce sera notre contribution à la science », résume le président de SAD 360°.
Trois caïques, un de 14 mètres et deux autres de 19 mètres de longs, chargés de poteries remplies de vivres et même d’un âne (cela se faisait à l’époque, comme l’attestent certaines illustrations !), propulsés par une quinzaine ou une vingtaine de rameurs, vont ainsi expérimenter ce que pouvait être la navigation en mer Egée, bien avant Ulysse !

Source RFI


Lire également