Damas a réclamé la tenue d’un sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Ligue arabe, afin de débattre des troubles en cours en Syrie, a rapporté dimanche la télévision nationale syrienne, au lendemain de la suspension de la Syrie par l’organisation pour sa répression violente des manifestations.

Citant une source autorisée, la télévision a indiqué que l’objectif d’un tel sommet serait d’évoquer les "répercussions négatives sur la situation arabe" des troubles en Syrie.

La suspension de la Syrie par la Ligue arabe doit entrer en vigueur mercredi, et l’appel de Damas en faveur d’un sommet extraordinaire semble une tentative pour contrecarrer cette suspension. C’est la décision la Ligue arabe de suspendre la Libye qui avait facilité le vote du Conseil de sécurité de l’Onu en faveur d’une campagne aérienne de l’Otan au-dessus de ce pays.

Des millions de Syriens, selon la télévision nationale, se sont rassemblés dans les lieux publics à travers le pays pour dénoncer la décision de la Ligue arabe, adoptée en réplique à la répression des manifestations, qui a fait selon les Nations unies dans les 3.500 morts depuis le mois de mars.

La télévision a montré des foules brandissant des drapeaux syriens et des portraits du président Assad sur les places publiques de Damas, tout comme à Rakka dans l’Est du pays ou encore dans la ville côtière de Lattaquié et à Tartous.

Le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Elarabi, a annoncé dimanche que des représentants de l’organisation rencontreraient mardi des responsables d’organisations de l’opposition syrienne. Il est toutefois prématuré d’envisager une reconnaissance par la Ligue arabe de l’opposition syrienne comme autorité légitime du pays, a estimé Nabil Elarabi.

"Les reconnaître comme gouvernement ? Il est sans doute un peu trop tôt pour parler de cela", a-t-il dit à Tripoli, en Libye, où il était en visite dimanche pour rencontrer le chef du Conseil national de transition (CNT), qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi.

Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a fait savoir quant à lui qu’il comptait rencontrer ce dimanche soir des représentants de l’opposition syrienne.

La décision de la Ligue arabe de suspendre la Syrie a provoqué la colère de certains groupes en Syrie, qui s’en sont pris à des missions diplomatiques étrangères.

Ainsi, des foules armées de bâtons et de couteaux ont attaqué l’ambassade d’Arabie saoudite à Damas et les consulats français et turcs à Lattaquié, samedi soir, ont rapporté des habitants.

LES MISSIONS TURQUES ELLES AUSSI VISÉES

La France, dans une déclaration du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a dit condamner "avec la plus grande fermeté les attaques inadmissibles contre des représentations diplomatiques ou consulaires en Syrie".

Paris, parlant d’"une tentative d’intimidation de la communauté internationale après les décisions courageuses de la Ligue arabe", dit condamner "tout particulièrement la destruction en règle de l’ambassade d’Arabie saoudite à Damas et exprime sa solidarité avec le royaume d’Arabie saoudite comme avec l’ensemble des pays visés".

Le ministère évoque des "tentatives d’agression contre le consulat honoraire de France à Lattaquié et la chancellerie détachée française d’Alep par des groupes de manifestants organisés et sans réaction des forces de sécurité", les jugeant "inacceptables".

L’ambassadeur de Syrie en France a été convoqué au Quai d’Orsay "pour un rappel des obligations internationales de la Syrie".

L’ambassade de Turquie à Damas a quant à elle été attaquée par une foule d’un millier de personnes samedi soir. Les assaillants ont lancé des pierres et des bouteilles avant que la police syrienne n’intervienne pour disperser les manifestants, rapporte l’agence de presse turque Anatolie.

Des attaques ont également visé les consulats de Turquie à Alep et à Lattaquié.

Ankara a fait savoir dimanche que les familles de ses diplomates en poste en Syrie allaient être évacuées rapidement. Aucun employé des missions diplomatiques turques n’a été blessé dans ces attaques, précise l’agence officielle turque. Le ministère turc des Affaires étrangères a déconseillé d’autre part aux ressortissants turcs tout voyage non essentiel en Syrie.

La Turquie n’appartient pas à la Ligue arabe, mais des responsables de l’opposition syrienne se sont réunis à Istanbul pour forger un front uni face au régime Assad. En outre, la Turquie, qui accueille sur son territoire des officiers syriens ayant déserté, a vigoureusement condamné la répression des manifestations en Syrie.

En plus de suspendre la Syrie, la Ligue arabe a décidé d’imposer des sanctions économiques et politiques contre le régime du président Assad et demandé à ses membres de retirer leurs ambassadeurs en poste à Damas.

La Turquie dit ne plus faire confiance à Bachar al-Assad

La Turquie se tient aux côtés du peuple syrien « dans sa lutte légitime » et juge qu’il n’est « plus possible de faire confiance aux autorités syriennes », a déclaré ce lundi Ahmet Davutoglu, ministre turc des Affaires étrangères.

« Nous allons adopter une position de la plus grande fermeté face à ces attaques et nous allons nous tenir aux côtés du peuple syrien dans sa lutte légitime », a-t-il dit.

S’adressant au parlement, Ahmet Davutoglu a en outre vivement dénoncé l’attaque des missions diplomatiques turques dimanche en Syrie.

avec Reuters

Khaled Yacoub Oweis et Daren Butler ; Jean-Stéphane Brosse, Gregory Schwartz et Eric Faye pour le service français