18 avril 2024

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Chypre

Chypre : quelques mensonges grecs récurrents

Publié le | par SibiryaKurdu | Nombre de visite 568

Ergün Olgun, "Chypre : mythes, réalités objectives et avancées possibles", Outre-Terre, n° 10, 2005/1 :

"Dans sa lettre au secrétaire général du 7 juin 2004, Tassos Papadopoulos prétend qu’il y a à Chypre-Nord 119 000 « colons illégaux ». On n’entrera pas ici dans une discussion sur le caractère inacceptable du terme de colon. Mais M. Papadopoulos prête dans la même lettre à la dernière version du Plan de l’ONU l’intention de sédentariser à Chypre tous les « colons ». C’est là une grossière déformation des faits puisque le Plan limite le nombre des personnes qui seraient susceptibles d’être naturalisés à 45 000, auxquels viennent s’ajouter les personnes qui avaient la nationalité chypriote au 31 décembre 1963, leurs enfants et les conjoints de ceux-ci.

Dans un entretien avec le Khaleej Times 4 septembre 2004, M. Papadopoulos proclame ouvertement qu’il n’y pas eu de Chypriote turc assassiné de 1963 à 1974. Commentaire de Loucas G. Charalambous, journaliste chypriote grec de premier plan : « Le président a-t-il des trous de mémoire ? » ; « Il nous faut résister à la tentation d’éclater de rire [...] Rappelons seulement au président les affrontements sanglants de Mansoura-Tylliria, de Lefka-Ambelikou, de Trypimeni, d’Arsos, de Mari et de Kophinou-Ayios Theodoros ; 22 cadavres rien qu’à Kophinou [...] Personne n’ira le nier, l’affirmation du président selon laquelle il n’y aurait pas eu de Chypriote turc tué est un mensonge évident. »

Tassos Papadopoulos écrit au secrétaire général de l’ONU le 7 juin 2004 et le répétera « catégoriquement » dans son exposé lors du débat général à la 59e session de l’Assemblée des Nations unies le 23 septembre : « Les Chypriotes grecs et [lui-même] ont pris l’engagement d’une solution bizonale et bicommunautaire. » Pour réitérer dans les deux cas que toute résolution portant sur la propriété et les biens doit respecter le droit au retour des réfugiés. Le deuxième argument de la réinstallation des réfugiés ruinant le premier, celui de la bizonalité, qui est un pilier acquis du règlement et que M. Papadopoulos s’est engagé à respecter. Il faut à l’évidence qu’il mette ses prétentions de côté et prépare son peuple à des restrictions en matière de retour pour faciliter l’établissement de la bizonalité." (p. 447-448)

"Bien que Chypre n’ait jamais été gouvernée par la Grèce, Grecs et Chypriotes grecs intègrent l’île, sur le plan historique (et mythologique), à l’hellénisme. C’est ce dogme qui a entraîné la catastrophe de l’Etat à deux partenaires de 1960. Un dogme qu’on ne peut ignorer, tant il est ancré dans la culture grecque (mythes, Eglise, école). Et sur dix ans, de 1963 à 1974, toutes les diplomaties ont échoué à faire évoluer ces croyances et à enrayer la marginalisation forcée des Chypriotes turcs, tout comme le fait que ceux-ci étaient privés de leurs droits constitutionnels et contractuels. C’est parce que la Constitution de 1960 était en permanence violée que la Turquie fut contrainte d’intervenir à Chypre en 1974 (conformément à ses obligations découlant du Traité de garantie de 1960). Malgré la sécurité que procurait aux Chypriotes turcs la présence de l’armée turque (seule et unique dissuasion à une reprise des hostilités sur l’île depuis 1974), le non-droit s’est perpétué durant des années ; les événements se sont enchaînés et ont produit la nécessité d’un nouveau cadre qu’illustre le Plan Annan : bizonalité, bicommunautarisme, fédéralisme. Mais la partie grecque reste obsédée par l’hellénisme et veut conserver les privilèges injustement acquis depuis 1963 ; voilà pourquoi elle ne désire pas partager le pouvoir avec son ex-partenaire égal en droit dans le contexte d’un nouvel Etat à deux partenaires.

Bien que l’armée turque continue d’être la seule et unique garantie de sécurité pour les Chypriotes turcs, la Turquie, tout comme une majorité des Chypriotes turcs par le référendum du 24 avril, a donné son accord au Plan Annan. Il y aura donc réduction substantielle des forces pendant la période initiale et fort délicate de sept ans : pas plus de 6000 soldats et officiers jusqu’en 2011 ; puis une nouvelle réduction au contingent symbolique de 650 au moment de l’intégration de la Turquie à l’Union européenne (voire après 2018 si celle-ci ne s’est pas encore produite). Il y avait même dans le Plan une clause qui stipulait la révision tous les trois ans avec pour objectif le retrait total des troupes (article 8, 1, b III de l’accord de Fondation).

Mais tout cela ne satisfaisait pas M. Papadopoulos qui s’en tient, dans sa lettre au secrétaire général, à son approche du tout ou rien : « Les questions de sécurité, cruciales pour les Chypriotes grecs, ont été largement ignorées ». Et puis : « La présence des troupes d’occupation et le comportement global des Turcs constituaient encore un sérieux sujet de préoccupation ». Monsieur Papadopoulos proclamant qu’en vertu du Plan, les troupes turques allaient rester indéfiniment sur l’île.

Il y a une logique qui soutient semblable position du tout ou rien. Elle ressort dans l’allocution du 7 avril où monsieur Papadopoulos appelle les Chypriotes grecs à un non retentissant au référendum : encore quelques jours et Chypre sera membre de l’Union européenne ; le processus d’adhésion turque, lui, va se poursuivre  ; le temps travaille donc en faveur des Chypriotes grecs qui feront désormais partie des évaluateurs d’Ankara ; les Turcs seront alors soumis à une pression constante en matière d’adoption et de mise en oeuvre de l’acquis communautaire ; les Chypriotes grecs peuvent donc se permettre d’ignorer les intérêts des Chypriotes turcs (sécurité incluse), ainsi que les dispositions du Traité de garantie de 1960 concernant les droits de la Turquie (ceux du Royaume-Uni demeurant intacts). Au fond, l’idée sous-jacente, c’est que les Chypriotes grecs peuvent attendre indéfiniment jusqu’à une victoire complète.

Il y a là une approche qui ne laisse pas grande marge de manoeuvre au compromis, à un règlement partagé et durable, à la construction d’un cadre stable. Alors qu’il n’y aura pas de règlement honnête sans égalité des parties ; que rien ne se règlera tant que les Chypriotes grecs sont autorisés à réaliser unilatéralement leurs objectifs, les Chypriotes turcs restant considérés comme subordonnés à leur autorité.

Dans tous les cas de figure, les Chypriotes grecs ne doivent pas oublier que leur refus du Plan Annan a prévenu, en même temps qu’un règlement, le démarrage d’un processus de démilitarisation de l’île. M. Papadopoulos ayant d’autant moins de raisons de déplorer la présence de troupes turques sur l’île." (p. 449-450)

"La partie grecque utilise, pour désigner les Turcs du continent, le terme politiquement chargé de « colons » ; elle conteste aussi par là aux autorités chypriotes turques le droit de « naturalisation ». Les Chypriotes grecs tentent d’accréditer deux idées : qu’ils sont d’une part les seuls à pouvoir accorder la naturalisation ; que les « Turcs » ne sont pas, d’autre part, les bienvenus à Chypre.

« Dieu » aurait conféré aux Chypriotes grecs le pouvoir exclusif de gouverner au nom des deux parties par « firmans » sur la nationalité. Pas besoin de demander leur avis aux Chypriotes turcs pour fabriquer des « citoyens de Chypre » d’origine grecque, russe, pontique ! Comme si cela ne bouleversait pas, au demeurant, les équilibres démographiques sur l’île !

Et puis, les Chypriotes turcs sont déjà l’« autre » indésirable qui se mêle de contester le caractère hellénique de Chypre, des hôtes non souhaités, voire une sous-espèce ; mais il convient surtout qu’ils soient frappés par des mesures d’embargo et placés en quarantaine, de façon à ce qu’ils ne jouissent pas d’une économie en plein essor ; ils se plieront alors aux volontés des Chypriotes grecs. Or, les ouvriers et la main-d’oeuvre turcs contribuent justement de manière significative à l’économie nord-chypriote. C’est pourquoi leur présence à Chypre doit être présentée, avec tous les arguments possibles et par tous les moyens, comme absolument illégitime.

Tel est malheureusement le cadre archaïque du raisonnement de la direction chypriote grecque. Elle ne parvient pas à percevoir la chance qui est donnée à l’île de constituer un modèle pour le reste du monde en mobilisant les racines, les atouts et l’influence de chacun des deux partenaires et copropriétaires du pouvoir à l’Est comme à l’Ouest.

Comme l’écrit l’observateur chypriote grec Nicos A. Pittas : « Ce qui fait presque autant nécessité à Chypre que l’eau, c’est la main-d’oeuvre bon marché [...] Nous importons déjà des milliers de gens du monde entier ; qu’y a-t-il donc de si terrible dans le fait que certains soient turcs ? Est-ce une catastrophe d’autoriser cinquante mille Turcs dont la plupart résident depuis presque toujours sur l’île à s’y établir, d’autant que nous sommes désormais membre de l’UE et que la Turquie en fera à terme probablement partie, avec une liberté afférente de circulation y compris à Chypre ? »

Autre tentative de subordonner les Chypriotes turcs et leur économie à leur loi : les autorités chypriotes grecques s’emploient actuellement dans tous les registres à saper les propositions de la Commission européenne en faveur de relations commerciales directes entre Chypre-Nord et l’UE.

C’est pour finir de la discrimination quant aux droits de l’homme, pour parler par euphémisme, que d’humilier les citoyens d’un pays candidat à l’UE en les présentant en tant que « colons turcs du continent ».

Dans son étude rendue publique fin 2003, le British Helsinki Human Rights Group a reproché à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe d’avoir présenté, dans un rapport du mois de juin de la même année, les « colons » comme venant « d’une des régions de Turquie les moins développées », l’Anatolie, dont les « coutumes et traditions diffèrent significativement de celles de Chypre » ; il y avait là « l’expression de sentiments racistes supposés regrettables du point de vue même du Conseil »." (p. 450-452)

Lien/Source : Hellenologie


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