[Chypre du Nord] Malaise autour d’une imposante mosquée financée par la Turquie
Dans le nord de l’île divisée de Chypre, une imposante mosquée financée par la Turquie, qui doit être inaugurée cette semaine, suscite malaise et colère au sein de la population chypriote turque, largement sécularisée.
Pour son premier déplacement à l’étranger depuis sa réélection en juin, le président turc Recep Tayyip Erdogan est en effet attendu à Nicosie-Nord où il devrait présider aujourd’hui la cérémonie d’ouverture de ce massif édifice à quatre minarets, construit dans un style ottoman classique et capable d’accueillir 3 000 fidèles.
À Nicosie-Nord, même si certains Chypriotes turcs voient d’un bon œil la colossale mosquée Hala Sultan qui se dresse désormais à la sortie est de la ville, d’autres voient en elle le symbole de l’influence grandissante de la Turquie dans le nord de l’île. « Elle représente la mentalité islamiste, une mentalité islamiste sunnite et aussi une mentalité impérialiste », déplore Sener Elcil, président du syndicat des enseignants chypriotes turcs. « La société chypriote turque est sécularisée, explique-t-il à l’AFP. Nous ne sommes pas des fondamentalistes ni des islamistes. »
« Pas anodin »
Aucun chiffre officiel n’a été publié, mais M. Elcil évalue à plus de 30 millions de dollars le coût de cette mosquée. « Ils auraient pu construire un grand hôpital ou une vingtaine d’écoles avec moins que ça », dit-il. Des membres de son syndicat ont manifesté vendredi à Nicosie-Nord sous le slogan « Des écoles et des hôpitaux d’abord », déplorant que la « priorité soit donnée aux investissements dans la religion ».
Les Turcs « veulent construire une mosquée dans chaque rue de Chypre-Nord, c’est la politique d’Erdogan et ce n’est pas anodin », remarque M. Elcil.
Comme lui, de nombreux Chypriotes turcs de gauche s’opposent à l’hégémonie turque sur le tiers nord de l’île, où vivent quelque 300 000 personnes.
« Erdogan cherche à annexer le nord de l’île pour y forger une identité différente », s’inquiète Izzet Izcan, ancien parlementaire local et fondateur du Parti uni de Chypre (gauche), qui a appelé ses représentants au gouvernement à boycotter la cérémonie d’inauguration.
« Le socle de l’identité chypriote turque est chypriote », explique M. Izcan à l’AFP. « Nous avons beaucoup en commun avec les Chypriotes grecs, les Arméniens et les maronites », des communautés présentes sur l’île. Mais les Turcs « essaient de faire de nous de bons musulmans, à leurs yeux, et de nous transformer en Turcs purs, tels qu’ils voudraient nous voir », dit encore l’ancien parlementaire socialiste. « Nous savons tous que, derrière tout ça, (l’objectif) est d’assimiler et d’intégrer le nord de Chypre à la Turquie. »
Source : avec L’Orient le jour