Aujourd’hui, c’est la Fête des enfants, occasion de deux jours fériés en Turquie, mais pas pour les quelque 120 élèves à qui Bünyamin Kamçi enseigne, dans le Haut-Rhin, leur langue et culture d’origine (LCO).
Ce jour-là, il avait par contre inscrit au tableau de sa classe, école Cour de Lorraine, à Mulhouse, cette date du 23 nisan. Et c’est en turc qu’il leur a rappelé l’importance du 23 avril 1920, jour de la première réunion de l’Assemblée nationale turque et du passage à la démocratie.
Une aisance apparente
Sans doute, espère-t-il, à l’instar de Kemal Atatürk, lorsque le fondateur de la Turquie moderne a décrété que commémoration de la souveraineté nationale rimerait désormais avec Fête des enfants, que, de sa joyeuse petite troupe, sortiront les médecins, les ingénieurs, les enseignants de demain ? Mais, sera-ce en version turque ou en version française ? Les deux, souhaite-t-il : « Celui qui ne parle pas bien sa langue maternelle ne parle pas bien une autre langue ». Tout en convenant que les enfants s’expriment apparemment bien, en turc, il dit ne pas vouloir se contenter d’une aisance apparente, induite par des échanges au sein de familles, où, estime-t-il, « le vocabulaire est souvent réduit à 300 mots ». Pour progresser, il dit militer pour le cours dit intégré. « Pour avoir plus de dialogue avec les autres enseignants et pour que les enfants soient aussi davantage avec leurs copains ». Alors qu’actuellement, ils se retrouvent dans des écoles désertes, le soir, après les cours, ou, parfois, le mercredi ou le samedi. « Et puis, confie M.Kamçi, si le cours était intégré, et même s’il n’est pas obligatoire, on considérerait cet enseignement comme plus sérieux ». Et on éviterait, sans doute, que, malgré une communauté, que M.Kamçi estime à 20 000 personnes à Mulhouse, seuls 80 élèves poursuivent au collège. Un marasme qui touche même le collège Kennedy voisin, que fréquentent pourtant de nombreux enfants d’origine turque.
Pour autant, M.Kamçi ne nie pas la responsabilité des familles et se dit convaincu du caractère déterminant de la notion de choix en matière d’éducation. Ainsi, lorsque son aîné a eu l’âge du collège, il a préféré le voir partir, avec sa mère et sa sœur, pour poursuivre sa scolarité en Turquie. Il les retrouvera cet été, dans leur région d’origine de Samsun, après ses cinq ans de mission en Alsace,
Luc Marck