Deuxième épisode : le point de vue de Zeynep Sayge, une jeune femme turque, sur la politique d’immigration, l’islam, et la loi française qui pénalise la négation du génocide arménien que le Conseil constitutionnel vient de rejeter.

Comme partout en Europe, l’immigration est le cheval de bataille de la droite et de l’extrême-droite, en quête de voix pour la campagne présidentielle. Le Front National et l’UMP rivalisent de propositions pour endiguer la vague d’immigration sur notre territoire. En 2011, le Ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, a ainsi promis de réduire drastiquement le nombre d’immigrés. Quant à la candidate du FN, elle annonce dans son programme vouloir ’’stopper l’immigration et renforcer l’identité française’’. La culture et la communauté musulmane dans son ensemble sont visées. Récemment encore, Marine Le Pen a osé prétendre qu’on ne trouvait plus que de la viande Halal en Ile de France. Autre sujet de polémique : l’adoption, en décembre dernier, par l’Assemblée Nationale de la loi pénalisant la négation du génocide arménien, ce qui a engendré une sérieuse crise diplomatique entre la France et la Turquie. Le Conseil Constitutionnel vient de se prononcer en jugeant cette loi contraire à la Constitution notamment parce qu’elle enfreint la liberté d’opinion.

La France choisie par amour

C’est par amour que Zeynep Sayge est venue à Paris il y a 11 ans. Elle est tombée amoureuse d’un photographe français à Istanbul et l’a épousé. Zeynep a tout quitté pour le suivre. Divorcée depuis 18 mois, elle a choisi de rester en France, mais elle a bien du mal à supporter les attaques récurrentes contre les immigrés. Et en 2002, elle était stupéfaite face aux scores affichés par Jean-Marie Le Pen jusqu’au deuxième tour de la présidentielle. Mais la France est désormais son pays et la jeune femme ne veut pas devoir tout recommencer ailleurs. Toujours installée à Paris, elle travaille pour une association culturelle, gérée par les Turcs et pour les Turcs.

La stigmatisation de la religion musulmane

Zeynep est croyante mais pas pratiquante. Mais elle déplore le fait d’être systématiquement associée à sa religion, comme si elle devait s’en justifier. Elle demande un plus grand respect pour les minorités religieuses, tout comme elle l’exige d’ailleurs, en Turquie, pour la minorité chrétienne. Et la loi condamnant la négation du génocide arménien ? Zeynep Sayge peut comprendre que la minorité arménienne en France s’en réjouit, mais regrette que l’État turc ne soit toujours pas prêt à le reconnaître. Il y a quelques années encore, des écrivains célèbres comme Orhan Pamuk étaient condamnés pour diffamation s’ils qualifiaient le massacre des Arméniens de génocide. Pour Zeynep, cette loi cible avant tout les Turcs qui résident en France. Selon elle, plutôt que de stigmatiser et de punir, la France aurait bien mieux fait d’instaurer un dialogue entre les Arméniens et les Turcs de France. Cela aurait peut être rendu une explication et une réconciliation possibles...

Nathalie Daiber pour ARTE Journal