Violences contre les femmes et les filles
Alors que, d’après les données à la disposition d’Amnesty International, plus d’un quart des femmes avaient déjà été frappées par un membre de leur famille et environ deux tiers avaient subi des sévices psychologiques, l’État n’a pris aucune mesure pour empêcher ces violences, diligenter des enquêtes et sanctionner les auteurs. Les structures et les moyens de lutte contre les violences faites aux femmes étaient insuffisants. En début d’année, des centres d’accueil gérés par des ONG ont été fermés faute de financements ; l’un d’entre eux a pu rouvrir en septembre. Porté par une ONG – le Centre pour les droits des femmes – un projet de loi sur les violences domestiques a fait l’objet d’un débat public.
Recours excessif à la force
Le 1er mars, à Erevan, la police a recouru à la force pour mettre fin aux manifestations qui se succédaient depuis l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 19 février. Le scrutin avait été officiellement remporté par Serge Sarkissian, alors Premier ministre en exercice et proche collaborateur du président sortant Robert Kotcharian. Au moins 10 personnes ont été tuées, dont deux policiers, et plus de 350 blessées, parmi lesquelles 58 policiers. D’après les informations recueillies, la police a fait usage de matraques, de barres de fer, de balles traçantes, de gaz lacrymogène, ainsi que d’armes à transfert d’énergie. Le même jour, l’état d’urgence a été décrété.En juin, une commission parlementaire a été créée pour une période de trois mois afin d’enquêter sur les événements de mars. À la mi-octobre, elle a demandé que son mandat soit prolongé de deux mois afin qu’elle puisse intégrer à ses résultats les conclusions d’une deuxième équipe d’enquêteurs.
Arrestations et détentions arbitraires
Des dizaines de membres de l’opposition, dont de nombreuses personnalités proches de Levon Ter Petrossian – principal adversaire de Serge Sarkissian – ainsi que des opposants membres du parti républicain, ont été arrêtés à la suite des violences du 1er mars. Certains d’entre eux ont semble-t-il été battus ou autrement maltraités durant leur garde à vue. Une majorité était toujours en détention provisoire à la fin de l’année. À plusieurs reprises, le Conseil de l’Europe s’est déclaré préoccupé par la durée excessive de l’enquête officielle sur les événements de mars et par le maintien en détention, parfois sans jugement, de dizaines de sympathisants de l’opposition. Le procès de sept des personnes arrêtées s’est ouvert le 19 décembre.
Liberté d’expression
Des journalistes et des médias qui couvraient les activités de l’opposition ont été victimes de harcèlement. Les restrictions à la liberté d’expression étant formulées de manière relativement floues, les autorités bénéficiaient de facto de pouvoirs étendus pour réprimer les médias indépendants ou favorables à l’opposition. Parmi ces derniers, plusieurs ont fait savoir que leur site Internet avait été fermé et certains journaux se sont vu refuser le droit de paraître. Le Club de la presse d’Erevan, le Comité pour la protection de la liberté d’expression, Internews Armenia, le bureau de Gyoumri du Club de journalistes Asparez et l’association Femida ont fait part de leurs inquiétudes, affirmant que de nouveaux retards dans l’attribution des autorisations de diffusion se solderaient par une moindre diversité des médias.
Impunité
Les enquêtes concernant un certain nombre d’affaires de coups et blessures infligés à des opposants ou à des militants des droits humains étaient anormalement lentes et insuffisamment rigoureuses. Le 21 mai, une personne a tiré à bout portant sur Mikael Danielian, défenseur bien connu des droits humains en Arménie et directeur de l’ONG arménienne Helsinki, avec un pistolet à air comprimé ; d’après les informations obtenues, l’agresseur serait l’ancien dirigeant d’un parti politique. Mikael Danielian n’a été que légèrement blessé. Le 28 mai, Arsen Kharatian, l’un des dirigeants du Mouvement arménien des jeunes démocrates, a été agressé à Erevan par des inconnus. ll a dû être hospitalisé pour de graves blessures à la tête. Le 25 juin, toujours à Erevan, un membre du mouvement de jeunes Hima (Maintenant) et de la coalition d’opposants Aylentrank (Alternative), Narek Hovakimian, a été attaqué par deux inconnus. À la fin de l’année, ces deux affaires n’avaient donné lieu à aucune inculpation.
Évolutions législatives, constitutionnelles ou institutionnelles
Le 17 mars, l’Assemblée nationale a approuvé les modifications à la Loi relative aux réunions publiques qui conféraient aux autorités locales le pouvoir d’interdire ces rassemblements. Après la levée de l’état d’urgence, de très nombreux placements en détention et manœuvres de harcèlement ont encore été signalés, imputables aux forces de sécurité et visant des citoyens rassemblés dans des lieux publics du centre d’Erevan. Le 22 avril, l’inquiétude affichée par l’OSCE et le Conseil de l’Europe a conduit les autorités arméniennes à accepter l’abrogation ou la révision des modifications votées en mars. La municipalité d’Erevan n’en a pas moins continué à interdire certaines manifestations d’opposants.
Discrimination – témoins de Jéhovah
Les témoins de Jéhovah continuaient de risquer la prison en raison de leurs croyances. Au 1er septembre, 77 jeunes hommes étaient en détention parce qu’ils refusaient le service militaire pour des raisons de conscience. Malgré les engagements pris précédemment, les autorités n’avaient toujours pas proposé de véritable option civile, le service de substitution restant sous le contrôle de l’armée.
Une fois remis en liberté, les témoins de Jéhovah rencontraient semble-t-il d’autres problèmes. Les autorités refusaient de leur délivrer le certificat attestant qu’ils étaient libérés de leurs obligations, un document sans lequel il leur était plus difficile d’obtenir un passeport ou une autorisation de séjourner dans telle ou telle région du pays.
Des agressions physiques visant des témoins de Jéhovah ont également été signalées, dont certaines imputées à des sympathisants du groupe religieux dominant. Une partie seulement de ces affaires ont donné lieu à des enquêtes, lesquelles étaient réputées traîner en longueur.