Le quotidien turc d’opposition Cumhuriyet, critique féroce du président Recep Tayyip Erdogan fragilisé par les ennuis judiciaires, est secoué depuis plusieurs jours par des démissions en cascade après le changement soudain de sa direction.
Le séisme s’est produit vendredi avec l’élection d’un nouveau conseil d’administration à la tête de la fondation propriétaire de Cumhuriyet, lequel a dans la foulée remplacé le rédacteur en chef respecté du journal, Murat Sabuncu.
En réaction, une vingtaine de piliers du journal, comme les chroniqueurs Ahmet Insel, Aydin Engin et Asli Aydintasbas, ou encore le caricaturiste Musa Kart ont démissionné pendant le week-end. Trois collaborateurs de Cumhuriyet ont encore quitté le journal lundi.
Fondé en 1924, Cumhuriyet ("République", en turc) traverse l’une des périodes les plus difficiles de sa longue histoire.
En avril, 14 collaborateurs du journal, dont son patron Akin Atalay et le rédacteur en chef M. Sabuncu, ont été condamnés pour avoir "aidé des organisations terroristes" à l’issue d’un procès vivement critiqué par les défenseurs de la liberté de la presse.
Plusieurs journalistes du quotidien, qui ont fait appel du jugement, ont passé plus d’un an en détention préventive avant d’être libérés. C’est le cas de M. Sabuncu qui a passé 25 mois au poste de rédacteur en chef, dont 17 en prison.
"L’heure de m’en aller est venue. L’histoire en dira la raison. Que personne n’attende de moi que je dise du mal de Cumhuriyet", écrit M. Sabuncu dans son dernier éditorial qui a été rapidement retiré du site du journal.
L’élection de la nouvelle direction vendredi, emmenée par Alev Coskun, est intervenue à l’issue d’une longue bataille en interne.
Les observateurs décrivent M. Coskun comme un tenant de la frange nationaliste du kémalisme. Il était un opposant acharné de la précédente direction incarnée notamment par Akin Atalay et avait été convoqué comme témoin par l’accusation lors du procès Cumhuriyet.
Source : avec l’Orient le Jour