Un nouveau point de passage entre les deux parties de l’île de Chypre divisée depuis 1974 a été inauguré jeudi, en présence de nombreux habitants qui ont salué comme "un pas vers la paix" cette ouverture destinée à désenclaver l’ouest de la partie grecque de l’île.
Le nouveau passage est une route escarpée de 6 km, encore en travaux, entre le village chypriote-turc de Limnitis (Yesilirmak en turc) et le village chypriote-grec de Kato Pyrgos, séparés par la zone tampon mise en place par l’ONU depuis des violences communautaires en 1963-1964.
"C’est l’aboutissement d’efforts difficiles et parfois douloureux", s’est félicité Demetris Christofias, le président de la République de Chypre (internationalement reconnue).
Il a souligné que cette route, qui va permettre aux Chypriotes grecs de la région de gagner la capitale, Nicosie, en une heure trente au lieu de 3 heures, va "accélérer le passage des ambulances ou des pompiers".
Selon le dirigeant de la République turque de Chypre Nord (autoproclamée) Dervis Eroglu, le passage "bénéficie surtout aux Chypriotes grecs". Il a appelé à l’ouverture de deux autres points de passage, à Pyla, un village mixte au sein de la zone tampon dans l’est de l’île, et à Lefka, ville universitaire de Chypre Nord à l’Ouest.
Conséquence de la partition de l’île en 1974, Kato Pyrgos était devenu un cul-de-sac, isolé de la vie économique et des services du Sud, et son littoral montagneux est l’un des derniers à être préservé des grands complexes hôteliers.
La construction de ce point de passage, le 7e à ouvrir depuis 2008, a coûté au moins 4,2 millions d’euros, financés en grande partie par l’Union européenne et les Etats-Unis, selon le PNUD (programme des Nations unies pour le développement), chef d’orchestre du projet.
"Pour nous, tout va changer, en beaucoup mieux", estime Karen Kabaran, une Britannique résidant à Limnitis, émue aux larmes à l’idée de pouvoir utiliser l’aéroport voisin de Paphos, d’où il est possible de se rendre directement en Europe.
"Chaque fois que nous ouvrons un passage, c’est un pas vers la paix", a souligné Vehit Nekibzade, un habitant de Lefka, venu assister à l’évènement.
Du côté chypriote-grec, l’enthousiasme est paradoxalement tempéré.
"C’est comme donner de l’aspirine à un cancéreux : cela soulage la douleur, mais cela ne suffit pas", estime Spiros Savas. "Ici, nous faisons tous un peu d’agriculture pour vivre, or on nous donne la possibilité d’aller plus vite à Nicosie pour nous rendre chez le docteur ou au casino, mais pas pour vendre nos produits".
Le point de passage est destiné aux personnes, mais pas aux biens, et un accord à ce sujet est encore à négocier.
En attendant, des promoteurs immobiliers s’intéressent déjà à la région.
"Pour le moment il n’y a pas de conséquence sur le prix de la terre, mais il faudra voir ce que ça donne dans quelques mois", avance un autre habitant de Kato Pyrgos.
Cette ouverture est aussi symbolique : elle prouve que "des progrès sont en cours à Chypre, et c’est encourageant", selon le commissaire européen à l’élargissement, Stefan Füle.
"Mais il faut encore beaucoup de volonté et de courage politique", a souligné l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU à Chypre, Alexander Downer, alors que les pourparlers de paix en vue d’une réunification de l’île, relancés sous l’égide de l’ONU en 2008, avancent au compte goutte.
Ce point de passage "va permettre une communication accrue entre les deux communautés", s’est félicité Ban Ki-moon par la voix d’un de ses portes-parole, espérant "qu’il aiderait à renforcer le climat de confiance et de bonne volonté nécessaire" aux négociations.
Source AFP