L’accélération brutale de la crise au Proche Orient avec l’exportation du conflit syrien en Irak, a deux conséquences pour la Turquie : d’une part, avec la prise de Kirkouk, le Kurdistan irakien dispose désormais d’une véritable stature internationale ; d’autre part, avec l’enlèvement d’une centaine de ressortissants turcs dont les membres du consulat général à Mossoul, la démonstration est faite que les djihadistes de Jabhat al Nusra et de l’EIIL ont échappé à toute tentative de contrôle.
Or ces évolutions majeures s’inscrivent toutes deux dans la logique des options de politique étrangère de la Turquie.
Ankara a en effet engagé depuis plusieurs années une politique de rapprochement avec Erbil. Des relations directes ont été établies et, en 2013, un pas symbolique a été franchi avec la visite du Premier ministre kurde à Ankara et à Dyarbakir. Les liens économiques se sont renforcés au point que le Kurdistan est désormais l’un des principaux partenaires commerciaux de la Turquie. L’accord pétrolier permettant l’exportation du brut kurde par le terminal de Ceyhan et l’entrée en fonction du pipe-line le 22 mai dernier constituent le résultat le plus visible de cette politique.
Certes la Turquie est loin d’être le seul intervenant dans le secteur pétrolier et plusieurs grandes compagnies internationales : Exxon-Mobil, Total, Gazprom, ont elles aussi, contracté directement avec les Kurdes ; mais Ankara a franchi un pas supplémentaire avec le pipe-line reliant le Kurdistan à la Méditerranée. Cette évolution a été rendue possible parce qu’Erdogan a fait le choix d’accélérer le rapprochement politique, estimant que le pouvoir à Erbil qui n’est pas sur la ligne du PKK, pourrait jouer un rôle positif pour un règlement de la situation kurde à l’intérieur des frontières de la Turquie. Le calcul s’est jusqu’à présent révélé payant et les Kurdes de Turquie sont reconnaissants à M. Erdogan de cette évolution, dont ils sont les premiers à profiter. Les dernières élections municipales au printemps ont enregistré un progrès de leur parti dans l’est du pays, et ce sont probablement les électeurs kurdes qui permettront à M. Erdogan d’être élu aux prochaines élections présidentielles.
Par Michel Roche, Consultant indépendant, associé au groupe d’analyse JFC Conseil
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