Selon une dépêche de Reuters, la police turque a interpellé mardi les fils de trois ministres ainsi que plusieurs hommes d’affaires dans le cadre d’une série d’enquêtes pour corruption, ont annoncé les autorités, sans préciser les liens entre ces différentes arrestations.

L’opération est interprétée par les commentateurs comme liée à la volonté d’un puissant dignitaire musulman de déstabiliser le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan.

La police a procédé à l’aube à une vaste opération dans les milieux d’affaires à Istanbul et arrêté une vingtaine de personnes. Elle a en outre perquisitionné au siège de la banque publique Halkbank à Ankara.

Les médias turcs ont lié l’opération à Fethullah Gulen, un religieux exilé aux Etats-Unis depuis 1999. Son réseau de fidèles occupe des positions importantes dans un grand nombre d’administrations : police, justice, services secrets et aussi au Parti de la justice et du développement (AKP), le parti du Premier ministre islamo-conservateur.

"Ceux qui sont soutenus par les forces obscures et les gangs ne peuvent pas fixer le cours de cette nation, de ce pays", a déclaré Recep Tayyip Erdogan, faisant visiblement référence aux partisans de Fethullah Gulen.

Le religieux a soutenu l’AKP lors de trois élections depuis 2002. Mais ces dernières semaines, des différends sont apparus.

MAGNAT DU BTP ET PROMOTEUR IMMOBILIER

Le Premier ministre s’est notamment mis à dos les partisans de Fethullah Gulen avec un projet d’abolir des écoles gérées par son mouvement, Hizmet (Service).

Plus profondément, les partisans du religieux le considèrent en général comme ayant une influence plus progressiste sur la Turquie qu’Erdogan dont les positions sur l’avortement ou la consommation d’alcool ont déplu à une grande partie de la population.

En 2014, deux scrutins sont prévus en Turquie : des élections locales et la présidentielle.

Le principal parti d’opposition, le parti du Peuple républicain, a demandé au Premier ministre s’il comptait démissionner ou solliciter la confiance du Parlement au sujet de cette opération de corruption qui semble regrouper trois enquêtes.

L’une concerne la Halkbank, à qui il a été demandé de fournir des informations aux autorités.

Les fils des ministres de l’Intérieur, Muammer Guler, de l’Economie, Zafer Caglayan, et de l’Environnement et de la Ville, Erdogan Bayraktar, ont été arrêtés.

Enfin, les policiers ont perquisitionné au siège du Groupe Agaoglu, propriété du magnat du BTP Ali Agaoglu, a dit à Reuters le directeur général de la société, Hasan Rahvali.

Le principal promoteur immobilier du pays, Emlak Konut GYO , en partie public, a fait savoir qu’un de ses dirigeants avait été convoqué par la police.

L’action a perdu 12% en Bourse. L’action Halkbank a, elle, chuté de 13%. L’indice vedette du marché turc a globalement cédé près de 5%.

LA SECTE DE FETHULLAH GÜLEN

Recep Tayyip Erdogan a commenté hier de façon elliptique ces arrestations lors d’une cérémonie d’inauguration d’infrastructures publiques, financées par Toki. Dans la ville anatolienne de Konya, devant dix mille supporteurs, il a condamné des « forces obscures » qui « menacent la nation ». Manifestement, le premier ministre visait la confrérie religieuse de Fethullah Gülen.

M. ARINC VICE PREMIER MINISTRE SORT DE SON SILENCE

La déclaration est d’autant plus étonnante que le porte-parole du gouvernement turc avait déclaré dans l’après-midi que le pouvoir respecterait la procédure. "Nous respecterons toujours la décision de la justice et en aucun cas nous n’interviendrons", a souligné M. Arinç qui est aussi vice-Premier ministre, confirmant que 51 personnes étaient toujours en garde à vue dans le cadre de cette enquête.

Source : Reuters avec Ece Toksabay, Seda Sezer et Birsen Altayli à Istanbul, Humeyra Pamuk et Orhan Coskun à Ankara, Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser