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Reza Zarrab, le témoin qui fait trembler le président Erdogan

Publié le | par Hakan | Nombre de visite 955
Reza Zarrab, le témoin qui fait trembler le président Erdogan

Reza Zarrab, témoin vedette d’un procès new-yorkais sur le contournement des sanctions économiques contre l’Iran, a impliqué cette semaine un ex-ministre et le président Recep Tayyip Erdogan. Un cauchemar pour Ankara.

Reza Zarrab. Son nom ne vous dit peut-être rien. Mais en Turquie, il est célèbre. Et le gouvernement d’Ankara, lui, ne le connaît que trop. À commencer par le président Recep Tayyip Erdogan. Car cet homme d’affaires turco-iranien de 34 ans, arrêté en mars 2016 lors d’un voyage familial à Miami, est le témoin clé d’un procès new-yorkais sur le contournement des sanctions économiques contre l’Iran.

Reza Zarrab a d’abord révélé au tribunal fédéral de Manhattan avoir versé, entre mars 2012 et mars 2013, plus de 50 millions d’euros de pots-de-vin à l’ex-ministre turc de l’Économie, Zafer Caglayan.

Cela lui a permis de s’imposer comme l’intermédiaire-clé d’un complexe mais juteux trafic régional qui permettait à l’Iran, via la banque publique turque Halkbank, d’injecter dans le circuit bancaire international des milliards d’euros de recettes d’hydrocarbures, malgré les sanctions américaines interdisant de commercer avec Téhéran.

Il a plaidé coupable à sept chefs d’accusation

Reza Zarrab, qui a récemment plaidé coupable à sept chefs d’accusation et est désormais détenu dans un lieu secret protégé par le FBI, a ensuite impliqué Recep Tayyip Erdogan.

Devant des dizaines de journalistes turcs captivés, ce prisonnier élégant, veston noir sur chemise blanche, s’exprimant en turc via un interprète, a affirmé qu’Erdogan, alors Premier ministre, avait donné des « instructions » pour que deux autres banques publiques participent au trafic.

Il impliquait ainsi que M. Erdogan savait tout du contournement des sanctions, même si le président turc assure n’avoir rien à se reprocher.

D’où ce jeune homme d’affaires - il a 28 ans lorsqu’il monte ce trafic début 2012 - tenait-il son entregent ?

Au fil de trois jours de déposition, conversations téléphoniques et courriers électroniques à l’appui, Reza Zarrab, surnommé « Mr. Riza », s’est présenté comme la clé d’un vaste réseau de sociétés iraniennes, turques et émiraties, monté grâce à ses contacts dans les gouvernements turc et iranien et son sens du commerce.

Doué pour le commerce

Né en Iran, arrivé enfant en Turquie, M. Zarrab a témoigné avoir commencé dès 16 ans dans le commerce du thé, avant de travailler deux ans avec son père dans une société de changes que ce dernier tenait à Dubaï.

Il se met ensuite à son compte, lançant des sociétés dans la construction, le transport maritime et les changes.

L’idée d’aider Téhéran à contourner les sanctions américaines viendra d’un bijoutier turc, qui avait commencé à convertir l’argent iranien en or et le revendait ensuite contre devises, permettant ainsi de dissimuler l’origine iranienne des fonds.

Pour s’imposer dans ce commerce, Reza Zarrab, déjà connu en Turquie pour son luxueux train de vie et son mariage avec une célèbre chanteuse turque, fait jouer ses relations.

Il écrit une lettre au président iranien d’alors, Mahmoud Ahmadinejad. Il affirme vouloir aider sa « patrie bien-aimée » dans son « jihad économique » pour desserrer l’étau des sanctions qui étranglent alors Téhéran, invoquant « un demi-siècle d’expérience de la famille Zarrab dans les changes ».

Son commerce de contournement des sanctions décolle vraiment en 2012, lorsqu’il fait affaire avec les banques iranienne Sarmayeh et turque Halkbank, aidé par le ministre Caglayan moyennant pots-de-vin.

Via le transport de valises remplies d’or à Dubaï puis - lorsque les sanctions américaines ciblent spécifiquement les ventes d’or mi-2013 - via un commerce fictif de nourriture et de médicaments, ses affaires prospèrent.

« Meilleur exportateur » de Turquie

Mais l’édifice s’effondre en décembre 2013, lorsque la police turque découvre le trafic. Quatre ministres dont Zafer Caglayan démissionnent, Reza Zarrab passe deux mois en prison.

Après une purge de juges et de policiers menée par M. Erdogan, ils sont libérés puis blanchis début 2015. Reza Zarrab reçoit cette année-là le titre de « meilleur exportateur » de Turquie, en présence de responsables du gouvernement turc.

Mais c’était compter sans l’enquête menée parallèlement par la justice américaine. Elle arrête Zarrab en Floride en 2016, et inculpe ensuite huit autres responsables présumés, dont Caglayan.

Longtemps, Reza Zarrab espère sa libération, engageant des avocats de haut vol dont l’ex-maire de New York Rudy Giuliani.

20 mois d’incarcération

M. Erdogan, dénonçant un « complot politique » ourdi par son ennemi Fethullah Gülen installé aux États-Unis, multiplie les pressions sur Washington pour le faire relâcher.

Sa libération aurait même été évoquée lors de sombres négociations entre Ankara et l’ex-conseiller à la sécurité nationale américaine Michael Flynn, inculpé vendredi dans l’enquête sur l’ingérence de Moscou dans la présidentielle américaine 2016.

Après 20 mois d’incarcération, pendant lesquels il a reconnu avoir soudoyé ses gardiens pour obtenir alcool et autres faveurs, ce père d’une fille de six ans a finalement décidé de coopérer, espérant une peine plus clémente que les 95 ans de prison qu’il risquait en cas de condamnation par un jury.

La justice turque a annoncé la saisie de ses avoirs en Turquie. Sa déposition doit se poursuivre lundi.

la Turquie "ne peut pas être condamnée" par un tribunal aux Etats-Unis, affirme Erdogan

La Turquie ne peut pas être condamnée par des "tribunaux virtuels" aux Etats-Unis, a estimé samedi le président turc M. Erdogan.

"Mon pays ne pourra jamais être condamné par des tribunaux virtuels, mis en place par des crapules de FETO", l’acronyme utilisé par Ankara pour désigner le réseau dirigé par Fethullah Gülen, a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d’un discours télévisé prononcé à Kars (nord-est de la Turquie).

Les autorités turques accusent M. Gülen, installé aux Etats-Unis depuis la fin des années 1990, d’avoir fomenté le putsch manqué de juillet 2016, ce que l’intéressé dément.

"Certains essaient de juger mon pays avec leurs tribunaux factices. Ne vous embêtez pas", a ajouté le chef de l’Etat turc.

Ankara s’efforce de décrédibiliser le procès, potentiellement explosif pour la Turquie, actuellement en cours à New York d’un dirigeant de la banque publique turque Halkbank, Mehmet Hakan Atilla, accusé d’avoir aidé Téhéran a contourner les sanctions américaines contre l’Iran.

Ankara estime que ce procès est "politique" et n’a plus rien de "légal". "L’objectif est de coincer la Turquie (...) C’est de mettre en difficulté l’économie turque", a déclaré vendredi le Premier ministre truc Binali Yildirim, appelant M. Zarrab à "revenir sur son erreur".

"FETO a infiltré les missions américaines en Turquie, la justice américaine, le congrès, (...) FETO a infiltré toutes les institutions (américaines) par tous les moyens, légaux et illégaux", a déclaré samedi le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu, lors d’un discours télévisé à Antalya.

Le procureur d’Istanbul a par ailleurs déclaré vendredi que les avoirs de Reza Zarrab et de sa famille seraient confisqués dans le cadre d’une enquête pour "espionnage" pour le compte d’un Etat étranger, selon l’agence étatique Anadolu.

Source : avec l’Orient le jour


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