Rapprochement Turquie-Syrie
Le 7 juillet, alors qu’il rentrait de Berlin, Erdoğan a déclaré que si Assad faisait un pas en avant, la Turquie en ferait aussi un, et que l’invitation était proche. Il aurait été souhaitable que la Russie accepte que la Turquie joue le même rôle dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie, qui progresse difficilement et épuise les deux parties, comme elle essaie de nous faire asseoir à la table avec la Syrie...
Source : Yetkin Report
La semaine dernière, lors du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Astana, les journaux rapportaient que le président Tayyip Erdoğan et le président syrien Bachar al-Assad pourraient se rencontrer. Erdoğan a rencontré de nombreux dirigeants, du président russe Vladimir Poutine à ceux de l’Azerbaïdjan, du Pakistan et de la Mongolie, mais n’a pas été photographié avec Assad.
Cependant, dans l’avion de retour, il a envoyé des messages importants concernant la normalisation des relations Ankara-Damas. Quand Erdoğan a dit aux journalistes qu’il avait invités Poutine et Assad en Turquie, tout le monde, y compris moi, a pensé que le sommet se tiendrait à Ankara.
Rapprochement Turquie-Syrie : Où aura lieu la rencontre ?
Ensuite, une nouvelle basée sur des sources syriennes a fuité : Erdoğan et Assad se rencontreraient à Bagdad dans quelques semaines, avec la médiation de l’Irak.
Le même jour, j’étais en entretien avec la télévision israélienne i24 et j’ai rapporté cette nouvelle comme si elle était vraie.
J’ai fait mon évaluation en conséquence. Parce qu’il n’y avait pas eu de démenti de part et d’autre. Même mes anciens collègues au ministère des Affaires étrangères ne savaient pas ce qui se passait.
Il y a deux jours, la chaîne de télévision russe Russia Today International m’a invité pour une interview exclusive en tant qu’« ancien diplomate » pour discuter de cette nouvelle importante.
Alors que je me préparais à refléter les derniers développements, l’animateur a mentionné que les dirigeants Assad et Erdoğan se rencontreraient à Moscou en septembre sous la médiation de Poutine. Il m’a demandé quelles conclusions je prévoyais de ce sommet, les obstacles à la normalisation et les opportunités possibles.
Bagdad est-elle l’option la plus plausible ?
Maintenant, l’indicateur pointait vers Moscou. La télévision russe ne diffuserait jamais une telle information sans confirmation claire du Kremlin. Dans tout ce trafic complexe, si vous me demandez mon avis sincère, un sommet Turquie-Syrie à Bagdad est l’option la plus plausible.
Le 7 juillet, alors qu’il rentrait de Berlin, Erdoğan a déclaré que si Assad faisait un pas en avant, la Turquie en ferait aussi un.
En effet, il est très naturel que l’Irak, voisin des deux pays et représentant le monde arabe, assume cette mission. Ils pourraient même avoir voulu envoyer le message à la Turquie que « le monde arabe soutient la Syrie ».
De plus, cela reflétait la décision de principe des pays de la région de ne pas impliquer les puissances extérieures, y compris la Russie, dans les affaires régionales.
L’autre option, celle d’Assad venant en Turquie, me semblait dès le départ très improbable. Effectuer une visite officielle à Ankara alors qu’une partie du territoire de son pays est sous contrôle turc ne serait pas diplomatiquement convenable et porterait atteinte à l’honneur d’Assad. Peut-être qu’après des progrès significatifs dans les négociations, une visite pour signer un accord pourrait être envisagée, mais pas avant.
L’œuvre de Poutine
L’option d’une capitale neutre parait être la meilleure à ce stade. Ici, Moscou et Poutine se démarquent.
Poutine peut faire entendre raison à Erdoğan ; ils ont une bonne chimie éprouvée depuis des années, malgré de sérieuses divergences d’intérêts et de vues.
De même, la Russie a des bases militaires et des forces en Syrie. Elle a la capacité de contraindre Assad, rappelant qu’elle l’a sauvé de justesse de la chute.
L’influence russe reste forte dans les régions contrôlées par Assad et devrait rester ainsi dans un avenir proche.
Poutine et Assad ne veulent pas que les efforts artificiels de paix des États-Unis, du Royaume-Uni et des pays de l’UE en Syrie prennent de l’ampleur.
Poutine cherche à résoudre cela par une entente commune entre l’Iran, la Syrie, la Russie et la Turquie. Selon moi, Poutine et Moscou sont les médiateurs et le lieu de réunion les plus crédibles dans les conditions actuelles.
Les conditions imposent la paix
Ainsi, si l’indicateur ne change pas d’ici à la fin de l’été, une bonne préparation des deux parties est nécessaire pour couronner de succès le sommet Erdoğan-Assad de septembre.
À l’intérieur, l’indignation suscitée par les réfugiés syriens, le risque sécuritaire du PYD dans le nord de la Syrie, et les groupes d’opposition syriens brûlant des drapeaux turcs de l’autre côté de la frontière poussent Ankara vers une paix urgente.
De même, la Syrie, face à la menace expansionniste israélienne, à la recherche de souveraineté totale sur son territoire, d’expulsion des forces étrangères et de reconstruction d’un pays dévasté, souhaite une paix honorable avec la Turquie.
Il aurait été souhaitable que la Russie accepte que la Turquie joue le même rôle dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie, qui progresse difficilement et épuise les deux parties, comme elle essaie de nous faire asseoir à la table avec la Syrie…
Auteur : Mehmet Öğütçü / 8 juillet 2024