Dans un monde eurasiatique marqué par la montée des leaders, Recep Tayyip Erdogan, 60 ans, est au rendez-vous. Le Président turc, coutumier du fait, s’est illustré ces derniers mois par un discours croissant d’homme en colère contre les « ennemis » de son pays. Intérieurs ou extérieurs, ils semblent se multiplier ! Au point que le pays dirigé par AKP devient source de perplexité pour ses partenaires occidentaux, qui pointent trois inconnues au moins à son sujet.
La première se rapporte à la politique intérieure et aux limites à l’action de l’actuel pouvoir. Les manifestations de la place Taksim l’an passé n’ont en rien tempéré l’autoritarisme présidentiel. Celui-ci ne fait qu’enfler et avec lui la croisade contre la presse ou tous les milieux politiques ou économiques proche du prédicateur exilé Gülen.
Mais aussi l’armée, les juges, les mouvements libéraux, les laïcs… Las ! La rhétorique outrageuse du Président s’appuie sur une solide base électorale insensible aux critiques occidentales. À l’approche des législatives prévues d’ici à l’été, l’AKP caracole en tête des sondages. Après ce scrutin, le projet du président sera la réforme de la Constitution pour renforcer son pouvoir et être encore en place en 2023 pour les 100 ans de la République !
Deuxième inconnue, le sens de sa politique extérieure. Supposée être un pôle d’équilibre dans une région en feu, Ankara brouille les cartes. Tournant le dos à sa traditionnelle neutralité vis-à-vis de ses voisins, la Turquie veut la chute du pouvoir syrien. Dans le même temps, ce pilier de l’Otan est accusé d’être devenu une plaque tournante pour aspirants djihadistes. Par obsession, le pays cultiverait même l’ambiguïté vis-à-vis de Daesh, l’État islamique, refusant de le combattre.
La Turquie reste par ailleurs officiellement tournée vers son objectif d’adhésion à l’Union européenne. Mais ses dérives intérieures l’en éloignent chaque mois un peu plus. Et elle cherche de nouvelles alliances, avec Moscou notamment. Illisible. Dernière inconnue : la solidité de l’économie. Avec une industrie dynamique, une surprenante résilience à la crise financière et un marché intérieur de 75 millions d’habitants, l’économie, prospère comme jamais, est le socle du pouvoir du Président.
Cette année, son pays présidera même le G20, avec un sommet à Antalya en novembre. Mais de ce côté, des nuages pointent à l’horizon. La croissance devrait avoisiner 3% cette année, un niveau insuffisant pour juguler le chômage. En décembre, la livre a atteint un plus bas face au dollar, faisant craindre un regain d’inflation. En dépit de la baisse du prix du pétrole, le déficit extérieur courant restera béant en 2015 (5% du PIB). Et Ankara aura, comme ces dernières années, besoin de financements extérieurs. Les autres, ce n’est pas toujours l’enfer.
Source : avec L’Usine Nouvelle