29 mars 2024

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Histoire

Le soutien allemand au nationalisme grand-géorgien (1918)

Publié le | par SibiryaKurdu | Nombre de visite 220
Le soutien allemand au nationalisme grand-géorgien (1918)

"Conditions de paix", Bulletin quotidien de presse étrangère, n° 535, 18 août 1917, p. 3 :

"Les peuples du Caucase. — Les Géorgiens habitent, au nombre de trois millions, le centre et le sud-ouest du Caucase (régions de Tiflis, Koutaïs, Soukhoum, Batoum, et la moitié des districts de Kars et de Zakatala). La Géorgie aspire à l’indépendance.

Le manifeste de 1801 qui l’a annexée à la Russie est illégal et le jurisconsulte bruxellois Ernest Nys lui-même a déclaré, en 1906, qu’il est entaché de fraude et que la domination russe en Géorgie, injustifiée en son principe, a eu, un siècle durant, un caractère cruel et tyrannique. L’auteur anonyme [Mikheil Tsereteli ] du mémoire (non mis dans le commerce) Georgien und der Weltkrieg [« La Géorgie et la guerre mondiale »] propose le règlement suivant de la question caucasienne : Retour à la Turquie des régions turques des districts de Kars et d’Erivan [plutôt Ardahan]. Neutralisation de la Transcaucasie. Création d’un Etat géorgien indépendant ; cantons arméniens et tatares autonomes. Fédération des peuples des montagnes (Circassiens, Lezghiens, Tchetchènzes, Ossètes ) sur la base d’une large autonomie des Etats et cantons intéressés. Das Grössere Deutschland, 4.8."

Mikaël Varandian , Le conflit arméno-géorgien et la guerre du Caucase, Paris, Flinikowski, 1919, p. 72-76 :

"Un autre leader géorgien, du même parti social-démocrate, Noï Jordania [menchevik], consolait les Arméniens, en leur annonçant publiquement que l’indépendance de la Géorgie servirait

aussi les intérêts des Arméniens et que ceux-ci trouveraient aide et protection auprès de l’Etat Géorgien.

Il y aurait beaucoup à dire sur cette mission protectrice de la Géorgie Indépendante. (...)

Arrivons maintenant au point le plus douloureux. A mesure que les germano-turcs avançaient en Transcaucasie et y établissaient leur domination, les Géorgiens, forts de la protection allemande, se montraient de plus en plus agressifs à l’égard de leurs voisins méridionaux.

Au milieu du désarroi et de la plus profonde détresse des Arméniens, le gouvernement de Tiflis annonça sa ferme intention d’occuper militairement les provinces arméniennes Lori et Ahalkalak en vue de les incorporer à la Géorgie.

Cependant, peu de jours après la séparation de la Géorgie, dans la première moitié de juin 1918, le Président du Gouvernement et celui du Conseil National Géorgien, Noé Ramishvili et Noé Jordania, se rendant auprès du Conseil National Arménien, y déclarèrent à son Président Avétis Aharonian, ainsi qu’à Ovannès Katchaznouni et à Alexandre Khatissian que les frontières arméno-géorgiennes devaient être tracées selon le principe ethnique. Les dirigeants socialistes de Géorgie reconnaissaient par cela même que les régions sus-mentionnées et notamment la partie méridionale de la province de Bortchalou, appelée Lori, appartenaient à l’Arménie, puisque l’immense majorité de la population y est arménienne. Les porte-paroles de la Géorgie ne le contestaient point quelques mois auparavant, si bien que lorsque au printemps de 1918, les Géorgiens, avec l’aide des forces militaires allemandes occupèrent la partie méridionale et arménienne de la province de Bortchalou et lorsque le gouvernement de la République Arménienne protesta contre cet empiétement, le gouvernement Géorgien répondit que l’occupation de Lori n’aurait qu’un caractère provisoire, entreprise dans un but de défense contre les Turcs et les Tatares, et que la province serait plus tard rendue aux Arméniens, comme il en avait été convenu à plusieurs reprises. Cette réponse du gouvernement de Tiflis était-elle sincère ?... Quelques mois après, le gouvernement géorgien devait entreprendre une campagne militaire pour annex [annexer] à la Géorgie non seulement la province arménienne de Lori, où il n’y a presque pas de géorgiens, mais aussi celle d’Ahalkalak et la circonscription de Phambak dans la province d’Alexandropol. Dans tout ce territoire, convoité par nos voisins, il n’y a que 6 à 7.000 Géorgiens contre environ 200.000 Arméniens).

C’était là le projet de « la Grande Géorgie », caressé par nos camarades internationalistes géorgiens, et, en premier lieu, par Tzeretelli lui-même. Car, lorsque, au lendemain même de la déclaration solennelle faite au Conseil National Arménien par Ramishvili et Jordania, sur l’invitation de ces derniers, les délégués arméniens — Kartchikian, G. Khatissian et le général Korganorf — se rendirent auprès des Géorgiens, afin de discuter le problème de la délimitation, Tzeretelli leur déclara au nom du Conseil National Géorgien que les provinces d’Ahalkalak, de Khazakh et de Bortchalou devaient être entièrement incorporées à la Géorgie, ainsi que la circonscription de Phambak du district d’Alexandropol, et que ces limites étaient indispensables autant pour les intérêts vitaux de la Géorgie que pour le peuple arménien, car après l’accord de Batoum les Arméniens ne pouvaient plus former un Etat plus ou moins viable et ils avaient tout intérêt à renforcer la Géorgie, afin qu’il y eut au Caucase un Etat chrétien lequel, avec l’appui des Allemands, se fût défendu lui-même, ainsi que les Arméniens.

Sur quoi, un des délégués arméniens, Kh. Kartchikian, fit remarquer qu’il voyait dans la proposition de Tzeretelli l’ancien projet de partage de l’Arménie entre la Géorgie, l’Azerbeidjan et la Turquie....

Les plans des socialistes géorgiens étaient désormais clairs. Et leur « réalisation » n’allait pas tarder. Elle commença par la province arménienne de Lori. Le gouvernement géorgien proclama son annexion à la Géorgie et se mit à traiter les Arméniens de la région comme ses propres sujets ; il procéda même à un recrutement, en dépit des protestations du gouvernement d’Erivan. L’annexion des autres régions arméniennes allait suivre.

L’Allemagne Impériale, par l’organe de sa mission militaire à Tiflis, se déclarait alliée des Géorgiens et encourageait leur rêve d’une plus grande Géorgie, s’étendant jusqu’au coeur de l’Arménie russe, jusqu’à la ville de Karaklis. Et lorsque, en pleine invasion turque, les représentants de l’Arménie, inquiets, angoissés, protestaient auprès de la mission allemande contre les entreprises du gouvernement géorgien, le chef de la mission, le général Von Kress répondait que « L’Allemagne en sa qualité d’alliée de la Géorgie, s’est engagée à soutenir les revendications géorgiennes. » "

Couverture du livre "Georgien und der Weltkrieg"

Vasif Qafarov et Qiyas Şükürov, Azərbaycan Cümhuriyyəti Tarixi : 1918-1920-ci illər (Osmanlı Arxiv Sənədləri Əsasında), Bakou, Elmin İnkişafı Fondu, 2017, p. 283-286 :

"N° 222

[9 sentyabr [septembre] 1918]

Sublime Porte

Min. des Aff. Etr.

Note Verbale

NoGl. 9606

NoSl. 105

Copie

Le 9 Sept. 1918

Le Min. des Aff. Etr. a l’honneur d’accuser réception de la note verbale que l’Amb. Ile [impériale] d’Allemagne a bien voulu lui adresser en date du 26 Août 1918, sub No A. 1946, relativement à la question du Caucase.

Bien que le Min. Il ait expose déjà, en détails, son point de vue au sujet de cette question, dans son dernier Aide-Mémoire il s’empresse de faire connaître comme suit à l’Amb. Ile sa manière de voir en ce qui concerne les matières traitées dans la note verbale précitée qui passe sous silence les considérations émises dans l’aide-mémoire ci-haut mentionne.

L’Amb. Ile d’Allemagne ayant avise le Min. Il par sa note verbale du 20 Fév. dernier que la Russie était prête à conclure la paix et ayant demandé à savoir les conditions de la Sublime Porte, le Min. Il s’était empressé de lui faire connaître, par écrit, le lendemain même, les conditions essentielles du Gt Ott. dont faisait partie notamment sa demande concernant les trois districts de Kars , Ardahan et Batoum. Par conséquent il ne saurait être question de ce que la demande du Gt Il Ott. concernant ces trois districts aurait été formulée après coup, comme il est dit dans la note verbale de l’Amb. Ile. Cependant le Gt Il n’en sait pas moins gré au Gt Il Allemand d’avoir bien voulu, comme il s’y attendait d’ailleurs, appuyer sa demande.

Pour ce qui est de la marche de l’armée ott. au-delà des limites des trois districts, le Gt Il Ott., qui n’a aucune visée annexionniste sur les territoires des Etats Transcaucasiens, a dû procéder à ces opérations militaires, soit pour repousser l’attaque desdits Etats, qui méconnaissant les Traités de Brest-Litowsk, avaient déclaré avoir hérité l’état de guerre de la Russie, et étaient entrés de fait en hostilités contre la Turquie ; soit pour contrecarrer l’activité que les ennemis communs et notamment les Anglais déployaient sans cesse au Caucase. Le libre usage de la voie ferrée Batoum-Tiflis-Alexandropol-Djoulfa s’imposait donc afin de chasser les bandes ennemies , débarrasser lesdits territoires des officiers et agents anglo-français , et de contrecarrer les opérations des troupes ennemies en Perse. La légitimité de cette action, devant la nécessité des événements a été reconnue, d’ailleurs par le GT IL Allemand et son Quartier-Général.

En conséquence il va sans dire que l’occupation de certaines parties du Caucase par l’Armée Ott. imposée par des nécessités impérieuses ne saurait être qualifiés d’invasion comme il est allégué dans la note verbale de l’Amb. Ile, et que les objections soulevées contre cette occupation par la Russie qui n’a donné aucun signe d’existence dans ces régions depuis la conclusion du Traité de Brest-Litowsk, ne sauraient aucunement être justifié.

Les correspondances et échanges de vue qui ont eu lieu des le début entre le Gt Il Ott. et le GT IL Allemand tendaient à la reconnaissance de l’existence des Gouvernements Transcaucasiens et même à l’assistance qu’il y aurait lieu de leur prêter le cas échéant dans leurs négociations avec la Russie , comme en témoignent d’ailleurs les projets de convention échanges à ce sujet entre les deux Gts alliés. De plus l’envoi des Délégués allemands à Batoum pour la conclusion d’un traité de paix et la déclaration écrite, adressée de la part du Gl von Lossow à S. E. Halil Bey au sujet de la reconnaissance de ces Etats, constituent autant de preuves qui confirment ce qui précède. D’autre part les Gts alliés et notamment le Gt Il Allemand avaient accepté la réunion d’une conférence à Cons/ple et décide d’y envoyer des délégués pour entrer en négociations avec les Représentants des Gts Transcaucasiens.

Etant donné ce qui vient d’être exposé, il était à présumer que le Gt Il Allemand voulût bien reconnaître et faire reconnaître simultanément et sans faire aucune distinction, tout en prenant aussi en considération les intérêts particuliers de l’Empire Ott. voisin, l’indépendance de ces Etats qui possèdent des institutions nationales politiques et militaires et jouissent de fait d’une existence indépendante et qui sont de plus nés des mêmes événements et sous les mêmes conditions. Au contraire, il s’est contenté d’entreprendre des démarches exclusivement en faveur de l’indépendance de la Géorgie et a fait insérer le consentement de la Russie à cet égard dans une convention qu’il a signée séparément avec elle, ignorant, en dépit de toute attente, l’existence des autres Etats Transcaucasiens, avec lesquels le Gt Il Ott. a été obligé, afin d’assurer la tranquillité de ses frontières de l’est, d’entrer en relations de paix par la conclusion d’un traité intervenu à la suite de la signification d’un ultimatum de la part du Gt. Ott. avec le consentement du Quartier-Général et du Gt Allemands. Il va sans dire que cet état de choses se trouve en opposition avec les intérêts réels du Gt Ott. au Caucase et porte un préjudice considérable à son prestige.

Le Gt Il Allemand sait bien que l’avance des troupes ott. au Caucase a pour but, comme il a été dit plus haut, de contrecarrer l’activité déployée constamment par les ennemis communs et notamment par l’Angleterre, et en empêchant ainsi la formation d’un nouveau de guerre au Caucase, servir les intérêts communs de l’alliance et assurer en même temps la sécurité des frontières ott.

Le Gt Il Ott. a été donc surpris d’apprendre que le Gt Il Allemand au lieu d’appuyer ces opérations de l’Armée Ott., soit sur le point de s’engager vis-à-vis de la Russie de ne pas prêter son concours au Gt. Ott. dans son avance au-delà des frontières de Batoum, de Kars et d’Ardahan, et d’user de son influence afin que les forces militaires ott. ne franchissent pas une ligne déterminée près de Bakou.

Quant au besoin qu’éprouve l’Allemagne de profiter des sources pétrolifères de Bakou il ne serait pas possible d’espérer que la Russie soit à même de satisfaire ce besoin étant donne qu’elle n’a jamais été maîtresse de la situation dans ces régions où les Anglais n’ont cessé de déployer tous leurs efforts pour y établir leur influence. Les événements qui se sont produits dernièrement à Bakou ont prouvé combien les craintes du Gt Il Ott., concernant le danger de l’occupation de cette ville par les Anglais étaient fondées. En effet, la ville de Bakou se trouve aujourd’hui sous la domination des forces anglaises et de soldats russes dépendant de celles-ci. La cause principale qui a décidé les Anglais à marcher sur Bakou ne réside point, comme le croit l’Amb. Imp. dans le fait de l’avance des troupes otto., mais bien dans l’importance économique et stratégique que possède cette ville.

Il est hors de doute que l’Angleterre s’efforce de barrer aux Puissances alliées la route des Indes à travers le Caucase et de les empêcher de profiter des sources de Bakou, et même d’aller plus loin en formant un nouveau front de guerre, si les circonstances s’y prêtent. D’ailleurs l’activité déployée depuis longtemps par les Anglais en Perse témoignait suffisamment de leur intention à cet égard. Le Min. Il éprouve le besoin de relever ici que le Quartier-Général Ott. n’a pas été dans le cas de demander de secours à l’Allemagne pour marcher sur Bakou, et que le retard apporté à l’occupation de cette ville, malgré les intentions évidentes et les préparatifs des Anglais, a entraîné la prise de ladite ville par ces derniers ; ce qui a compliqué considérablement la situation au détriment des Puissances alliées.

Il est à espérer que le Gt Il Allemand voudra bien se rallier au point de vue du Gt Il Ott. confirme par les événements et se mettre d’accord avec lui quant à la nécessité de purger Bakou un moment plus tôt des ennemis.

Le Min. Il des Aff. Etr., en prenant acte des déclarations, du Gt Il Allemand d’après lesquelles il est prêt à prendre en considération dans la plus large mesure les intérêts du Gt Il Ott. dans le cas où une entente serait rétablie sur la manière de procéder au Caucase, a l’honneur de porter à la connaissance de l’Amb. ille d’Allemagne que S. A. le Grand Vizir est parti pour Berlin en vue de traiter ces questions.

La Sublime Porte aime à espérer que les deux Gts tomberont d’accord pour trouver une solution conforme aux intérêts commun de l’alliance et au prestige de la Sublime Porte ainsi qu’aux exigences de la défense des frontières de l’Empire Ott. qui est le plus intéressé dans la question du Caucase comme Etat limitrophe.

P.C.C.

[imza] [signature]

HR.SYS, no. 2372/2, v. 74-79."

Voir également : Les violences interethniques à Batoum-Kars (1914-1916)

Les expulsions de musulmans caucasiens durant la Première Guerre mondiale

Le "négationnisme" peu connu d’Anahide Ter Minassian

Archak Zohrabian et Alexandre Parvus : anti-tsarisme, nationalisme économique et ralliement aux Centraux

Les Arméniens et la pénétration allemande en Orient (époque wilhelmienne)

Première Guerre mondiale : la carte arménienne dans la politique de l’Allemagne

Transcaucasie (1918) : les tueries de populations azéries par les forces dachnako-bolchevistes

L’occupation-annexion ottomane de Batoum (1918)

Les relations turco-arméniennes dans le contexte de la nouvelle donne du bolchevisme

Le tournant "panturquiste" de 1918 ? Un "répit" pour les Arméniens La première République d’Azerbaïdjan et la question arménienne

La rivalité germano-ottomane dans le Caucase (1918)

Le général Otto von Lossow et les Arméniens

Le général Friedrich Kress von Kressenstein et les Arméniens

Le général Hans von Seeckt et les Arméniens

Le gouvernement de Talat Paşa (Talat Pacha) et la reconnaissance de la République d’Arménie (1918)

Le conflit entre les premières Républiques d’Arménie et de Géorgie

Berlin, 1942 : rencontre entre Nuri Killigil (frère d’Enver Paşa) et Alexandre Khatissian (dachnak)


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