Voilà un pays membre de l’OTAN, solide allié des Etats-Unis, lié à Israël par un accord stratégique, candidat à l’adhésion à l’Union européenne (UE), et qui considère que l’Iran de Mahmoud Ahmadinejad ne présente pas de danger pour la région. Les prétentions nucléaires de la République islamique ? Mieux vaut s’y faire, a dit en substance M. Erdogan. Les propos réitérés du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, sur le souhait de l’Iran de voir Israël rayé de la carte ? Une figure de rhétorique, sans doute... Le soutien apporté par l’Iran au Hamas et au Hezbollah, tous deux farouchement opposés à un compromis israélo-palestinien ? Vraisemblablement secondaire dans la pensée de M. Erdogan.

"C’est Israël qui est la principa le menace pour la paix régionale", a-t-il dit à quelques journalistes. Le premier ministre a rappelé que son pays entretenait toujours de pleines relations diplomatiques avec l’Etat hébreu. Mais elles se sont détériorées depuis la campagne de bombardements intensifs menée par Israël contre la bande de Gaza en 2008. Et, de même que la Turquie tissait des liens plus étroits avec son voisin iranien, elle multipliait les échanges avec les pays arabes alentour : Syrie, Irak et Jordanie - même si son économie, brillante, reste largement tournée vers l’Europe.

Cette évolution de la politique d’Ankara a sa logique propre : pourquoi la Turquie, puissance régionale, ne nouerait-elle pas des partenariats plus serrés avec ses voisins moyen-orientaux ? Elle s’en est servi pour tenter de jouer les bons offices ici et là. Il n’y a rien à redire à cela, à une réserve près, de poids : la banalisation du régime iranien par Ankara est dangereuse.

Berlin et Paris portent-ils une part de responsabilité dans l’inflexion du discours turc sur l’Iran ? En d’autres termes, le fait que l’Allemagne et la France soient opposées à l’adhésion pleine et entière de la Turquie à l’UE conduit-il Ankara à une manière de radicalisation ?

L’explication est trop simple pour être satisfaisante. Mais elle recèle peut-être un peu de vérité. Il y a un prix politique à tenir la Turquie à distance de l’Union. A contrario, on imagine volontiers comment une Turquie tout à la fois membre de l’UE et disposant d’un fort crédit au Proche et au Moyen-Orient serait un formidable relais d’influence européen. Et aurait d’autant plus d’atouts pour peser auprès des éléments les plus radicaux de la région.

L’histoire n’est pas finie. Nicolas Sarkozy n’a pas fermé toutes les portes. Le président de la République doit tenir sa promesse d’aller très vite à Ankara.

Source Le Monde