La colère à la une de la presse turque au lendemain d’une nouvelle rafle
Plusieurs titres de la presse turque, et des centaines de manifestants à Istanbul et Ankara, ont bruyamment critiqué vendredi une nouvelle rafle visant en particulier des journalistes connus, soupçonnés dans un complot présumé contre le régime.
Des centaines de personnes, journalistes, intellectuels et artistes ont manifesté contre ces arrestations et le parti islamo-conservateur au pouvoir AKP, dans le centre d’Istanbul.
"Libérez les journalistes", "AKP, ne touche pas à la presse", "A bas la dictature de l’AKP", pouvait-on lire sur les banderoles déployées par les manifestants. Une manifestation similiaire a eu lieu à Ankara.
La presse d’opposition a elle aussi vivement protesté, dénonçant une dérive autoritaire du pouvoir islamo-conservateur.
"Donnez-nous une explication", protestait le quotidien libéral Radikal, tandis que Cumhuriyet, proche de l’opposition, s’insurgeait : "Ca suffit !".
Même le quotidien Taraf, pourtant très favorable au pouvoir, a émis des doutes sur les intentions des enquêteurs.
"Si aucune explication crédible n’est fournie, le gouvernement AKP va affronter la période la plus sombre de son existence politique", lisait-on dans ce journal, qui a pourtant toujours fermement soutenu l’enquête sur l’affaire Ergenekon, du nom d’un présumé réseau ayant voulu renverser le gouvernement.
Jeudi, la police a perquisitionné puis placé en détention dix personnes issues des milieux d’opposition, à nouveau dans le cadre de l’affaire Ergenekon.
Au total, depuis le lancement de l’enquête en juin 2007, plusieurs dizaines de personnes, dont des généraux, des journalistes et des chefs de la pègre, ont été écroués.
Applaudie par les milieux pro-gouvernementaux comme une avancée dans la lutte pour un Etat de droit, l’enquête est dénoncée par les cercles pro-laïcité qui y voient la volonté du gouvernement de réduire au silence l’opposition et de poursuivre une islamisation rampante du pays.
Malgré les trois années d’enquête et de procès, aucune condamnation n’a été prononcée mais les prévenus sont tour à tour relaxés.
Les arrestations de jeudi ont été condamnées à l’étranger, notamment par l’OSCE et l’Union européenne.
Parmi les personnes visées dans cette opération, menée à Istanbul et Ankara, figure Nedim Sener, du quotidien libéral Milliyet, distingué en 2010 par l’Institut international de la presse (IPI) pour son livre consacré à l’assassinat en 2007 en Turquie du journaliste arménien Hrant Dink.
L’incarcération d’Ahmet Sik a également indigné l’opposition, alors que ce journaliste est considéré comme l’un des premiers à avoir fait état du supposé complot de généraux contre le gouvernement et l’AKP, le "Parti de la justice et du développement".
Avec AFP