Anne et Nurettin, mariés depuis 27 ans, 2 enfants de 25 et 22 ans
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
A Dundee en Ecosse ! J’y étais assistante de français et Nuretin était en master d’ingénierie. J’ai été notamment séduite par la délicatesse de ce jeune homme turc, beaucoup plus gentleman que les Français.
Comment se sont passées vos premières années ensemble ?
En fait ça a été assez facile. Nous avions d’abord envisagé de vivre en Turquie mais comme j’ai trouvé un travail à Paris pendant que Nurettin faisait son service militaire, finalement c’est lui qui a décidé de venir vivre en France. Et pourtant à l’époque il ne parlait pas un mot de français ! Tout s’est déroulé assez aisément car nous étions sous l’ère Mitterand et il n’était pas difficile d’obtenir des papiers. Une année après le mariage, mon mari avait la nationalité française.
Quelles ont été vos impressions Nurettin en arrivant en France ?
En fait, c’était l’été à Paris, les gens souriaient et je me suis dit que je pouvais vivre ici car ça ressemblait à Izmir. Je retrouvais dans ce Paris un peu de la culture latine de ma ville d’origine. Cette ambiance m’a plu.
Comment s’est passé votre intégration et quelle a été la réaction de vos familles face à ce mariage franco-turc ?
Nous avons eu beaucoup de chance car nous avions tout deux des familles très ouvertes à la différence. En plus, la culture à Izmir est assez européenne. Et puis mon père avait eu l’occasion de vivre quelques temps dans des pays étrangers pour son travail. Il l’a donc très bien accepté.
Quel est votre souvenir le plus étonnant quant aux différences culturelles entre la France et la Turquie ?
C’était à l’occasion d’un pique nique en France, nous raconte Anne. Ma mère avait proposé pour la première fois du camembert à la mère de Nurettin. Mais ma belle-mère, qui n’en n’avait jamais vu de sa vie, l’a coupé en tranches au lieu d’une portion en triangle. Ça nous fait encore rire !
Nurettin, comment avez-vous démarré votre vie professionnelle dans un pays qui vous était étranger ?
J’ai pu faire un stage de formation au CESI puis un autre d’intégration chez Valéo qui m’a finalement embauché tout en me permettant de me spécialiser à l’école Centrale. Je suis resté ensuite 20 ans dans cette entreprise pendant lesquels j’ai d’ailleurs effectué une carrière d’expatrié qui m’a mené aux Etats-Unis comme directeur d’usine mais également en ... Turquie à Bursa !
Et aujourd’hui ?
Et bien nous vivons à Istanbul depuis août dernier. Je travaille maintenant dans une autre société européenne qui m’a détaché en Turquie. Après on verra, mais nous vivrons sûrement entre les deux pays notamment pour voir nos enfants qui font leurs études en France et ...en Ecosse !
Nicole et Mustafa, mariés depuis 1973, deux enfants de 35 et 34 ans
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
En France, par l’intermédiaire d’une camarade qui avait un ami turc. Mustafa faisait à l’époque son doctorat à Paris et ne parlait pas très bien français d’ailleurs.
Comment se sont passées vos premières années ensemble ?
On a vécu en France jusqu’à la naissance de mes enfants puis nous sommes allés vivre en Turquie, mais à ma demande ! Mustafa serait bien resté en France mais je ne voulais pas qu’il regrette un jour de ne pas avoir fait carrière en Turquie. J’avais peur qu’il reste un éternel étudiant à Paris ! D’ailleurs dans beaucoup d’occasion par la suite, c’est moi qui l’ai poussé vers son identité turque. Par exemple, c’est moi qui ai insisté pour que notre fils soit circoncis. En fait, on a inversé les rôles !
Quelles ont été vos impressions Nicole en arrivant en Turquie ?
Je connaissais déjà la Turquie car j’y avait passé des vacances étudiante. J’ai toujours été attirée par l’étranger et j’avais envie de vivre ailleurs qu’en France donc je n’ai pas eu de problème pour m’adapter. Nous nous sommes installés à Ankara en 1976 car mon mari y faisait son service militaire. Heureusement, il y avait pas mal de couples mixtes dans la même situation que nous. Nous nous sommes beaucoup entraidés d’autant que c’était la crise économique et qu’ on ne trouvait rien. Il n’y avait même pas de frigo ! Nous sommes ensuite retournés en France après le coup d’état de 1980 car j’avais peur que mon mari soit envoyé à l’Est où je ne voulais pas aller. Finalement il a trouvé un stage à FR 3 à Paris et nous y sommes restés 12 ans.
Comment s’est passé votre intégration et quelle a été la réaction de vos familles face à ce mariage franco-turc ?
Je n’ai jamais eu de problème avec ma belle-famille qui a totalement respecté le choix de son fils. Avec la mienne, ça a été plus difficile jusqu’à ce qu’ils viennent en Turquie pour le mariage. Il faut dire que ma belle-famille est de la génération Atatürk pour qui la liberté de la femme et les valeurs républicaines sont très importantes.
Quel est votre souvenir le plus étonnant quant aux différences culturelles entre la France et la Turquie ?
Je crois que c’est l’étonnement de ma mère quand nous sommes venus ensemble en Turquie avant le mariage et que ma belle-mère m’a installée dans la même chambre que mon futur mari. Pour mes parents, assez traditionnels, ça ne se passait pas comme ça : quand nous allions chez eux , ils nous installaient dans des chambres séparées. Mais ma belle-mère a toujours été très revendicative pour la liberté de la femme !
Finalement, ce parcours semble avoir été facile pour vous !
Oui mais je ne crois pas que le fait d’épouser quelqu’un d’un autre pays rende forcément les choses plus difficiles. Ce que j’ai remarqué à travers tous les couples mixtes que j’ai pu rencontrer, c’est que finalement il est très rare qu’ils soient de milieux socio-culturels différents. Partager les mêmes valeurs est un gage de réussite pour n’importe quel couple. Quand ce n’est pas le cas, c’est là que ça se passe plus difficilement.
Et aujourd’hui ?
Et bien nous vivons à Istanbul depuis que les télévisions privées sont autorisées, mon mari travaillant pour l’une d’entre elles. Mais nous aimons aussi suivre les opportunités qui se présentent. Pour nous la Turquie c’est “définitivement provisoire !”
Jean-Louis, marié depuis 7 ans à Ilkay, 1 enfant de 4 ans
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
J’étais déjà expatrié en Turquie quand nous nous sommes rencontrés. Nous avons dû nous marier pour qu’ Ilkay puisse ensuite venir avec moi en France car c’est très difficile d’obtenir des papiers. Au départ, on se parlait en anglais puis ma femme a appris très rapidement le français.
Comment se sont passées vos premières années ensemble ?
Nous sommes restés peu de temps en France car j’ai choisi de suivre ma femme qui avait trouvé un travail à Istanbul. Nous sommes ici depuis 3 ans. Je suis ingénieur spécialisé dans la gestion du trafic aérien et je travaille en free lance pour des sociétés françaises et étrangères.
Comment s’est passé votre intégration et quelle a été la réaction de vos familles face à ce mariage franco-turc ?
Difficile en ce qui concerne ma belle-famille. Quant à ma femme, je n’ai pas du tout aimé le comportements des Français à son égard quand nous nous sommes installés en France. Elle a eu beaucoup de mal à s’adapter à cause de ça. Dès qu’on lui demandait d’où venait son joli accent et qu’elle évoquait ses origines turques, c’était le masque ! Il y a beaucoup de préjugés en France. C’est aussi une des raisons pour lesquelles je suis reparti en Turquie car c’est dur pour un étranger de vivre en France. Ma femme ne s’y sentait pas bien et du coup moi non plus !
Et je ne vous parle pas des problèmes de papiers car ça durerait des heures ! C’est tellement compliqué et ça prend tellement de temps qu’on a laissé tomber ! D’ailleurs ma femme à l’époque a fini par ne plus vouloir être française.
Quel est votre souvenir le plus étonnant quant aux différences culturelles entre la France et la Turquie ?
Il est culinaire. J’ai proposé un jour aux amis de mon épouse un repas français avec fois gras et magret canard. J’ai fait un flop total ! Il n’ont pas compris ce que c’était que le fois gras ni son intérêt. Quant au canard, ils n’en avaient jamais mangé et y ont à peine goûté !
Et aujourd’hui ?
Aujourd’hui, nous sommes en Turquie mais dans 2 ou 3 ans, qui sait ... Nous bougeons beaucoup ! Nous avons fait ici une nouvelle demande pour la nationalité française et nous avons été très très bien accueillis par le consulat d’Istanbul. J’en profite pour féliciter leur équipe administrative ! D’ici 10 mois, nos démarches devraient aboutir. Quant à moi, j’ai demandé la nationalité turque !
Source : Le Petit Journal