La Repubblica : Une crise s’est ouverte avec le récent vote d’une résolution sur le "génocide" arménien aux Etats-Unis. Est-ce que ceci met en danger vos relations avec Washington ?

Erdogan : « Nous avons été choqués par la décision prise par la commission des affaires étrangères de la Chambre américaine. La résolution met non seulement en danger nos rapports avec un ami et un allié, mais elle est contre-productive pour nos efforts de normalisation des relations entre Turcs et Arméniens ».

Et qu’elle est votre position en la matière ?

Erdogan : « Comme on le sait la nature des événements de 1915 est encore controversée. Les cercles arméniens et leurs partisans soutiennent que la loi de relocalisation prise alors par le gouvernement ottoman fut un acte délibéré pour anéantir tous les sujets arméniens. De l’autre côté, de nombreux spécialistes turcologues reconnus, américains et européens établissent que tout ceci ne peut pas être caractérisé comme un génocide, mais comme une mesure de guerre prise pour des raisons de sûreté ».

Dans chaque cas, est-ce que vous ne pensez pas que cette friction puisse être une occasion enfin pour la Turquie d’affronter son histoire ?

Erdogan : « Mais nous savons bien qu’il y a des perceptions différentes dans les deux pays sur les comptes rendus de ces événements. Et nous savons combien les Arméniens et les Turcs sont très sensibles sur cette question. C’est pourquoi la Turquie insiste depuis des années pour que cette période si débattu de l’histoire soit évaluée par les historiens, pas par des Parlements ».

Que proposez-vous ?

Erdogan : « Déjà en 2005 j’ai offert au chef d’état d’Arménie d’examiner notre histoire commune à travers l’étude de documents d’archives non contestés par des historiens turcs et arméniens et, si nécessaire, d’autres pays. Cependant notre offre est encore sur la table. L’Arménie n’a pas jusqu’à présent donné de réponse positive. Et la décision de la commission américaine a donc été contre-productive. Nous nous attendons à ce que prévaille le bon sens et que pour l’heure la résolution ne soit pas examinée par la Chambre ».

Source : quotidien italien La Repubblica
Traduction L.B. pour Turquie News


Les événements de 1914-1922

Des affrontements inter-ethniques et des déplacements forcés de populations en Anatolie orientale, entre 1914 et 1922, ont fait plusieurs centaines de milliers de morts parmis les Turcs et les Arméniens. L’Empire ottoman était alors engagé dans la Première Guerre Mondiale aux côtés de l’Allemagne et de l’Empire Austro-Hongrois. Dès 1914, des Arméniens ottomans ont massivement pris le parti des Russes, contre les Turcs, se livrant à des massacres de masse et à des pillages dans l’est de l’Anatolie. A la suite de ces événements, le gouvernement ottoman décida d’éloigner une partie de la population arménienne des zones de front et à risque. Ce transfert se solda par un lourd bilan humain.

La Turquie et de nombreux historiens rejettent catégoriquement la thèse controversée d’un "génocide" que le gouvernement ottoman aurait perpétré contre la population arménienne de l’Empire. Cette thèse, défendue par les nationalistes arméniens, est aujourd’hui instrumentalisée afin d’exercer des pressions politiques sur la Turquie, notamment pour entraver la perspective de son adhésion à l’Union Européenne.