Des foyers, les Turcs de Dunkerque en ont trois : la maison où ils vivent en France, le pied-à-terre qu’ils ont gardé en Turquie et le local de la communauté, situé avenue de Petite-Synthe. C’est là que les jeunes se retrouvent, chaque fin de semaine, pour boire du thé, jouer au rami ou suivre les matchs de foot du championnat turc, via la télé par satellite. Au mur, des cartes de France et de Turquie, des drapeaux et des portraits d’Atatürk, fondateur de la Turquie moderne.
« On a acheté cette maison en 1994, 235 000 francs à l’époque, se souvient Sahin Altinisik, le président de l’association, qui compte aujourd’hui 110 membres, Français à 90 %. On avait lancé une souscription, 5 000 F par famille. Au début, il n’y avait qu’une salle de culte. Puis on a transféré la mosquée dans une pièce, derrière, et on a créé cette salle de rencontres. » La toiture a été refaite, un bâtiment supplémentaire a poussé au fond du jardin, les étages ont été transformés en appartement pour l’imam et en studios « pour les visiteurs ». Tout ça grâce aux coups de main des adhérents. La plupart travaillent dans le bâtiment.
La solidarité ne s’arrête d’ailleurs pas là, ajoute Sedat Cogalan, ancien joueur de foot à l’USLD, aujourd’hui chef d’entreprise : « Ce qui est bien avec un lieu comme ça, c’est qu’on n’a pas de chômage. On s’entraide ».
La plupart des Turcs sont arrivés à Dunkerque dans les années 70 ou 80. Le père de Sahin Altinisik a participé à la construction de la centrale de Gravelines. Son fils, âgé de 37 ans, a obtenu la double nationalité il y a six ans. « Ici, on vit tous ensemble, on ne fait rien tout seul, que ce soit les fêtes, les mariages ou les enterrements, témoigne-t-il. On a la même culture et on essaie de garder le lien qui nous relie à là-bas. » Au sein de l’association, les plus jeunes apprennent le turc, les plus vieux se perfectionnent en français. Des sorties en bus sont organisées, comme par exemple lors du match Lille-Fenerbahce, il y a quelques semaines. Côté cuisine, les Dunkerquois vont se ravitailler à Gand, où réside une importante communauté turque. On y trouve facilement « du thé, des saucisses turques, des lentilles, du boulgour ». Sahin Altinizik l’admet pourtant : « Personne ne veut retourner vivre en Turquie. Mais on économise, et tous les deux ans, on y va pour un mois ».
L’adhésion à l’Union européenne ? Les Turcs de France se lassent d’en entendre parler « par des gens qui ne connaissent ni l’histoire, ni la géographie de la Turquie, se désole Sahin Altinisik. Depuis le temps qu’on nous fait des promesses... La Turquie avait demandé à adhérer avant la Grèce ! Moi, je n’y crois plus. Mais la Turquie est en train d’évoluer, de se développer. Elle continuera à le faire, avec ou sans l’Europe. »
Venez goûter les spécialités turques préparées par l’association, en marge des spectacles et des films proposés durant le Temps fort Turquie
Source La voix du Nord par Estelle JOLIVET