« Comment se fait-il que les Hauts-de-Seine aient si bien évolué, et la Seine-Saint-Denis si mal ? » s’est étonné Devedjian, en prenant connaissance du rapport sur les relations entre la police et la population de Seine-Saint-Denis. Et de trouver une explication : « C’est parce que l’un était géré par la droite et l’autre par le Parti Communiste », ajoutant : « Les communistes ont ancré les gens dans la misère, parce que c’était aussi pour eux un moyen d’asseoir leur pouvoir politique. »
Première hypothèse, M. Devedjian, nouveau Président du Conseil général des Hauts de Seine, est idiot. Il ignore que son département abrite non seulement Neuilly ou Saint-Cloud, mais surtout La Défense, et que, du fait des nombreux sièges sociaux, il a a lui seul un PIB équivalent à celui de la Hongrie, sans en avoir les habitants. Il ignore que ces entreprises payent leurs impôts dans les Hauts de Seine. Il ignore que les négociations sur l’intercommunalité ont été menées sous l’égide de Charles Pasqua et ont évité à son département d’avoir à acquitter la solidarité minimale. Il ignore que la Seine Saint Denis, en revanche, a le triste privilège de concentrer les quartiers sensibles, l’immigration, le chômage, le manque de services publics (malgré le dévouement et la créativité de ceux qui s’y accrochent).
Deuxième hypothèse, il est vraiment le type haineux, méchant, agressif que ses propos laissent imaginer.
Troisième hypothèse, et hélas c’est la notre, le principal sbire de Nicolas Sarkozy a été à bonne école et applique les leçons de son maître. Quand on s’est puissamment allié avec les puissances d’argent et que l’on tient les grands patrons de presse, quand on a le pouvoir temporel, une bonne approche consiste à « prendre de haut » son adversaire. Marteler son mépris pour la gauche, écraser l’adversaire de sa morgue, lui opposer en permanence une image ringarde, en faire un incompétent et un hypocrite : ça marche. Ca impressionne les espris faibles, ca flatte les électeurs, ça fait son chemin...
Question : qui ne s’est pas demandé, quelques secondes au moins, dans quelle mesure il n’aurait pas un peu raison ? C’est comme cela que sa fonctionne. Mais ça ne fonctionne que parce que les attaques sont neuves et l’homme puissant. Quand la Ligue Communiste Révolutionnaire répondra à M. Devedjian que ce sont les puissances du capital qui ont aliéné le travail des habitants de Seine Saint Denis, ca n’aura pas le même effet en retour.
Alors, la domination du parti de la morgue est-elle inéluctable ? Non, mais c’est dans les têtes que la résistance doit commencer. La gauche doit apprendre à résister en profondeur à ces torrents de mépris.
Elle n’y manquera pas. Son histoire est là, depuis toujours. Elle l’avait juste un peu oublié pendant les confortables années Mitterrand.