18 avril 2024

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L’enlèvement du député Aygün et la brillante opération de communication du PKK

Publié le | par Ali Bal | Nombre de visite 588

La presse nous apprenait dimanche 12 août, que le député de Tunceli, Hüseyin Aygün avait été « enlevé par le PKK ». Le PKK confirmait quelques heures plus tard avoir « placé en détention » le député Aygün.

Selon l’entourage d’Aygün, le PKK aurait promis de le libérer « dans quelques jours » ; donc, un rapt visant à « attirer l’attention de l’opinion publique sur la cause kurde ».
Le ministre turc de l’Intérieur Idris Naim Sahin affirmait que le PKK avait voulu créer « la sensation » en ravissant ce député avant le 15 août date anniversaire à laquelle, en 1984, les terroristes kurdes du PKK attaquaient pour la première fois des unités de l’armée et de la police dans le sud-est, à Eruh et Semdinli.
Depuis lors, le PKK est responsable de la mort de 45 000 personnes.

Le député du Parti républicain du peuple (CHP), Hüseyin Aygün, un Kurde âgé de 42 ans et avocat de formation, est connu pour ses positions conciliantes envers le PKK malgré les crimes de cette organisation.

Dès lors, certains députés de partis rivaux, et notamment le député Şamil Tayyar (AKP) avaient publiquement raillé la situation arguant : « C’est une mascarade, hormis les députés du BDP –parti pro-PKK-, le député Aygün est bien la dernière personne au monde que le PKK kidnapperait » ou carrément « Hüseyin Aygün est le porte-parole du PKK, il a fait une escapade nostalgique dans les montagnes ».

Loin de cette polémique, l’armée turque avait lancé une opération de grande envergure afin de localiser et libérer le député.

Mardi 14 août, le gouverneur de Tunceli, Mustafa Taskesen Aygun, déclarait à la chaîne turque NTV que le député Aygün avait été libéré près d’Ovacik.

DES PROPOS CHOQUANTS

Lors de la conférence de presse qui a suivi sa libération, le député Hüseyin Aygün a tenu des propos pour le moins surprenants (voir la vidéo ci-dessous).

Ainsi, le député dit :
 « Les jeunes amis qui ont commis cet acte sont les enfants de ce pays, ils m’ont dit l’avoir fait pour donner un message de paix et de réconciliation et m’ont prié de faire plus d’efforts pour aboutir à une solution au parlement dans le problème kurde. »
 « J’ai observé que le petit groupe de 6-7 jeunes âgés de 18 à 25 ans ne souhaite qu’une chose, c’est rentrer chez eux, que cette guerre insensée prenne fin, que la question kurde passe par un accord entre les quatre partis au parlement turc. »
 « Je pense que le fait que des hommes armés veuillent la paix est très précieux car n’oubliez pas qu’à chaque instant ces hommes risquent leur vie. »
 « Je suis heureux que le nouveau CHP accueille des gens comme moi en son sein et qu’un tournant soit pris au nouveau CHP, je répète que nous n’avons jamais soutenu la solution militaire et que nous voulons une paix politique, le CHP fera une proposition bientôt dans ce sens, je vous invite à suivre les déclarations de notre président de parti. »
 « Ils ont dit qu’ils savent eux-mêmes que le combat qu’ils mènent est vain et que leurs revendications ne doivent pas passer par les armes, qu’ils en sont conscients. »
 « Ils sont conscients qu’à côté de leur message de paix et de fraternité, l’enlèvement d’un député est contraire à la libre volonté des électeurs de Dersim. »
 « Je connais très bien les montagnes de Dersim, j’ai exercé 40 ans à Dersim en tant qu’avocat, j’ai écrit des livres sur Dersim, un livre linguistique dans ma langue maternelle le zaza, je suis un enfant de Dersim donc je la connais comme ma poche. »
 « On a marché 6-7 heures, on est restés à côté d’un ruisseau, je suis resté deux jours dans les montagnes, les montagnes de Dersim dont je suis amoureux m’avaient manqué. »
 « Il n’y a aucune menace contre moi, ils ont été extrêmement polis et compréhensifs envers moi. »
 « En partant, ils se sont enroulés à mon cou et m’ont embrassé en disant, ‘surtout n’oublie pas tes frères qui sont ici, on attend ton soutien’ ; et moi, je leur ai promis de les soutenir et de faire tous les efforts possibles pour me battre pour la paix. »

MALAISE AU CHP

Les propos favorables au PKK du député Aygün ont suscité l’indignation, en premier lieu dans les rangs de son propre parti, le CHP. Ainsi, le vice-président du parti, Faruk Loğoğlu a fait savoir : « Les propos de Aygün n’engagent pas le CHP, ce sont ses opinions personnelles, pas celles du parti » prenant clairement ses distances avec le député.
Le malaise était profond au CHP et son président, Kemal Kılıçdaroğlu a précisé le soir même que le député Aygün ferait une déclaration pour s’expliquer.
Des députés du même parti ont maugréé : « Aygün raconte son enlèvement comme s’il était allé prendre le thé avec le PKK. En plus, il ose dire que le PKK apprécie la politique menée par le CHP. Quelle honte ! Qu’est devenu le parti de Mustafa Kemal Atatürk ? ».

A L’AKP ET AU MHP

Nombreux étaient ceux qui reprenaient les propos de leur collègue député Şamil Tayyar (AKP, parti au pouvoir du Premier ministre Erdoğan) et dénonçaient une « connivence » entre Hüseyin Aygün et l’organisation terroriste PKK.
Şamil Tayyar a enfoncé le clou lors de son interview à la chaîne CNN TÜRK : « Les déclarations de Hüseyin Aygün montrent à quel point j’avais raison. Il est le représentant et le porte-parole du PKK au sein du CHP, Aygün a un lien sentimental avec cette organisation, il apparait clairement qu’ils ont vécu une histoire d’amour dans les montagnes ».

Le vice-président du groupe MHP (Parti nationaliste d’opposition), Oktay Vural a, quant à lui, accusé Hüseyin Aygün de faire « la propagande du PKK » et de lui donner « un visage sympathique ».

LE SCANDALE DE L’AFP

L’Agence France-Presse (AFP) a récemment créé un gros tollé en modifiant son discours à l’égard du PKK en écrivant dans ses dépêches : « A l’origine le PKK avait pour ambition la création d’un Kurdistan dans le sud-est du pays, mais il a évolué vers la défense des droits culturels et démocratiques pour une minorité estimée à 20% des 75 millions d’habitants que compte la Turquie. »

Même si l’AFP précise toujours que « Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par nombre de pays et d’organisations », l’agence tente de donner une légitimité inacceptable à une organisation criminelle en l’élevant carrément au rang de « défenseur des droits culturels et démocratiques des Kurdes ». Rien que ça.

A-t-elle si vite oublié ses précédentes dépêches sur le PKK qui rendait compte de la violence extrême et des crimes de cette organisation ?
A-t-elle si vite oublié que les activistes du PKK avaient mis à feu et à sang les rues d’Arnouville, en juin 2011, après avoir brûlé du mobilier urbain et caillassé la police française qui ne faisait que son travail. L’intervention des forces de l’ordre françaises s’était déroulée dans le cadre « d’une enquête diligentée depuis plusieurs mois par la sous-direction anti-terroriste (SDAT) sur instruction du parquet anti-terroriste de Paris », et à l’origine de la procédure figuraient « des plaintes pour extorsion de fonds devant servir au financement d’activité terroristes menées par le PKK » et notamment la plainte déposée par une famille kurde de France qui se faisait racketter par le PKK.

L’AFP a aussi oublié sa dépêche rapportant la signature d’un accord entre la France et la Turquie sur un vaste accord sécuritaire qui prévoient notamment que les deux pays s’engagent dans une « coopération opérationnelle de lutte contre le terrorisme » du PKK.

Il convient aussi de rappeler à la mémoire défaillante de l’AFP les sources de financement du PKK : trafic de drogue, trafic d’êtres humains, racket et proxénétisme dont elle s’était fait pourtant l’écho dans le passé.

Les chercheurs de la CANAFE – Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada – estiment que les revenus du PKK proviennent principalement du trafic de stupéfiants vers l’Europe (estimé entre 50 à 100 millions de dollars par an), du trafic d’êtres humains (12) (estimé à 250 millions de dollars par an) et de l’extorsion de fonds, appelé « impôt révolutionnaire », en Turquie et en Europe (dont les revenus sont estimés à plusieurs dizaines de millions de dollars par an).

Lire aussi :
 Légitimation du terrorisme du PKK : l’AFP dérape
 Les groupes armés révolutionnaires
 Terrorisme : chronologie des dernières semaines de la lutte contre le PKK (Turquie - Etats-Unis - Irak)


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