Turquie/Arménie : Bientôt une commission d’enquête sur 1915

Un mois après la future ouverture des frontières entre la Turquie et l’Arménie, pour la première fois, une commission d’enquête historique sur les évènements de 1915 devrait voir le jour.
Alors que le protocole historique signé entre la Turquie et l’Arménie fait largement parler de lui dans la presse internationale, qui en commente les conséquences, le prof Dr. Kemal Çiçek attire l’attention sur celle dont on parle le moins : la constitution de la Commission historique commune (Ortak Tarih Komisyonu) destinée à étudier les évènements de 1915.
Kemal Çiçek est le président de l’Institut turc d’histoire (Türk Tarih Kurumu).
Kemal Çiçek, qui prétend que les Arméniens seraient surpris des découvertes qui seraient faites après l’ouverture des archives, a déclaré à l’AA que le protocole rendait la commission juridiquement obligatoire, et que cette dernière devrait être constituée pas plus tard qu’un mois après l’ouverture des frontières.
Selon Kemal Çiçek, la Turquie n’a aucune réticence quant à la formation d’une telle commission, qui susciterait l’opposition des Arméniens, « moins à propos de la formation même d’une commission qu’au niveau des suets qui devront alors être traités ».
Toutefois, le prof. Çiçek se dit prêt à écouter les Arméniens défendre toutes leurs revendications, en ajoutant qu’ils sont mêmes prêts à débattre des « biens arméniens laissés à l’abandon après leur départ ».
Selon le texte du protocole, signé à Zurich le 10 octobre dernier, la commission historique commune ne sera pas uniquement constituée d’historiens turcs et arméniens et comptera également des chercheurs étrangers, notamment suisses.
Toutefois, Çiçek ne cache pas sa préférence pour une commission exclusivement turco-arménienne : « parce que c’est là une histoire vécue conjointement entre les Turcs et les Arméniens et c’est à ces deux peuples de débattre de cette histoire. »
Çiçek reproche notamment à des Etats européens de vouloir s’immiscer dans « la douleur commune » entre Turcs et Arméniens en faisant abstraction de leurs problèmes avec leurs minorités.
Les résultats de la commission d’enquête n’auront aucune valeur juridique mais auront un rôle consultatif. Pour le président de l’Institut turc d’histoire, la commission ne pourra donner une qualification juridique aux évènements de 1915. Elle ne pourra que rassembler des faits pouvant intéresser la Convention sur les génocides de 1948. « Seul un tribunal qui jugera ces faits pourra décider s’il y a eu génocide ou pas » a ajouté Çiçek.
Il rappelle que l’un des principaux arguments de la Turquie est que les Arméniens ont opté pour la notion de « génocide » avant une quelconque décision juridique.
« Autrement, comme Recep Tayyip Erdogan l’avait indiqué dans une lettre adressée à Robert Kotcharian (ancien président arménien, ndlr) en 2005, si toutes les données obtenues à l’issue de l’enquête de la commission historique soutiennent les thèses arméniennes et si un quelconque tribunal international prend une décision en ce sens, la Turquie n’opposera aucune contestation », a-t-il conclu.
Source : "Zaman" du 23 Octobre 2009