ATATÜRK par Ayten AKGÜRBÜZ

Dans le cadre d’une hostilité vis-à-vis du monde turc, tous les 24 avril, sur le dos de la tragédie vécue par les Arméniens sous l’Empire ottoman il y a plus d’un siècle, les Français accusent, attaquent et menacent les Turcs, leur font des leçons de moral et affirment qu’ils considéreront les Turcs comme des assassins éternels. Discours bellicistes s’il en est.


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Turcophobie française et occidentale sous couvert de mémoire et d’histoire

Publié le | par Engin, Ilker TEKIN | Nombre de visite 385
Turcophobie française et occidentale sous couvert de mémoire et d'histoire

En 2024, le discours d’accusation et de stigmatisation a été prononcé par le Premier ministre français Gabriel Attal.

Bien entendu, hormis les souffrances arméniennes, les souffrances des peuples asiatiques loin d’être commémorées, ne sont pas même mentionnées car n’entrant pas dans le récit historique, et encore moins dans les consciences, et les sentiments de l’État français.

Ainsi, les Français, qui ont des jugements péremptoires et partisans, c’est-à-dire d’esprit colonialiste, concernant l’Histoire, imposent-ils ces jugements comme objectifs, vrais et éternels.

Le discours de 2024 d’Attal, est construit suivant la structure suivante :

  • Pathétisme pour éveiller des sentiments de haine vis-à-vis des Turcs,
  • Alliance, fraternité, convergences sentimentales franco-arméniennes,
  • Appel à la vengeance,
  • Géopolitique pro-Arménie.

Par suite, l’allocution d’Attal est-elle une suite d’agressivités, mensonges, injonctions, condamnations et menaces.

Le Premier ministre français parle de paix juste, ce qui est un pléonasme, or, aucune place n’est accordée aux Turcs, qui ne sont même pas nommés, hormis celle de barbares, assoiffés de sang, violeurs, voleurs, tous les poncifs turcophobes faisant leur défilé.

Logiquement, dans un discours qui appelle à la paix, les deux parties en conflit doivent-ils exister positivement et les souffrances qui les séparent ne pas constituer un obstacle à la construction d’un avenir commun.

Or, rien de tel dans les discours français dans lesquels les Turcs n’existent pas, ou comme des monstres éternels, des vautours, injonctions déshumanisantes qu’ils sont sommés d’accepter.

Ainsi, les adverbes temporels impérieux jamais et toujours sont-ils utilisés 20 fois dans le discours :

  • C’était il y a 109 ans, mais nos larmes ne sont pas encore sèches. Elles ne sècheront jamais,
  • Cette reconnaissance nous ne cesserons jamais de la souligner. Nous ne cesserons jamais de la célébrer.
  • Pour que cette tragédie ne se résume jamais à quelques lignes dans un livre d’histoire. Qu’elles ne soient jamais, pour nos compatriotes, un lointain souvenir d’écolier.
  • Je ne l’accepterai jamais. Avec vous, je ne l’accepterai jamais.
  • Nous nous souvenons pour que jamais l’Histoire ne se répète.
  • Qu’elle n’oubliera jamais le passé.
  • Pour se souvenir à jamais de quoi sont capables les hommes.
  • L’espoir de la paix et de la concorde, car nous y œuvrons sans compter, sans jamais renoncer.
  • Mais l’Arménie n’a jamais baissé la tête. Elle n’a jamais renoncé. Elle ne s’est jamais reniée. Elle n’a jamais accepté d’abdiquer ses valeurs.
  • Face aux drames, depuis la France, ont toujours retenti, dans une union sacrée, les voix de la Justice, les voix de l’amitié, les voix de l’Arménie.
  • Que le peuple français se tenait toujours du côté de la Justice, du côté de la Liberté, du côté des opprimés.
  • Et toujours le peuple arménien s’est relevé.
  • J’avais eu l’honneur de prendre part à ce déplacement, qui a marqué solennellement, les liens immortels qui unissent et continueront toujours à unir nos deux pays.
  • Elle se relève, toujours. Et elle tient son destin entre ses mains.

Au contraire de ce qui est hypocritement exprimé, les discours de l’État français ne sont donc pas des discours de paix mais bellicistes et qui nourrissent les haines.

Les verbes mémoriels sont eux utilisés 19 fois : nous n’oublierons pas, nous ne laisserons pas oublier, nous garderons le souvenir vivant dans la mémoire des écoliers français, ensemble nous nous souvenons, etc.

Cette prétention des Français aux jugements, injonctions et condamnations historiques accusateurs et moralistes auraient quelque sens si nous ne savions que l’État français a une riche tradition d’assassinats, de génocides d’autres peuples et d’oubli, de dissimulation, de mensonges concernant ces crimes :

  • Les massacres contre les Albigeois,
  • Les massacres contre les Huguenotes (Louis XIV affirmait que sur une population huguenote de 800 000 à 900 000 personnes, il n’en restait que 1 000 à 1 500 en France),
  • Les massacres contre les Vendéens,
  • Les massacres napoléoniens,
  • Les massacres coloniaux contre les peuples d’Afrique et d’Asie (massacres à Madagascar, massacres en Algérie, massacres au Vietnam, massacres de Côte d’Ivoire, l’armée française a massacré des millions d’hommes, de femmes et d’enfants),
  • L’historien français Ernest Renan, qui est d’esprit conservateur, a lui-même déclaré, dans son célèbre article Qu’est-ce qu’une nation, en 1882 : la réunion de la France du Nord et de la France du Midi a été le résultat d’une extermination et d’une terreur continuée pendant près d’un siècle.

Lors de la conquête de l’Algérie en 1830, les Français massacreront un tiers de la population civil (soit un million d’Algériens assassinés sur une population de trois millions), une commission affirmera que les Français ont tout dépassé en termes de barbarie.

Qu’en est-il alors en termes de mémoire ? Il est ceci que tous ces crimes français contre d’autres peuples ont été soigneusement effacés de la mémoire non seulement des écoliers, mais du peuple français dans son entier.

Voir à ce sujet, les nombreux articles dans les médias principalement étrangers :

  • Crimes oubliés de la France au Vietnam [1],
  • Enquête sur la fabrication de l’oubli des massacres coloniaux [2],
  • Au cœur des ténèbres oubliées de la conquête coloniale [3],
  • L’oubli des crimes coloniaux français en Afrique [4].

Ainsi, la mémoire historique des Français, qui veut nourrir et tenir vivants les ressentiments turcophobes dans l’esprit des écoliers français, est-elle très sélective :

Le colonialisme, qui est un des plus effroyables crimes de l’Histoire contre les peuples qui en ont été victimes (africains et asiatiques), a été qualifié de bienfaits par une loi votée en 2005 par l’Assemblée nationale française.

Des écoles en France, aujourd’hui, portent le nom de criminels, tels que le général Louis Juchault de Lamoricière, qui ont massacré des millions de civils, n’épargnant pas même les enfants.

Qui, en France, se souvient des crimes récents de l’État français à Sétif (mai-juin 1945), à Haiphong (1946), à Madagascar (1947), à Casablanca (1947), à la Côte d’Ivoire (1949-1950), et encore plus récemment en Libye (2011). Personne.

D’ailleurs, tout est fait pour étouffer ces crimes français, de la même manière qu’ont été étouffées les victimes de ceux-ci : lors du génocide contre les Algériens, les civils (hommes, femmes et enfants) fuyaient dans les cavernes auxquelles les Français mettaient le feu, ce qui décimait par asphyxie les civils qui s’y étaient réfugiés.

Dans son allocution, le Premier ministre français Attal utilise les signifiants positifs de justice, de liberté, affirmant : le peuple français se tenait toujours du côté de la Justice, du côté de la Liberté, du côté des opprimés.

Rappelons, puisqu’il est question de mémoire, ce que répondait par avance Georges Clemenceau en 1885 à ceux qui vantent aujourd’hui les politiques bellicistes sous couvert de justice, de civilisation : combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la justice et de la civilisation.

Affirmer comme le fait Attal, dans la section géopolitique de son discours : nous sommes aux côtés de l’Arménie dans son combat pour la paix, pour le respect de ses frontières, de son intégrité territoriale, c’est mentir sur les faits, car pas un centimètre du territoire de l’Arménie n’a été occupé ni par la Turquie, ni par l’Azerbaïdjan.

Au contraire, c’est l’Arménie qui ne reconnaît pas dans sa Constitution les frontières, définies par le droit international, de la Turquie et de l’Azerbaïdjan.

Par ailleurs, l’Arménie a, durant 30 ans (1990 - 2020), occupé 25% des territoires de l’Azerbaïdjan, en chassant près d’un million d’Azerbaïdjanais de leur terre, et en massacrant des milliers de civils azerbaïdjanais.

En France, ces massacres, ces épurations ethniques commis par l’Arménie contre les Azerbaïdjanais n’ont ni été médiatisés, ni condamnés. Aujourd’hui, l’Etat français attaque l’Azerbaïdjan pour avoir, en accord avec le droit international, recouvré ses territoires occupés par l’Arménie durant 30 ans.

En outre, déclarer être aux côtés de l’Arménie et, en même temps, affirmer soutenir toutes les initiatives transpartisanes, montre les duplicités politiques françaises. En effet, soutenir l’Arménie inconditionnellement [5], nier l’existence des Turcs et des Azerbaïdjanais et se poser en médiateur objectif et transpartisan démontre clairement cette duplicité (on ne peut être à la fois partie d’un conflit et se poser en juge objectif de celui-ci).

Aujourd’hui, après avoir chassé ses habitants d’origine azérie à la fin des années 1980 (plus de 300 000 azéris ont ainsi été chassés d’Arménie) l’Arménie est l’État le plus homogène ethniquement au monde (99% de la population est ethniquement arménien), cette homogénéité montre à quel point les Arméniens sont peu respectueux des différences et éloignés des valeurs illégitimement accaparées et hypocritement utilisées par l’Etat français.

Ainsi, les Français n’ont aucune leçon à donner ni en termes d’objectivité historique, ni en termes de mémoire.

D’ailleurs, la question n’est ni historique, ni de mémoire mais géopolitique et néo-colonialiste.

Il s’agit de créer une image du Turc substantiellement mauvais, criminel et ainsi de l’isoler moralement et pouvoir ensuite l’attaquer : diabolisation, isolement moral et agression sont les principales étapes de ce mécanisme.

Dans ce cadre néo-colonialiste occidental, la question arménienne est, en fait, un des fronts, la partie émergée de ce nouveau colonialisme.

Un autre front, la partie immergée de ce néo-colonialisme, est la croisade souterraine que mènent les Occidentaux (constitués des États en collaboration avec les populations civiles organisées) dans le monde turc.

Ces populations organisées sont une réinstituions des corps intermédiaires dissouts par la Révolution française (loi Le Chapelier, juin 1791), et représentent illégalement le réel des pouvoirs dans les États occidentaux.

Ainsi, dans le cadre du néo-colonialisme occidental, ce sont les peuples eux-mêmes qu’on organise.

J’ai été moi-même, dans un État européen soi-disant démocratique, témoin et cible de ce néo-colonialisme en raison de mes origines turques.

C’est ce qui risque malheureusement d’arriver à chaque personne d’origine turque, le Premier ministre français menaçant : nous continuerons à traquer tous ceux qui nient la réalité de l’Histoire, sous une forme ou sous une autre.

Nous avons vu, que les Français sont ceux qui nient, mentent et occultent le plus les réalités historiques, les mémoires meurtries des peuples.

Ainsi, l’histoire, la mémoire ne sont que des prétextes à cette traque dont l’État français menace les Turcs. Les prétextes ne manquent pas dans l’histoire de France afin de traquer les peuples : hérésie, barbarie, civilisation inférieure, race inférieure, etc.

Les colonialistes occidentaux savent flairer les peuples en état de faiblesse et les Turcs sont de nos jours ciblés, souhaitons qu’ils mesurent les dangers auxquels ils sont exposés.


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