Actuellement 4ème de la Sportoto Superlig, Istanbul Büyüksehir Belediyespor est en train de se positionner, sans faire de bruit, comme l’équipe surprise de la saison en Turquie. Précédant, malgré un budget et un prestige infiniment moindre, les traditionnels « grands » d’Istanbul au classement après 12 journées de championnat, l’équipe de la plus grande ville de Turquie impressionne tant par sa stabilité que ses résultats. Mais quels sont donc les secrets du club le moins populaire de Turquie ?
Alors que la majorité des clubs turcs croulent aujourd’hui sous les dettes, le cas Istanbul Büyüksehir Belediyespor intrigue les observateurs : Comment font-il pour être classés aujourd’hui, avec leur budget limité et leur assistance quasi nulle à chaque match, devant Fenerbahçe, Besiktas ou Galatasaray ? Certes la ville leur vient en aide financièrement, ce qui n’est pas négligeable, mais le premier argument de la réussite du club d’IBB semble être sa gestion, financière et sportive, irréprochable.
Abdullah Avci, le « Alex Ferguson » turc
Connaissez-vous beaucoup d’entraineurs qui, en Turquie, tiennent cinq saisons dans le même club ? Ne cherchez pas, cela n’existe pas. Vous pouvez vous appeler Rijkaard, Del Bosque, Aragones, Toshack, Zico, Fatih Terim, Daum ou Tigana, il n’y a aucune chance pour que vous puissez rester cinq ans à votre poste, et cela que vous dirigiez Fenerbahçe ou Kasimpasa…
Dès que les résultats seront décevants, il est fort probable que la direction, souvent sous la pression des supporters (IBB a cette fois l’avantage de ne pas en avoir), vous renvoient à vos chères études très rapidement.
Ancien entraineur et joueur d’Istanbulspor, Abdullah Avci est une exception en Turquie. Au club depuis 2006, il a d’abord permis à IBB de remporter la ligue Bank Asya, puis a assuré la stabilité du club quatre saisons de suite en Superlig jusqu’à être aux pieds du podium aujourd’hui.
Et pourtant tout n’a pas toujours été facile pour Avci : lors de la première saison du club en Superlig, IBB débute très mal avec 6 défaites et 3 nuls lors des 9 premiers matchs de championnat. Alors que sa tête aurait certainement sauté dans n’importe quel club, Abdullah Avci fut conforté dans sa position par le club. Après neuf rencontres sans victoire, le Président Göksel descendit dans les vestiaires et transmit un message très clair à l’équipe : « Même si on redescend en D2, l’entraineur n’ira nulle part. Vous partirez mais l’entraineur restera. Moi je suis partant pour une saison en D2 avec Avci comme entraineur, mettez-vous bien ça dans la tête ». Après cela l’équipe se reprit en parvint à se sauver in extremis avec une avance d’un point sur le premier reléguable.
Quel entraineur en Turquie peut se vanter aujourd’hui d’avoir un tel soutien de sa direction ?
Des transferts presque gratuits
Pour la rencontre amicale face aux Pays-Bas, Guus Hiddink a retenu deux joueurs d’Istanbul Büyüksehir Belediyespor, une première ! Il s’agit d’Ibrahim Akin, ancien grand espoir de Besiktas qui n’a pas jamais confirmé à Inönü, et de Gökhan Süzen (finalement retiré de l’équipe nationale pour blessure). Gökhan Süzen vient de Galatasaray, IBB l’a recruté pour… 5000 TL (environ 3000€ !) du centre de formation de Galatasaray en 2006. Aujourd’hui ce même Gökhan Süzen, qui coûtait trois fois moins qu’une Opel Corsa il y a quatre ans, vient de passer de peu à côté de sa première sélection en équipe nationale. Une gestion à rendre jaloux les plus grands noms de la finance.
Et le budget du club justement quel est-il ? Officiellement, la section football du club (qui est un omnisport à l’instar des autres clubs d’Istanbul) dispose d’environ 10 millions par saison. Un budget restreint qui oblige le club a la plus grande austérité, notamment en matière de transferts. Cette saison, le club n’a dépensé que 650.000€ en transfert. A titre de comparaison, Fenerbahçe a investi près de 30 millions € cet été en recrutant des grands noms. IBB a payé 650.000€ pour le Suédois Samuel Holmen tandis que Cihan et Tevfik Köse sont venus gratuitement. Trois transferts en tout et pour tout, dont deux gratuits !
Le club a mis à la disposition d’Abdullah Avci un staff composé de cinq personnes et chargé de faire le tour du monde à la recherche de joueurs talentueux et bon marché. Le club s’intéresse en particulier aux joueurs du nord de l’Europe, à l’exemple d’Holmen, pour leur discipline et leur prix abordable.
Pour les locaux, IBB n’a désormais plus rien à envier aux autres clubs de Superlig avec deux internationaux (Ibrahim, Gökhan), trois internationaux espoirs (Tevfik, Mahmut, Zeki) et plusieurs jeunes régulièrement convoqués en équipes nationales U19 et U17.
Le plus grand stade de Turquie… vide
Encore une particularité à IBB ; le club évolue une semaine sur deux dans le plus grand stade de Turquie (le stade Olympique construit en 2002, 80.000 places) devant une assistance de quelques centaines de spectateurs à peine. Au mieux ce sont les supporters visiteurs qui remplissent les tribunes du stade Atatürk et mettent de l’ambiance les soirs de grand match.
Mais là encore le Président Göksel voit le positif de la siuation : « Nous sommes le club en Turquie qui compte le moins de supporters et donc le moins de… pression. Sans spectateurs dans les tribunes, il n’y a pas d’insultes, d’incidents et de stress inutile pour nos joueurs. Dans les autres clubs, les joueurs ont souvent peurs de leurs propres supporters tant la pression est énorme, surtout dans les grands clubs ». Une vision des choses qui ne plaira sans doute pas au supporter turc traditionnel qui va au stade chaque semaine se vider les tripes, tenant à cœur son rôle de « douzième homme ».
Istanbul Büyüksehir Belediyespor est donc le véritable OVNI de la Sportoto Superlig. Fondé en 1990, le club fait aujourd’hui partie intégrante du paysage du football turc. Cité chaque année candidat à la descente et vu comme un club sans âme par le grand public, l’équipe d’Abdullah Avci peut aujourd’hui savourer son succès du haut de sa quatrième place au classement.