Tout d’abord les 15 premières minutes étaient dédié au témoignage de Monsieur Mehmet DESDE se disant un prisonnier d’opinion turc. Ce dernier a récité dans un discours qui semblait être rodé et préparé pour la circonstance son arrestation en Turquie. Pour situer le contexte il précise qu’il a été "Arrêté à un barrage routier près d’Izmir le 9 juillet 2002 alors que j’étais rentré en Turquie pour assister aux obsèques de mon père". Mehmet Desde, de nationalité allemande, apprendra par la suite qu’il a été fiché comme membre d’un parti kurde bolchevique, jugé terroriste. Toujours dans sa présentation, il raconte qu’il a été coupé du monde et qu’il n’a pu contacter ses proches. Suite à des procès il a été condamné à 2.5 ans de prison. Il a été libéré le 6 octobre 2008 et est rentré en Allemagne, où il n’a pas retrouvé son travail et où sa fille avait été expulsée de leur appartement. Aujourd’hui, il vit à Berlin où il est soigné pour les séquelles physiques et psychologiques de son incarcération. Il dit que "j’œuvre de toute mon énergie contre la torture en témoignant lors de conférences partout en Europe et je continuerai à faire face à un Etat Turc non démocratique". Il termine en remerciant les membres d’Amnesty et les organisateurs de la soirée sans oublier une institutrice turque à la retraite, prénommée Emine BARLAS. Cette traductrice assermentée devenue française a apporté son soutien dans la traduction de plusieurs lettres.

Après cette intervention, nous sommes entrée dans le vif du sujet. Nous avons eu droit à une intervention de Monsieur Claude EDELMAN, d’Amnesty International. Ce dernier précise que "Mehmet concrétise tout ce contre quoi Amnesty International lutte dans le monde entier". Il avoue cependant que la Turquie fait des efforts et qu’"il ne faut pas diaboliser ce pays". Il constate que le gouvernement en place fait de grandes avancées mais critique "les kémalistes qui font de la résistance". Il reproche que certains mettent en avant la défense d’une identité turque face à une multitude de minorités qui compose la Turquie. "La constitution turque prévoit une unité et une indivisibilité sans respecter la diversité de culture. Mehmet a été coincé entre une identité turque face à une identité diverse". Pour lui : "il faut absolument faire bouger cette Turquie résolument moderne afin d’éviter les injustices".

Mais le protagoniste de la soirée qui a le plus éclairé le public sur la Turquie a été Monsieur BOURSIER Professeur d’Histoire et d’Economie, de l’Université Catholique de Lyon. Beaucoup ont pris connaissance de la réalité économique, géopolitique et européenne de la Turquie. Il a commencé par souligner son désarcord à EDELMAN sur le fait que ce n’est pas l’AKP qui a apporté en premier la modernité en Turquie. "Ce changement a pu être réalisé grâce à la dimension politique du Kémalisme, porteur de modernité". Il a donné à titre d’exemple le droit de vote accordé aux femmes turques bien avant leurs consoeurs françaises. Selon lui, la Turquie"nage en eau trouble pour l’instant, c’est ce pays qui a permis à des intellectuels de s’exprimer librement sur bien des sujets comme la question sur les arméniens, la position sur Chypre".
Ensuite, il a apporté beaucoup de précision sur l’économie turque qui a 14% de croissance."La Turquie du 21ème siècle est un pays émergent sur lequel il faudra compter de plus en plus, ce pays est sorti de crise avec succès. Ce n’est pas le cas en France. C’est un pays en bonne santé financière. Les investissements de l’étranger sont supérieurs par rapport à des pays comme le Brésil, la Chine et l’Inde". Il rajoute que :" 300 entreprises françaises y sont installés. Toutes les grosses compagnies ont une antenne en forte croissance dans ce pays dont on va avoir besoin". Il termine sa brillante présentation en citant une phrase de Napoléon pour comprendre la stratégie de la Turquie sur le plan politique : " Dis moi quelle est ta géopolitique et je te dirais qu’elle est ta politique". Toujours selon le Professeur BOURSIER :" La Turquie a un rôle de médiateur. Dans la relation entre l’Europe, l’Occident et l’Orient. La Turquie est un pays qui a la capacité d’être entendu et d’être apprécié". Il demande aux européens de faire attention de ne pas perdre la Turquie qui pourrait se retourner du côté de la Russie, du Caucase et de la Chine. Enfin il démontre au public que la Turquie appartient déjà à l’Europe et que :"C’est notre honneur de respecter ce qui a été signé avec la Turquie. Car cette dernière fait déjà partie de l’union". Pour lui, bien que l’opinion des européens aient changé sur la Turquie, il rappelle que les pays membres ont donné un "droit légitime et reconnu dans le processus d’adhésion". Il termine en disant qu’il faut un engagement honnête face à la Turquie.

Sophie C

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