Bülent Berkarda, Hélène Rouquette-Valeins

Ancien recteur et président de l’université d’Istanbul, le professeur Bülent Berkarda était hier à Bordeaux où il intervenait à l’Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts sur le thème de la Turquie et l’Europe.

- Vous n’êtes pas un chaud partisan du gouvernement turc actuel ?

Bülent Berkarda. J’ai pris ma retraite en 1999 et, depuis, je préside diverses associations, dont le Front des organisations civiles démocratiques qui regroupe quelque 300 organisations. Je suis un laïque et un démocrate. Mais je n’ai pas la même conception de la laïcité que les gouvernants actuels. Pour moi, la religion est une affaire entre l’homme et Dieu qui ne doit pas interférer avec les affaires de l’État. La religion reste à la maison. Eux pensent que la laïcité, c’est la liberté de la religion. Une conception française contre une conception anglo-saxonne.

- L’interdiction du voile à l’université vous paraît-elle définitivement confirmée ?

Bülent Berkarda. Le port du voile dans les écoles, les universités et dans les services publics est illégal et contraire à la Constitution. Mais ce n’est pas fini. Les religieux ont ouvert des écoles coraniques, créé des cours de Coran. Ils ne récoltent que 40 % des voix mais forment un bloc homogène. Ils vont tout faire pour faire entrer un maximum de jeunes filles à l’université en les achetant, en leur offrant des bourses d’études. Ils ne manquent pas d’argent qui vient des pays arabes et musulmans, car la Turquie est un mauvais exemple pour le milliard de musulmans qui vivent dans des pays non démocratiques.

- Est-ce que la population turque veut toujours intégrer l’Europe ?

Bülent Berkarda. À 60 %, elle est pour. Mais son désir s’amoindrit devant la mauvaise volonté des dirigeants européens. En particulier des présidents français et autrichien.

- Le conflit qui a repris entre le PKK et l’armée turque à la frontière irakienne est-il un retour en arrière ?

Bülent Berkarda. Je ne suis pas paranoïaque mais je suis persuadé que l’Occident veut de nouveau diviser la Turquie. Et, pour cela, certains pays entretiennent sur notre sol des oppositions ethniques. Je ne suis pas d’accord avec la théorie sur le "génocide arménien". C’était une guerre. Les Arméniens étaient du côté des Russes et ils ont perdu la guerre. Les Arméniens qui vivent en Turquie ont les mêmes droits, mais la diaspora arménienne en Californie et à Marseille [Nota TURQUIE NEWS : également à Paris] continue de gratter les blessures. Quant aux Kurdes, ils sont 12 millions de citoyens turcs qui vivent en paix avec nous. Mais une centaine de milliers de militants payés avec l’argent du PKK veulent créer un État kurde. Ils mènent la guérilla depuis l’Irak, et les États-Unis ferment les yeux. Le gouvernement va créer une zone tampon de 15 kilomètres le long de la frontière pour les isoler. Je suis d’accord avec cette décision.

Auteur : Recueilli par Hélène Rouquette-Valeins
Source : sudouest.com