HISTORIQUE DU 23 AVRIL : LA FÊTE DE L’ENFANT
par l’historien Sinan Meydan
« La paternité de la fête de l’Enfant du 23 Avril appartient à Mustafa Kemal Atatürk.
A partir du 23 avril 1921, le 23 Avril devient officiellement « Fête nationale », en 1925, « Le jour de l’Enfant » ; en 1929, « La semaine de l’Enfant » et à partir de 1935, le 23 Avril est nommé : « Fête de l’Enfant et de la souveraineté nationale ».
Le soir de l’ouverture de la Grande Assemblée Nationale de Turquie (TBMM) le 23 Avril 1920, certains députés turcs interrogent :
« Mon Général, c’est avec un bonheur ineffable que nous avons vécu la cérémonie d’ouverture de notre Grande Assemblée Nationale turque. "Nous avons proclamé la souveraineté de notre peuple au monde entier. ". Mais, quel nom allons-nous donner à ce jour si important ? ».
Le Pasha, comme s’il avait prédit cette question, répond aussitôt :
« Messieurs, l’Empire ottoman a décidé du sort du peuple turc durant 600 ans. Aujourd’hui, bien que l’Empire soit quasiment effondré, un gouvernement demeure à Istanbul. Comparé à l’Empire ottoman, l’Assemblée nationale que nous venons d’inaugurer n’est qu’un enfant. C’est pourquoi, je propose que ce jour soit nommé la fête de l’enfant. Que cet enfant grandisse et qu’il proclame lui-même sa propre victoire. »
Le quotidien Milliyet, dans son édition du 23 avril 1926, publie cette déclaration du président de l’organisme de protection des enfants, le Himaye-i Etfal Cemiyeti : « Aujourd’hui, c’est le jour des enfants, c’est-à-dire le jour de notre avenir et de notre indépendance ! Notre République a dédié cette journée aux enfants. ».
En fait, Atatürk n’avait pas oublié les scènes de guerre terribles qui avaient meurtries les enfants.
En pleine guerre face aux Russes, à Muş et Bitlis, le 9 novembre 1916, Atatürk note dans son carnet ces lignes : « J’ai aperçu de nombreux réfugiés sur les routes. Ils tentaient de rejoindre Bitlis. Une famille affamée, miséreuse et condamnée à la mort avait abandonné sur les routes un enfant d’environ 4 ou 5 ans. Celui-ci, perdu et en pleurs, suivait de loin un couple. Je leur ai demandé pourquoi ils ne prenaient pas cet enfant avec eux. Ils m’ont répondu : « Ce n’est pas notre enfant. ».
La Première Guerre mondiale n’a pas seulement décimé les hommes au front, elle a aussi ravagé les femmes et les enfants bien loin du front. Durant la guerre, les familles ont éclaté. Les enfants sont devenus orphelins. Les rues regorgeaient d’enfants abandonnés à la mort pour cause de maladie, famine ou misère. A la fin de la guerre, dans l’Empire ottoman, uniquement dans l’Est anatolien, on a dénombré plus de 16 mille enfants délaissés. La souffrance des enfants a aussi perduré durant la lutte face à l’occupant. A l’issue de la Guerre de libération, plus de 14 mille enfants étaient orphelins en Turquie.
L’historien français Jacques Benoist-Méchin, dans « Le Loup et le léopard » rapporte cet éclairage de Mustafa Kemal sur la fête de l’Enfant :
« J’ai instauré la fête de l’Enfant pour que l’on garantisse le respect et la protection aux enfants. Il faut, coûte que coûte, empêcher de nuire aux enfants en profitant de leur vulnérabilité comme cela a été trop longtemps le cas. Les enfants ne doivent plus souffrir, être persécutés, ni subir des traitements inhumains ! Cette mesure que je prends doit être perçue comme un respect, une assurance pour le devenir du peuple turc. »
Toutefois, force est constater un triste recul dans la protection de l’enfance avec des menaces terribles qui pèsent sur nos enfants : maltraitances, mariages, éducation archaïque,…
Sinan MEYDAN
23 avril 2018
©Traduit du turc par Özcan Türk
Source de l’article en turc : https://www.sozcu.com.tr/2018/yazarlar/sinan-meydan/cocuk-cumhuriyeti-2365468/