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Guerre contre le terrorisme ?

Publié le | par Ilker TEKIN | Nombre de visite 738
Guerre contre le terrorisme ?
À la suite des attentats islamistes de septembre 2001 aux Etats-Unis, le monde occidental, Etats-Unis en tête, s’est lancé dans une répression violente et englobante du terrorisme islamiste, une guerre, appelée « guerre contre le terrorisme ». En effet, la réponse des Etats-Unis aux attentats de 2001 n’a pas manqué d’être violente. Cette violence a d’ailleurs été voulue et préparée par le gouvernement américain, comme réponse à la violence dont les Etats-Unis ont été eux-mêmes victimes. Citons parmi de nombreux exemples  :

. Novembre 2001 : des milliers prisonniers Talibans sont tués en Afghanistan. Entassés durant 4 jours dans des conteneurs, plus de 3 000 Talibans mourront d’asphyxie ou exécutés. Un documentaire « Afghan Massacre : The Convoy of Death » du producteur de la BBC Jamie Doran, ainsi que le journal américain Newsweek, médiatiseront l’affaire et expliqueront comment les forces spéciales américaines ont participé et chapeauté cette opération.

. 2001 à 2008 : près d’un millier de suspects seront incarcérés dans la prison américaine de Guantanamo sur l’île de Cuba. Une organisation des droits de l'homme basé à Londres estime qu'il existe à ce jour 60 détenus mineurs dans cette prison, qui est une zone de non droit. 

. Depuis 2001 : des centaines de personnes ont été enlevées par la CIA en Europe, transférées dans des pays tiers et torturées. Ainsi récemment les autorités américaines ont admis avoir utilisé la technique du « waterboarding » (simulation de la noyade) dans la lutte contre le terrorisme. Le 13 février dernier le Sénat américain a voté une loi interdisant désormais cette forme de torture, néanmoins le président George Bush a déclaré qu’il pourrait utiliser son droit de veto contre cette loi.

. Janvier 2008 : cinq anciens chefs d'état-major [1] de pays de l'Alliance atlantique préconisent, dans un rapport de 150 pages intitulé « Vers une grande stratégie pour un monde incertain », une alliance occidentale et l’utilisation préventive de l’arme nucléaire contre les menaces terroristes. Le rapport à ceci d’intéressant qu’il place ce recours à l’arme nucléaire dans le cadre de la défense des intérêts occidentaux face à un monde qui se complexifie : « changements démographiques et climatiques, perte du "rationnel" dans les sociétés occidentales (le sens de l'identité nationale), complexité des menaces, prolifération des armes de destruction massive, raréfaction des ressources, montée des puissances régionales (Chine, Inde), etc ».

Néanmoins dans le cadre de cette « guerre contre le terrorisme », outre la violence contre les cibles terroristes, le cercle de la répression s’est de plus en plus élargi, touchant des ensembles de plus en plus importants. Ainsi le président américain, George Bush, parlant d’une guerre de « l’axe du Bien » contre celui du « Mal », ou encore de « totalitarisme islamique » ouvrira la voix à une véritable généralisation d’un conflit qui au départ était ou semblait être destiné à combattre le terrorisme. Calculée ou pas, cette généralisation a eu une première conséquence et non des moindres, qui est l’invasion et l’occupation de l’Irak, en mars 2003, par une coalition de pays occidentaux menée par les Etats-Unis.

Nous savons aujourd’hui que les raisons avancées (présence d’armes de destruction massive) pour justifier l’intervention militaire en Irak étaient mensongères [2]. Alan Greenspan, l’ancien président de la banque centrale américaine, a écrit dans sa volumineuse biographie, « le Temps des Turbulences », qu’il regrettait qu’il soit gênant politiquement de reconnaître ce que chacun savait, en l’occurrence que l’invasion de l’Irak était largement une question de pétrole [3]. D’autres explications peuvent également être avancées à cette invasion, comme le projet américain, ou plus précisément néo-conservateur, de « démocratisation » du « Grand Moyen-Orient » (Great Middle East Project).

Le terme de « Grand Moyen-Orient » a été créé par l’administration Bush pour qualifier une large zone géographique qui s’étend du Maghreb jusqu’en Asie centrale. L’invasion de l’Irak devait, d’après les plans néo-conservateurs, d’une part « démocratiser » ce pays et d’autre part constituer un exemple qui, par effet domino, aurait démocratisé ce fameux « Grand Moyen-Orient », en instaurant, au passage, des régimes proaméricains, facilitant ainsi le contrôle du pétrole. « Projet de Grand Moyen-Orient » et contrôle du pétrole étaient donc loin d’être incompatibles. On connaît la suite : guerres ethniques provoquées et entretenues, massacres de civiles, 1 million de morts, 4 millions de déplacés (internes et externes) et près de 2 000 milliards de dollars gaspillés – ce qui représente le PIB d’un pays comme la France. Ce désastre humanitaire n'émeut pourtant personne, pas même les Etats-Unis en grande partie responsable du chaos irakien [4].
 
L’échec de la politique américaine au Moyen-Orient a soulevé, aux Etats-Unis et en Europe, des critiques souvent de surface ou plus rarement fondamentales sur la légitimité d'une telle politique. Critiques somme toute assez timides eu égard à l’ampleur de la tragédie : l’Irak est un pays humainement et matériellement défait et ruiné, et plus fondamentalement dans un monde, celui occidental, qui légitime sa domination par sa supériorité morale, se réclamant d’un humanisme universel, comment admettre des politiques aussi destructrices, et qui, de plus, sont portées par de simples intérêts ? Mais nous savions que les principes universels pouvaient servir d’assise à des politiques dominatrices, déstructurantes et meurtrières comme l’a été le colonialisme européen. En France, le cas de Jules Ferry, père fondateur de la République et grand promoteur du colonialisme, est, à ce titre, exemplaire.

Ainsi, à travers les évènements post-11 septembre 2001, nous voyons que concernant sa sécurité et la poursuite de ses intérêts, l’Occident ne recule devant aucune politique et se donne tous les moyens de sa volonté. À côté de ces faits inquiétants, que, par exemple, la Turquie soit stigmatisée et qu’on lui prête, comme on l'a fait dans les médias occidentaux, des intentions impérialistes en raison de ses actions militaires ponctuelles et limitées en Irak, contre les activistes du PKK qui s’arment, s’entraînent et prennent la Turquie pour cible depuis le nord irakien, prête doucement à sourire.

[1Ces chefs d'etat major sont l'américain John Shalikashvili, ex-commandant en chef de l'OTAN en Europe, le maréchal britannique Lord Peter Inge, le général allemand Klaus Naumann, ancien président du comité militaire de l'OTAN, le général néerlandais Henk van den Breemen et l'amiral français Jacques Lanxade.

[2Une étude minutieuse menée par l'organisme Center for Public Integrity a répertorié les déclarations officielles mensongères de l'administration Bush durant les 2 années qui ont précédé l'invasion de l'Irak. En tout 935 affirmations mensongères seront répertoriées.

[3« I am saddened that it is politically inconvenient to acknowledge what everyone knows : The Iraq war is largely about oil ».

[4Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient d’Amnesty International, a ainsi déclaré : « La politique menée par les États-Unis et leur action militaire ont contribué à créer la situation chaotique qui règne aujourd’hui en Irak, pourtant à ce jour très peu d’Irakiens déplacés du fait de la guerre ont pu se réfugier aux États-Unis. Les autorités américaines doivent agir conformément à leurs obligations sur ce point et aider à trouver des solutions durables à long terme pour les réfugiés irakiens ».

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