Étouffer la voix qui dérange
L’émission Arrêt sur Images, de Daniel Schneidermann, est arrêtée sans explications. La France et ses quelques éléments qui se permettent de donner des leçons de liberté d’expression, mais qui d’un autre côté n’hésitent pas à voter des lois liberticides et communautaristes ou qui mettent fin à des émissions télé qui dérangent viennent à nouveau de signer attaque contre la liberté de la presse. Arrêt sur images est probablement la seule émission télé de service public critique des médias. Il est évident que le décryptage de l’actualité et la mise en évidence des cas de désinformation effectués par cette émission gênaient : De l’information à la propagande, il n’y a qu’un pas...
Fin d’"Arrêt sur image", qui avait rétabli des faits à propos de la Turquie en 2006
L’émission Arrêt sur Image est la seule émission du PAF (paysage audiovisuel français) à dénoncer les cas de désinformation peu évidents que l’on trouve quotidiennement dans la presse écrite et télévisuelle.
Arrêt sur Image s’était tout particulièrement illustré à propos de la Turquie en rétablissant des faits déformés dans la presse écrite et à la télévision en 2006.
En effet, on pouvait lire dans la presse française et au journal télévisé de TF1 et France Télévision (entre autres) que "les manifestations du 1ᵉʳ mai 2006 avaient été le théâtre d’affrontement entre la police et les manifestants.
Lu et/ou entendu dans les médias français :
La police a chargé les manifestants de la fête du travail et plus d’une centaine de personnes ont été arrêtées.
Laissant entendre que la police avait violemment réprimé des manifestations tout à fait normales...
Et la réalité des faits ?
Cette version biaisée des faits, incomplète et malhonnête, ne reflétait pas la réalité et la communauté turque de France avait exprimé son indignation, entre autres, sur les forums internets des sites franco-turcs. Des lettres de protestation ont été adressées aux chaines... et comme d’habitude, n’ayant pas un lobby dédié et industrialisé pour faire pression sur les médias, les appels à la raison et la colère des français d’origine turque et des Turcs de France est restée sans réponse.
Sans réponse sauf chez "Arrêt sur Image" ! Dans son édition du dimanche qui suivait les événements, l’émission "Arrêt sur Image" avait rétabli la réalité des faits en invitant la correspondante d’un grand quotidien français dont les dépêches n’avait pas été publié dans les journaux tels qu’elle les avait proposés.
Elle a affirmé, sans réserve, que les manifestations du 1ᵉʳ mai s’étaient toutes déroulées dans le calme mais qu’effectivement, en marge de ces manifestations, des partisans de groupes d’extrême gauche armés et du PKK avaient troublé l’ordre public en s’en prenant notamment aux forces de l’ordre. Pour étayer ses propos, elle a cité l’exemple des "casseurs" qui causent du tort aux organisateurs des manifestations en France, que la police charge et arrête, mais que la presse francophone n’aura jamais l’audace de présenter comme de simples manifestants, innocents et violentés par la police. Et pour cause, ce n’est pas ce qu’ils sont, et quitte à être honnête quand il s’agit de "Nous", il faut aussi être honnête quand il s’agit de l’"Autre". Appelons un « chat » un « chat », et en retour ayant le courage d’appeler un « kedi » [1] un « kedi ».
Cette correction était une véritable première en ce qui concerne la lutte contre la désinformation et la turcophobie. En effet, les informations erronées, voire déformées, colportées par les groupes anti-turcs sont régulièrement repris par des journalistes peu professionnels, bien plus soucieux de leur position que de la qualité de l’information.
En effet, quoi de plus facile que d’aller dans le sens des préjugés qui datent de plusieurs siècles et que de puissants groupes farouchement anti-turcs préservent dans des buts totalement inavouables et teintés de haine et de turcophobie.
Mais surtout, quoi de plus difficile que de défendre ses convictions et une approche honnête en ayant un esprit ouvert. Quoi de plus difficile que de combattre des préjugés qui ont des siècles d’avance sur vous !
Schneidermann a sans doute tourné sa dernière émission sans le savoir.
L’équipe a appris la nouvelle par voie de presse.
[1] "kedi" signifie "chat" en turc