Une des grandes différences dans la situation actuelle avec les séquences suivies par les immigrations précédentes est que les discriminations frappent autant sinon plus les descendants d’immigrés nés, scolarisés et socialisés en France et qu’elles concernent également les plus qualifiés en voie d’ascension sociale.
En effet, malgré les sorties prématurées du système scolaire, malgré les orientations au rabais, nombreux sont les descendants d’immigrés qui ont obtenu des diplômes qualifiants. Ils sont pourtant abonnés aux stages parkings, accumulent les petits boulots déclassants, envoient les CV sans suite, peinent à obtenir le premier empoi. En prétendant accéder aux métiers à qualification, voire aux responsabilités professionnelles, les descendants d’immigrés découvrent que les règles du jeu ne sont pas celles qu’on leur a enseignées.
Leur expérience montre que l’origine est un marquage qui fait partir avec un handicap, et que ce handicap se manifeste jusque dans les catégories supérieures, là ou la qualification et la richesse semblaient mettre à l’abri de la "tyrannie des petites différences" jusque dans la fonction publique, là ou l’impartialité semblait acquise.
En s’éloignant du racisme le plus virulent, les formes prises par les discriminations actuelles sont d’une certaine façon plus pernicieuse car elles s’inscrivent dans un processus complexes et peu visibles. L’application d’un préjugé négatif voilà, plus ou moins inconscient, se traduit par une diminution sensible des chances d’accès. Or ce coefficient négatif est suffisamment subtil pour n’est enregistrable que statistiquement, que ce soit par des mesures de testing ou par des calculs de "résidus discriminatoires".
Ces parois invisibles auxquelles se heurtent certains immigrés et descendants d’immigrés forment un système de discriminations qui génère en retour, chez elles et ceux qui sont ostracisés, le sentiment d’une citoyenneté de seconde classe et, à travers le partage de cette expérience, la formation d’une communauté de destin.
Patrick SIMON
INED