Le président turc Recep Tayyip Erdogan a entamé lundi un nouveau mandat de cinq ans avec des pouvoirs renforcés, et dévoilé un gouvernement resserré au sein duquel il a confié à son gendre le poste clé des Finances.
M. Erdogan, 64 ans, a prêté serment au Parlement, s’engageant notamment à préserver les principes de la Turquie laïque fondée par Mustafa Kemal Atatürk et à accomplir sa tâche d’une manière "impartiale".
Au pouvoir depuis 2003, d’abord comme Premier ministre puis président, M. Erdogan a été réélu le 24 juin, remportant l’élection présidentielle dès le premier tour avec 52,6 % des voix, loin devant ses concurrents.
Après la prestation de serment, M. Erdogan a déposé une gerbe au mausolée d’Atatürk avant de présider une cérémonie au palais présidentiel, inaugurant une nouvelle ère dans l’histoire moderne de la Turquie avec le passage au système présidentiel, aux termes d’une révision constitutionnelle adoptée par référendum avec une marge étroite en avril 2017.
Saluant "un nouveau début" pour la Turquie, il a promis, dans une apparente tentative d’apaiser une société extrêmement polarisée, de servir tous les Turcs.
"Je ne suis pas seulement le président de ceux qui ont voté pour moi, mais de l’ensemble des 81 millions" de Turcs, a-t-il déclaré.
Son gendre aux Finances
Dans la soirée, il a dévoilé un nouveau cabinet de seize ministres (contre 26 actuellement), dont le plus en vue est son gendre Berat Albayrak, qui s’est vu confier le portefeuille clé des Finances.
Le ministère de la Défense a été attribué au chef d’état-major Hulusi Akar. Le chef de la diplomatie sortant Mevlut Cavusoglu a été reconduit.
Marié à la fille aînée de M. Erdogan, Esra, M. Albayrak, 40 ans, qui occupait depuis 2015 le poste clé de ministre de l’Energie, a connu ces dernières années une irrésistible ascension.
Sa nomination aux Finances survient dans un contexte économique difficile avec une inflation élevée, une forte dévaluation de la monnaie et un important déficit des comptes courants, en dépit d’une croissance solide.
Les marchés, qui redoutent des pressions de M. Erdogan sur la Banque centrale, semblent avoir mal accueilli la nomination de M. Albayrak aux Finances, la livre turque chutant de plus de 2 % dans la soirée face au dollar. La devise turque perd plus de 3,5 % mardi en fin de matinée, alors que le président Erdogan renforce son contrôle sur l’économie. Les taux sont au plus haut historique.
Outre les ministres, M. Erdogan a nommé au poste de vice-président Fuat Oktay, un technocrate qui avait par le passé dirigé l’Agence turque de gestion des situations d’urgence (Afad).
"Autocratie institutionnalisée"
Dans le nouveau système, le poste de Premier ministre, occupé par Binali Yildirim, a été supprimé, et le chef de l’Etat détient désormais l’ensemble du pouvoir exécutif et pourra promulguer des décrets.
Il nommera également six des treize membres du Conseil des juges et procureurs (HSK), chargé de désigner et destituer le personnel du système judiciaire.
"L’essentiel des pouvoirs seront concentrés entre ses mains, il n’y aura plus de Premier ministre et presque aucune des procédures de contrôles et de contrepoids d’une démocratie libérale. En d’autres mots, la Turquie sera une autocratie institutionnalisée", estime Marc Pierini, chercheur à l’institut Carnegie Europe.
Lors des législatives qui se sont tenues en même temps que la présidentielle, le parti de M. Erdogan, l’AKP, a obtenu 295 sièges sur 600 et ne contrôle le Parlement que grâce à son alliance avec les ultranationalistes du MHP, qui comptent 49 élus.
Des dirigeants étrangers, comme le Vénézuélien Nicolas Maduro et le Soudanais Omar el-Béchir ou encore le Premier ministre russe Dmitri Medvedev, ont assisté à la cérémonie, ainsi que le président bulgare Roumen Radev et le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Voici la composition du gouvernement dévoilé lundi par le président turc Recep Tayyip Erdogan, après son investiture :
Vice président : Fuat Oktay
Ministre des Finances et des Finances : Berat Albayrak
Ministre du Commerce : Ruhsar Pekcan
Ministre de l’Industrie et de la Technologie : Mustafa Varank
Ministre de l’Energie et des Ressources naturelles : Fatih Donmez
Ministre des Transports et des Infrastructures : Cahit Turan
Ministre de la Justice : Abdulhamit Gul
Ministre des Affaires étrangères : Mevlut Cavusoglu
Ministre de l’Intérieur : Suleyman Soylu
Ministre de la Défense : Hulusi Akar
Ministre de l’Education : Ziya Selcuk
Ministre de l’Agriculture et des Forêts : Bekir Pakdemirli
Ministre de la Santé : Fahrettin Koca
Ministre de l’Environnement et de l’Urbanisme : Murat Kurum
Ministre de la Culture et du Tourisme : Mehmet Ersoy
Ministre de la Jeunesse et des Sports : Mehmet Kasapoglu
Ministre du Travail, des Services sociaux et de la Famille : Zehra Zumrut Selcuk
Source : avec LePoint