Début 2025, la Fédération internationale du döner (Udofed), basée à Istanbul en Turquie, déposait une demande qui a surpris tout le monde, surtout l’industrie du kebab. La Turquie avait proposé à l’Union européenne d’enregistrer le döner kebab, ce sandwich qui a conquis le monde, comme « Spécialité traditionnelle garantie », un label européen situé juste en dessous de l’Appellation d’origine protégée (AOP). Un tel statut demande le respect d’un processus de création pour en utiliser le nom, processus qui aurait pu alors devenir obligatoire dans toute l’Union européenne. Mais le 23 septembre, la Turquie a fait un pas en arrière et a annulé sa demande.
Diversification des techniques
Idéal lors d’une sortie entre amis, en rentrant de soirée ou en regardant la télé, le kebab est devenu un fast-food incontournable dans de nombreux pays européens. Notamment en Allemagne, pays qui se dispute la création de ce plat avec la Turquie. Lors de la demande d’Ankara auprès de l’UE, l’ancien ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture allemand, Cem Özdemir, n’a pas tardé à réagir en postant un message sur X sans équivoque : « Le döner appartient à l’Allemagne. » Comme le rappelle la BBC, l’Allemagne compte plus de 1,5 million de citoyens turcs et presque autant qui sont originaires de Turquie.
La Turquie voulait que la viande de kebab provienne d’une vache âgée de plus de 16 mois, d’un agneau âgé d’au moins six mois ou de cuisses et de poitrines de poulet. (Photo : Birol Dincer /Getty Images)
Une diaspora qui a élaboré de nouvelles recettes. En plusieurs décennies, le kebab a changé de visage outre-Rhin et les techniques se sont diversifiées, aboutissant à un plat différent de ce que les Turcs appellent « döner kebab ». En Allemagne, on utilise du veau que l’on met dans un pain plat avec des crudités, comme du chou rouge, des cornichons et des oignons rouges. Le tout garni de sauces.
Une recette traditionnelle
En France, c’est à peu près la même recette, sauf que les crudités diffèrent selon les établissements. La viande aussi. Alors, toutes ces versions « revisitées » ont poussé la Turquie, qui se considère comme la patrie à l’origine de ce plat, à labelliser « döner kebab ». Une façon de protéger ce savoir-faire, qui bénéficie déjà d’un label au sein même du pays depuis 2020.
En cas de validation de la demande par l’Union européenne, les institutions qui souhaitaient bénéficier de cette appellation « döner kebab » auraient dû suivre les directives suivantes, comme énoncées dans un communiqué publié par l’Udofed : « Le döner est composé de viande de bœuf, de mouton ou de poulet, coupée en fines tranches horizontales, fixées sur une broche, cuite au feu de bois par rotation verticale. Les tranches de viande sont assaisonnées d’un mélange de yaourt ou de lait, de poivre ou de purée de tomates, de sel et de diverses herbes et épices avant la cuisson. » En Turquie, le kebab n’est pas nécessairement servi dans du pain ou une galette, mais dans une assiette.
La guerre du kebab
L’Allemagne, qui possède plus de 60 000 travailleurs dans ce domaine, avait répondu vouloir au moins restreindre, voire interdire cette proposition. Une manière de créer un semblant de « guerre du kebab ». Pourtant, selon Huriye Özener, consultante de l’Udofed, l’objectif de la Turquie n’a jamais été de nuire aux marchés étrangers, mais de préserver la préparation traditionnelle et les racines culturelles du döner turc.
Depuis le 23 septembre, date à laquelle la Turquie a retiré sa candidature auprès de la Commission européenne, les commerces de kebabs des pays européens sont assurés de conserver leur façon de cuisiner ce sandwich. Selon le Hurriyet Daily News, aucune raison officielle n’a encore été donnée concernant ce retrait, même s’il s’agirait d’une manière d’éviter un rejet collectif total. Et même si la demande avait été acceptée, au final, on aurait simplement perdu le nom, mais pas le goût