Ce jour, 23 avril, les Turcs cĂ©lĂšbrent lâenfant. Ils sont lâunique peuple Ă avoir dĂ©diĂ© une journĂ©e Ă ces bouts de chou qui sont notre avenir.
Mustafa Kemal AtatĂŒrk qui a instituĂ© cette fĂȘte lâavait compris bien avant tout le monde, comme beaucoup de choses dâailleurs.
Indiscutablement, le pÚre fondateur de la République turque, grùce à sa vision avant-gardiste a fait faire là , un pas de plus à son pays, dans le progrÚs en matiÚre de droits, de reconnaissance et de protection des enfants.
Les enfants du monde entier sont invités chaque année à participer aux festivités organisées en Turquie.
Les associations turques de lâĂ©tranger cĂ©lĂšbrent joyeusement cette fĂȘte.
Câest aussi lâoccasion pour tous de se retrouver afin de partager un condensĂ© chaleureux de culture, de plaisir et de bonheur autour du thĂšme de nos chĂ©rubins.
Je vous propose ci-dessous la traduction d’un article de Sinan Meydan, historien spĂ©cialiste de la RĂ©publique turque, qui nous explique le contexte et les enjeux autour de cette date emblĂ©matique.
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En 1920, lâEmpire ottoman comptait environ 4 millions dâenfants dont une grande partie avait besoin de protection. Alors que le taux de mortalitĂ© infantile en Europe occidentale variait entre 10 et 25â°, dans lâEmpire ottoman, ce taux dĂ©passait tristement les 60%.
1/âȘïž LA PROTECTION ET LA SANTĂ INFANTILES
En 1920, le gouvernement dâAtatĂŒrk crĂ©e le MinistĂšre de la santĂ© et de lâaide sociale. Les orphelinats lui sont rattachĂ©s.
En 1921, AtatĂŒrk fonde la Direction gĂ©nĂ©rale des services Ă lâenfance, Ă Ankara, afin dâaccueillir et protĂ©ger les enfants abandonnĂ©s, sans-abris ou orphelins, et en particulier les pupilles de la Nation, orphelins victimes de la guerre.
La mĂȘme annĂ©e, la loi interdisant le travail des enfants dans les mines est promulguĂ©e.
En 1925, le MinistĂšre de la santĂ© dĂ©cide dâouvrir des dispensaires et des maisons de soin de la petite enfance. Jusquâen 1930, le gouvernement dâAtatĂŒrk inaugure de tels Ă©tablissements en faveur des enfants dans les provinces dâAnkara, Konya, Balıkesir, Adana, Ăorum, Malatya, Erzurum et Kars.
Durant 7 ans, ces maisons hébergent 7025 femmes et 1000 enfants ; et soignent 41483 femmes en ambulatoire. Elles prennent en charge le soin et la protection de 88200 enfants.
Toujours en 1925, le gouvernement inaugure, à Izmir, une école pour enfants handicapés disposant de 100 lits.
Un an plus tard, grĂące Ă lâadoption du Code civil, la protection des enfants est inscrite dans la loi comme une responsabilitĂ© des pouvoirs publics.
En 1929, lâInstitut mĂ©dical Refik Saydam regroupant des laboratoires de recherche et soin en chimie, bactĂ©riologie, immunobiologie et pharmacodynamie voit le jour. Lâinstitut commence Ă produire des vaccins. Non seulement, cette fabrication locale libĂšre, dĂšs 1932, le pays de lâimportation de vaccins et sĂ©rums de lâĂ©tranger mais elle permet Ă la Turquie de pourvoir aux besoins des pays voisins en vaccins et sĂ©rums ! DĂ©sormais, la Turquie exporte ses mĂ©dicaments et produits de santĂ©.
Avec la loi sur les municipalitĂ©s adoptĂ©e en 1930, les collectivitĂ©s locales endossent des responsabilitĂ©s sociales importantes comme accueillir, protĂ©ger et pouvoir aux soins mĂ©dicaux des enfants abandonnĂ©s, sans-abris ou issus de familles nĂ©cessiteuses. En outre, les autoritĂ©s locales se doivent, pour ces enfants et familles, de subvenir Ă leur besoins en Ă©ducation scolaire et sportive, mais aussi en logement, nourriture et vĂȘtements. Elles se doivent Ă©galement de construire et gĂ©rer des dispensaires, des orphelinats, des maternitĂ©s et des centres dâallaitement. La loi turque prĂ©voit que tous ces services en faveur des nĂ©cessiteux soient fournis gratuitement.
La loi de 1930 sur la SantĂ© universelle dispose avec dĂ©tails la construction et la gestion, au service de la population, de dispensaires, dâhotĂȘls-Dieu, dâhospices, de centres mĂ©dicaux et dâallaitement, de maternitĂ© et de maisons de protection mĂšres-enfants. Par exemple, les naissances doivent ĂȘtre rĂ©alisĂ©es, sans aucun frais, et les mamans doivent bĂ©nĂ©ficier de congĂ©s maternitĂ© 3 semaines avant et aprĂšs lâaccouchement. Les villes de plus de 20 mille habitants sâobligent, en outre, Ă ouvrir des Instituts mĂ©dicaux pour les soins et lâallaitement des enfants.
Sur le volet politique, le programme du parti CHP, de 1935, contient tout un paragraphe sur la protection de lâenfance. Par exemple, dans ses articles 56 et 57, il est prĂ©vu lâaugmentation des dispensaires, une aide financiĂšre Ă la naissance, lâĂ©ducation des mamans aprĂšs lâaccouchement, lâaugmentation des sages-femmes et pĂ©diatres, des centres de conseils et informations Ă propos de la conception, la grossesse, la maternitĂ©, le bĂ©bĂ©,⊠lâaugmentation du nombre de crĂšches et de puĂ©ricultrices, de centres dâaccueil et de protection des orphelins et enfants abandonnĂ©s.
Dans le cadre du projet « Enfant robuste » du CHP est fondĂ©e, dans plusieurs endroits, « lâUnion des mamans » qui se donne pour but de venir en aide et de pourvoir gratuitement Ă tous les besoins des jeunes mamans et des nourrissons.
En 1930, lâunitĂ© pour enfants de lâHĂŽpital ĆiĆli Etfal dâIstanbul est renforcĂ©e. Des services pour les nourrissons et enfants sont créés Ă lâHĂŽpital Numune dâAnkara et Ă lâHĂŽpital de la facultĂ© de mĂ©decine dâIstanbul.
La mĂȘme annĂ©e sont lancĂ©es de vastes campagnes dâinformation et de sensibilisation populaires Ă propos de la maternitĂ© et des soins aux enfants dans les Maisons du Peuple (Halkevi).
En 1937 et 1938 sont inaugurées des écoles de sages-femmes à Balıkesir et Konya.
En 1940, non seulement les Instituts de village dispensent gratuitement une Ă©ducation aux enfants des familles modestes mais en plus forment des fonctionnaires de santĂ© publique ainsi que des sages-femmes Ă destination des populations paysannes turques si mĂ©prisĂ©es durant certains siĂšcles dans lâEmpire ottoman. Ce personnel mĂ©dical joue un rĂŽle trĂšs important en faveur des mĂšres et enfants dans les campagnes anatoliennes qui nâavaient jusque-lĂ jamais vu de personnel soignant.
2/âȘïž UNE RĂVOLUTION DANS LâEDUCATION DES ENFANTS
Le plus gros problĂšme des enfants, outre la santĂ©, Ă©tait lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation. En 1920, Ă la fin de lâEmpire ottoman, le taux dâalphabĂ©tisation nâĂ©tait mĂȘme pas de 10%. En 1921, AtatĂŒrk convoque un CongrĂšs de lâEducation qui Ă©tablit les principes directeurs de lâEducation nationale.
LâannĂ©e 1924 signe le passage Ă une Ă©ducation moderne, laĂŻque et nationale. Lâarticle 87 de la constitution de 1924 rend obligatoire lâĂ©cole primaire publique et gratuite pour tous les enfants, garçons comme filles.
A la crĂ©ation de la RĂ©publique, en 1923, la Turquie ne possĂ©dait que 4894 Ă©coles primaires. Dans ces Ă©coles Ă©taient inscrits 341 941 enfants dont 273 107 garçons et 62 954 filles. 64% des enfants devant aller Ă lâĂ©cole ne pouvaient y aller.
En 1938, grĂące aux rĂ©formes dâAtatĂŒrk, le nombre dâĂ©coles primaires fait un bond de 217%. Entre 1923 et 1938, le nombre des Ă©lĂšves turcs du primaire passe de 341 mille Ă 950 mille, ceux du collĂšge de 5905 Ă 95 mille et ceux du lycĂ©e de 1241 Ă 25 mille ! Lâaugmentation spectaculaire des chiffres donne le tournis !
En 1926, le systÚme éducatif devient entiÚrement gratuit et un an plus tard, la mixité obligatoire.
Des écoles de village sont édifiées pour les enfants des milieux ruraux.
Afin de pourvoir Ă lâĂ©ducation des filles, en 1930 sont fondĂ©s des Instituts pour filles.
En 1940, année qui voit naßtre les fameux Instituts de village, fer de lance du systÚme éducatif de la jeune République turque, on passe à un enseignement totalement mixte.
Les Ă©lĂšves, les plus mĂ©ritants, sont envoyĂ©s Ă lâĂ©tranger dĂšs 1925 pour complĂ©ter ou parfaire leur formation.
Dans toutes ces Ă©coles, on accorde une place privilĂ©giĂ©e Ă lâart et Ă la culture.
En 1935, Muhsin ErtuÄrul fonde le premier théùtre pour enfants au sein du Théùtre dâIstanbul et lance une revue sur le théùtre Ă destination des plus petits.
En 1925, la premiĂšre bibliothĂšque pour enfants ouvre ses portes.
Comme lâĂ©ducation physique occupe une place centrale dans le systĂšme kĂ©maliste, AtatĂŒrk fonde, en 1930, lâInstitut Gazi de lâEducation Physique. Le sport est intĂ©grĂ© dans les programmes scolaires. Les autoritĂ©s locales, y compris les villages, reçoivent des instructions pour construire des centres de sport au profit de la population. Les premiers magazines de sport apparaissent dans les kiosques.
La mĂȘme annĂ©e, en 1930, les usines turques ouvrent des crĂšches et des jardins d’enfants avec des Ă©ducateurs au profit des enfants de leurs employĂ©s femmes.
En 20 ans, lâorganisme de Protection infantile a rĂ©alisĂ© un travail colossal. Il a sauvĂ© 3 4969 990 enfants, a nourri 2 334 168 nourrissons, a Ă©duquĂ©, vĂȘtu, soignĂ© et guĂ©ri 1 135 822 enfants selon les chiffres de son prĂ©sident Fuat Umay citĂ©s lors de sa confĂ©rence en 1941 !
Et câest le mĂȘme organe public, la Direction gĂ©nĂ©rale des services Ă lâenfance qui a cĂ©lĂ©brĂ© la premiĂšre fois, avec le soutien dâAtatĂŒrk, la fĂȘte de lâEnfant du 23 Avril et a permis sa gĂ©nĂ©ralisation Ă tout le pays.
AtatĂŒrk sâintĂ©ressait de prĂšs Ă la cĂ©lĂ©bration de lâenfant et sâĂ©vertuait Ă sa mise sur un piĂ©destal par lâEtat. Par exemple, lors des festivitĂ©s de 1927, il avait entiĂšrement consacrĂ© lâune des automobiles prĂ©sidentielles aux enfants, lâorchestre du palais prĂ©sidentiel avait Ă©tĂ© mis Ă disposition des enfants, et il avait participĂ© au bal des enfants puis les avait tous invitĂ©s Ă un grand banquet organisĂ© Ă la ferme forĂȘt « Orman ĂiftliÄi » Ă Ankara.
Jâessaie de dire, en fait, que ceux qui ont fondĂ© la RĂ©publique turque ne se sont pas contentĂ©s de sauver le pays de lâoccupation ennemie, ni de sauver notre population de lâillettrisme, non, ils ont fait plus encore, ils ont tout mis en Ćuvre pour sauver nos enfants, -tous les enfants turcs, y compris les exclus et les plus dĂ©munis- ils ont tout fait pour les sauver de la famine, de la misĂšre, de la maladie et de lâabsence dâĂ©ducation. Et pour couronner cette Ćuvre admirable, ils ont octroyĂ© une fĂȘte inĂ©dite Ă nos enfants ! GrĂące Ă AtatĂŒrk, les Turcs cĂ©lĂšbrent et rendent hommage aux enfants comme nulle part ailleurs.
𝑩𝒐𝒏𝒏𝒆 𝒇𝒆Ì𝒕𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒆𝒏𝒇𝒂𝒏𝒕𝒔 !
Sinan Meydan
𝐻𝑖𝑠𝑡𝑜𝑟𝑖𝑒𝑛
23 avril 2018
©𝑇𝑟𝑎𝑑𝑢𝑖𝑡 𝑑𝑢 𝑡𝑢𝑟𝑐 𝑝𝑎𝑟 Ăzcan TĂŒrk