La Cour constitutionnelle de Turquie se réunit jeudi en vue de trancher sur l’autorisation du port du voile à l’université et son verdict pourrait s’avérer crucial pour les islamo-conservateurs de l’AKP au pouvoir dans ce pays laïc.
Les onze juges doivent donner suite à une requête de l’opposition laïque demandant l’annulation d’une révision de la Constitution adoptée en février à l’Assemblée nationale et libéralisant le port du foulard islamique dans les établissement universitaires. Cette révision contestée constitue également l’un des arguments d’une autre action en justice demandant l’interdiction du parti de la justice et du développement (AKP) pour activités anti-laïques.
On ignore si une décision sera prise jeudi mais généralement le verdict est rendu peu de temps après les délibérations. Les magistrats peuvent décider de rejeter le recours de l’opposition estimant qu’elle ne constitue pas une entorse à la loi fondamentale ou juger éventuellement que la réforme en l’état ne suffit pas pour autoriser les étudiantes voilées à entrer sur le campus universitaire, selon les observateurs. "Même si la cour décide de ne pas annuler la révision, dans son argumentaire détaillé elle peut mettre l’accent sur la laïcité et juger que le foulard contrevient à ce principe", a commenté pour l’AFP Hikmet Sami Türk, professeur de droit.
"Cela voudra dire que le voile ne sera pas permis" à l’université, a souligné ce constitutionnaliste et ancien ministre de la Justice. Il a ajouté que la cour pouvait aussi juger que la révision porte atteinte aux dispositions non amendables de la loi fondamentale, en l’occurence la laïcité, et décider de l’annuler. Une telle décision serait un coup pour l’AKP, a estimé M. Türk. A l’origine de la réforme adoptée en février au parlement et qui a polarisé la société turque, se trouve l’AKP, une formation issue de la mouvance islamiste au pouvoir depuis 2002, qui a fait valoir que l’interdiction du voile "contrevient à la liberté de conscience et au droit à l’éducation".
La révision constitutionnelle découle du fait que l’interdiction en question a été constitutionnalisée par une décision en 1989 de la Cour constitutionnelle après l’apparition du voile dans les universités et les premiers contentieux qu’il avait alors provoqué. En interdisant le voile, la Cour avait fait de cette interdiction une norme de valeur constitutionnelle. Des manifestations ont été organisées pour dénoncer la révision alors qu’une partie de la population manifeste son inquiétude vis-à-vis de ce qu’elle estime être une islamisation rampante de la société depuis l’arrivée au pouvoir de l’AKP du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan dont la femme et les deux filles sont voilées.
La révision a aussi touché l’enseignement supérieur. Malgré la réforme, peu d’universités ont autorisé le port du voile sur les campus. La plupart ont maintenu l’interdiction, jugeant que le parlement devait adopter une réglementation détaillant le code vestimentaire autorisé et excluant les symboles les plus ostentatoires, comme le tchador ou la burqa. Le camp laïc affirme que cette révision pourrait, à terme, ouvrir la voie à la légalisation du foulard à l’école et dans la fonction publique. Les partisans de la laïcité estiment que le port du voile est contraire au régime laïc en vigueur en Turquie.
avec Belga