Les récents développements en Suisse, défavorables aux Musulmans, ont relancé le débat sur la place des autres croyances dans nos sociétés et notre seuil de tolérance à leur égard. Nonobstant la polémique, voyons en chiffres la réalité dans plusieurs pays.
EN TURQUIE
Le nombre des Chrétiens en Turquie est estimé à environ 85 000 âmes, soit 0,12% de la démographie totale. Qui plus est, Istanbul est le siège de deux patriarcats renommés : le Patriarcat œcuménique orthodoxe dont l’actuel primat est Sa Sainteté Bartholomée 1er et le Patriarcat de l’Église apostolique arménienne dirigé par Sa Béatitude Mesrob II Mutafyan.
La population turque chrétienne est composée d’environ 60 000 Arméniens, 15 000 Syriaques, 5 000 Latins et 3 000 Grecs orthodoxes.
La Turquie compte 270 églises sur son sol. Même s’il n’y a pas de constructions récentes en raison du défaut de la demande, des églises sont constamment restaurées. Citons notamment l’Eglise orthodoxe arménienne du 12è siècle, St Grégoire l’Illuminateur de Kayseri ouverte début novembre et la prestigieuse église arménienne de la Sainte Croix, située sur l’île d’Akdamar sur le lac de Van. Cette église, considérée comme l’un des joyaux de l’architecture arménienne, a été construite entre 915 et 921 après JC. Sa restauration a été entièrement financée par le Ministère turc de la Culture car les autorités turques ont estimé que l’église d’Akdamar représentait "un symbole du riche patrimoine commun entre Turcs et Arméniens".
En somme, 270 églises pour une population de 85 000 Chrétiens représentent mathématiquement 1 église pour 315 ouailles.
Au surplus, il est important de noter qu’elles sont quasiment toutes équipées de clocher, élément architectural naturel d’une église. En Turquie, le clocher n’a jamais provoqué la moindre polémique, ni même été remis en cause une seule fois. D’ailleurs, il ne fait pas qu’office de décoration puisqu’il est totalement fonctionnel. Ainsi, les cloches se font entendre sur le sol turc et cela depuis des siècles. A certaines périodes, le calendrier lunaire islamique et son frère aîné, le calendrier grégorien solaire chrétien se taquinent malicieusement pour synchroniser le chant du muezzin du haut de son minaret avec le son des cloches de l’église voisine. Cela suscite au plus le sourire des témoins habitués à une tradition multiconfessionnelle.
EN FRANCE
La France est le pays de l’UE où vivent le plus de musulmans. Ainsi, l’Islam y est seconde religion avec environ 3,6 millions de fidèles.
D’aucuns se vanteront d’avoir 1 700 mosquées dans notre pays à disposition des mahométans. Tout musulman sait pourtant que ce nombre n’est qu’une façade enjolivée mais fallacieuse. En effet, le mot « mosquée » est un terme galvaudé en France car il désigné communément « lieu de culte musulman ». Seule une petite trentaine, au plus, sont architecturalement identifiables en tant que mosquées soit 1,8% de ces fameuses 1 700 « mosquées ».
Force est de reconnaître que beaucoup de musulmans de France pratiquent leur foi, au mieux, dans des maisons et appartements aménagés, et au pire, dans des hangars, des garages et des caves désaffectés. Faut-il rappeler les conditions de vétusté, d’insalubrité et d’hygiène de ces lieux qui dépassent l’entendement et ce, sous le regard coupable de certains responsables publics français ?
Même si pour flagorner le chauvinisme de certains ou la bien-pensance d’autres, nous acceptions le chiffre de 1 700 comme véritables mosquées, le calcul nous indique 1 mosquée pour 2 117 musulmans .
Ajoutons que moins de 20 minarets, totalement muets, ornent ces lieux de culte de l’Islam.
Par ailleurs, les maires de commune négocient de façon rigoureuse et coriace avec les porteurs du projet pour que l’architecture du futur édifice musulman ne ressemble en rien à une mosquée jugeant « que cela ne modifie trop le paysage » !
A Strasbourg, l’ancienne maire UMP Fabienne Keller, avait carrément fait supprimer le minaret de la future construction. Le maire actuel ne s’y opposerait plus.
Au final, la visibilité de l’Islam de France dont se targuent certains n’a pas vraiment vu le jour pour les 6% de la population française de confession musulmane.
EN SUISSE
Ce petit pays, dit "très démocratique", a bousculé l’actualité internationale en interdisant par référendum la construction de minarets pour ses 400 000 musulmans qui représentent approximativement 5% de sa démographie.
Les 200 mosquées et 4 minarets de Suisse, soit 1 mosquée pour 2 000 musulmans , étaient visiblement de trop.
Comme les Suisses ont parallèlement refusé d’interdire l’exportation d’armes de guerre, comme le proposait un autre référendum, le journaliste Jean Quatremer concluait ironiquement :
« Bref, on n’aime pas les musulmans en Suisse, mais on veut bien leur vendre des armes ou accueillir leurs avoirs… »
EN GRECE
Les 130 000 Turcs musulmans (1,2% de la population grecque) se voient uniment niés leurs identités ethnique et culturelle. La Grèce refuse leur turcité et n’accepte que leur religion. Ils sont victimes de brimades et d’humiliation tout au long de leur vie. Néanmoins, la Grèce est signataire, comme la Turquie, des mêmes dispositions sur la « protection des minorités » prévue dans le traité de Lausanne de 1923.
AUX PAYS-BAS ET AU DANEMARK
Malgré la tolérance remarquable accordée aux Musulmans dans ces deux pays, l’Islamophobie gagne chaque jour du terrain. Toutefois, l’Islam y est nettement visible avec des mosquées somptueuses à l’architecture typiquement ottomane et parées de minarets-dentelles.
Les Pays-Bas offrent environ 400 mosquées pour les 400 000 croyants musulmans de leur territoire soit 1 mosquée pour 1000 fidèles . Le vendredi, on peut même entendre le chant du muezzin dans certains quartiers à forte population musulmane.
EN ALLEMAGNE
Les 3,5 millions de musulmans d’Allemagne possèdent 2 800 mosquées dont environ 160 avec coupole et minarets. Par ailleurs, même si la construction des mosquées suscite des débats et protestations, elle est moins sujette à controverse qu’en France.
Les mahométans d’Allemagne bénéficient donc de 1 mosquée pour 1200 croyants .
AU ROYAUME-UNI
Le territoire de sa majesté compte 1 600 lieux de culte pour ses 2 millions de musulmans. Soit 1 mosquée pour 1 250 musulmans .
DANS LES PAYS LIMITROPHES
Les pays voisins du nôtre tels l’Espagne, l’Italie et la Belgique proposent tous, mutatis mutandis, plus de lieux de culte à leur population de confession musulmane que la France.
Dans l’ensemble, on constate amèrement que la situation n’est guère réjouissante. Peut-être parce que, comme le note Franck Frégosi, spécialiste de l’Islam :
« On a un vieux contentieux dans l’Europe occidentale, certaines peurs qui remontent aux origines du contentieux entre la chrétienté et le monde musulman. Ces peurs sont ancrées dans l’imaginaire collectif. »
En substance, nous avons d’un côté une Turquie qui, depuis plus de 10 ans, adopte réformes sur réformes pour se conformer aux critères de Copenhague et à la convention européenne des droits de l’homme, et de laquelle bientôt, on exigera qu’elle explore Mars avant de marcher sur le Soleil pour accéder à l’adhésion à l’UE. Et de l’autre, une Europe recroquevillée dans ses certitudes et ses peurs, condescendante, et qui parfois se laisse dépasser par ses démons tels le racisme ou l’islamophobie. Dans cette Europe figure en bonne place notre pays, la France, « berceau des droits de l’homme » mais rogue, dédaigneuse et discriminatoire tant avec ses enfants d’origine turque que ses enfants dont la différence « gêne » comme les musulmans.
Pour que l’Union européenne puisse un jour devenir une véritable terre des droits de l’homme, pourquoi ne pas établir un rapport d’avancement annuel sur la démocratie et les droits de l’homme pour chacun des pays de l’UE comme c’est le cas actuellement pour les pays candidats exclusivement ?
Ce bilan national devrait indubitablement rendre toute l’Europe plus humaine et plus tolérante.
AB