20 avril 2024

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Turquie - France - Europe : ou lorsque les préjugés font office de "pensée".

Publié le | par Ilker TEKIN | Nombre de visite 468
Turquie - France - Europe : ou lorsque les préjugés font office de "pensée".

En tant Français d’origine turque, je connais la Turquie, ses habitants, ses régions, ses qualités et ses défauts. J’ai parfois discuté de la Turquie avec des gens qui, bien que ne connaissant pas ce pays, en avaient tout de même un préjugé plus ou moins négatif.

Ainsi, pour certains, la Turquie qu’ils imaginent est un pays islamiste, où les lois islamiques seraient en vigueur, où toutes les femmes doivent porter un voile, et où les hommes sont intégristes. Une anecdote qui résume assez bien cette situation, c’est la demande d’une amie de mon frère et qui préparait un voyage en Turquie de savoir si elle pouvait se promener en t-shirt dans les rues. Le fait de poser une telle question montre à quel point la Turquie est un pays mal connu d’une part et ayant une image brouillée d’autre part.

Un autre exemple, qui illustre l’approche négative et caricaturale de la Turquie, une collègue qui trouvait mon prénom pas « très commun » me demande mes origines, je lui réponds et lui demande, à mon tour, si elle connaissait la Turquie ? Réponse négative, hormis les banalités habituelles comme les « moustaches chez les hommes », elle finit quand même par mentionner le film d’Oliver Stone « midnight express », rajoutant avec zèle, lorsque je fis la remarque qu’il ne s’agissait là que d’un film, « oui mais tiré d’un fait réel » – la référence « midnight express » vient d’ailleurs assez souvent, eu égard au nombre de diffusions de ce film dans les télévisions françaises. Se faire une idée d’un pays et de ses habitants à travers une fiction cinématographique, même tiré d’un fait réel, en oubliant la part de subjectivité des scénaristes, des réalisateurs, c’est assurément manquer de jugement. Mais sachant que c’est le cas, et que dans le film de Stone, les Turcs et la Turquie y ont une image déplorable voire détestable, on peut deviner ce que cette collègue pouvait alors penser, consciemment ou pas, des Turcs.

Les exemples des préjugés qui entourent les Turcs ne manquent pas, et en France chaque Turc s’est, un jour ou l’autre, retrouvé dans la situation d’être mis en accusation en raison de ses origines et dans l’obligation de se justifier d’être Turc – sorte de « tribunal permanent ». Ainsi, encore, un professeur d’histoire, alors qu’il était question des Huns, d’affirmer : « les Turcs sont des barbares », pensant, peut-être, que nous étions les descendants directs d’Attila et que l’herbe ne repoussait toujours pas sous nos pieds – si tant est qu’elle est un jour cessée de pousser…

La raison pour laquelle, en France, la méconnaissance de la Turquie se transforme en préjugé négatif est à chercher dans l’histoire – les Turcs ayant été les ennemis de l’Occident chrétien durant des siècles – mais aussi dans le traitement des signifiants Turc et Turquie aujourd’hui dans les médias. En effet, pas une information sur la Turquie qui n’en donne une image péjorative, si bien qu’on a l’impression d’un pays foncièrement mauvais.

Cette généralisation dans le négatif, appelle en compensation des images d’Epinal de la part des Turcs ou des turcophiles, ce qui réduit au manichéisme le débat sur la Turquie. Il n’est alors pas question de savoir les bons côtés et les mauvais côtés de ce pays, mais, sans alternative, s’il est « Bon » ou « Mauvais » - les jugements péremptoires et définifs faisant alors office de «  pensée  », pauvre s’il en est. Sortir de ce manichéisme, qui alimente les sentiments malsains ou les ressentiments, exige des efforts des deux côtés, les faire ou pas dépend du sens de la volonté de chacun : voulons-nous bâtir ou détruire ?


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