Portraits d’Alsaciens : Nathalie Ritzmann, du bretzel au simit

Mulhousienne exilée à Istanbul depuis cinq ans, Nathalie Ritzmann ne regrette rien : amoureuse de la Turquie, elle s’est rapidement intégrée dans ce pays qu’elle explore d’ouest en est et du nord au sud.

« Avant, je vivais. Maintenant, j’existe. » C’est par cette touchante confidence que Nathalie Ritzmann résume son profond attachement à sa terre d’accueil.

Vivre en Turquie n’a rien à voir avec vivre en France, c’est à la fois une évidence et une chose complexe à expliquer. Aujourd’hui, Nathalie Ritzmann avoue qu’elle aurait du mal à revenir en arrière.

Alors, elle poursuit le rêve et espère que chaque jour lui apportera de nouvelles opportunités pour continuer à creuser son sillon.

Ce qui change ici, à Istanbul ou n’importe où en terre ottomane, c’est que vous existez pour votre voisin de palier, votre propriétaire, l’épicier au coin de la rue et même, pour chaque personne ou presque avec qui vous avez échangé un regard ou choisi d’entamer une conversation.

Si vous êtes naturellement curieux, ouvert, sociable ou souriant, la Turquie est un pays pour vous. Nathalie Ritzmann en fait quotidiennement l’expérience.

C’est au lendemain d’une rupture familiale qu’elle vient passer quelques jours à Istanbul, pour se changer les idées. Nous sommes en août 2002, le début d’une autre vie.

Lorsqu’elle rentre à Mulhouse, l’idée mûrit dans sa tête. Pourquoi ne pas tourner définitivement la page ? Repartir, pour plus longtemps ? Voire, pour toujours ?

Nathalie Ritzmann commence par s’inscrire à des cours de turc à l’Université populaire. À l’époque, elle a Semiha Sipahi comme professeur. « Je me souviens qu’elle était très assidue, indique cette dernière, elle avançait vite et elle posait toujours plein de questions ! » L’élève et le professeur sont restés amis.

Le 14 août 2003, Nathalie Ritzmann revient à Istanbul avec la ferme intention de s’y installer. « Malgré toutes les tentatives de dissuasion de mes proches et mes amis qui me prédisaient le pire : tu vas te retrouver voilée, battue… »

« C’est incroyable ce que les gens savent donner sans rien attendre en retour »

La Mulhousienne n’écoute qu’elle-même et son heureuse intuition. « J’ai tout de suite su que ce pays était fait pour moi, les gens m’ont plu immédiatement, leur chaleur, leur hospitalité… C’est quelque chose à l’intérieur d’eux, très profond et très simple à la fois. »

Elle se souvient de la première fois où elle a passé la porte de l’épicerie au coin de sa rue, « Je voulais acheter une bouteille d’eau, je me suis rendu compte que je n’avais pas d’argent. L’épicier qui ne me connaissait pas m’a dit tout de suite : c’est pas grave, tu paieras à l’occasion ! »

L’expérience de la confiance et de la bienveillance. Elle a rencontré cela partout. « C’est incroyable ce que les gens savent donner ici sans jamais rien attendre en retour. »

Nathalie Ritzmann, curieuse de nature et grande communicante, s’intègre rapidement. « J’ai d’abord suivi trois mois de cours intensifs de turc, à raison de 4 h par jour, 5 jours par semaine. » Elle se met à chercher du travail, commence, à partir de mars 2004, à enseigner à mi-temps dans une école maternelle française privée. Elle donne aussi des cours particuliers et vit sur ses économies personnelles.

Au bout de 22 mois de présence en Turquie, elle décroche un vrai job, un poste à responsabilité dans une entreprise qui fait du contrôle de qualité textile. Elle gagne correctement sa vie (environ 1300 € par mois, c’est largement plus que le salaire turc moyen, 800 à 1000 YTL, soit 4 à 500 €) mais donne sa démission au bout de deux ans, totalement épuisée.

Elle retrouve un emploi à mi-temps, dans une entreprise de transport international. Le salaire est forcément plus modeste mais ce nouveau travail lui laisse le temps de se livrer à sa passion : explorer le territoire.
Qu’elle parcoure les rues de tous les quartiers d’Istanbul ou arpente le plateau d’Anatolie, tutoie la frontière géorgienne au nord ou syrienne au sud, Nathalie engrange les images, les rencontres, les interviews… Se découvre une vocation journalistique et propose ses services à un mensuel francophone, « Aujourd’hui la Turquie », qui a publié régulièrement ses reportages.

Depuis près d’un an, Nathalie Ritzmann alimente quotidiennement son blog, baptisé « dubretzelausimit ». Le simit est ce délicieux petit pain au sésame en forme de bretzel qu’on peut acheter dans la rue, partout en Turquie.

On trouve sur le blog de Nathalie Ritzmann des articles sur des sujets très divers, de la commémoration du 70e anniversaire de la mort de Mustafa Kemal au secret de fabrication des fameux simit, en passant par des reportages, en images, de ses nombreux voyages à l’intérieur du pays.

Frédérique Meichler
Source : lalsace.fr