François Hollande était lundi en voyage officiel en Turquie. A cette occasion, le président turc a annoncé qu’il attendait de la France qu’elle ne bloque pas le processus d’adhésion de son pays à l’Union européenne. Il y aura un référendum, a répondu Hollande, précisant que "les Français auront le dernier mot". Une expression qui fait réagir notre contributeur.

Durant son voyage en Turquie François Hollande a annoncé à propos de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne : "Il faut terminer ces négociations et on verra ce que diront le jour venu les peuples français ou turc", précisant que ce projet d’adhésion serait soumis à un référendum en France et que les Français "auront le dernier mot".

L’exemple de la Slovénie et de la Croatie

Dans l’histoire récente, l’Union européenne n’a pas connu de référendum en tant que tel sur l’adhésion d’un Etat. En France, il y a eu ce type de référendum pour l’entrée du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark en 1972.

Aujourd’hui, il s’agit d’une arme de dissuasion brandie en cas de conflit frontalier avec le pays souhaitant adhérer. Ce fut le cas de la Slovénie avec la Croatie. Au final, il y a bien eu référendum, mais sur le principe du règlement du conflit devant un tribunal international d’arbitrage. Le "oui" obtenu en juin 2010 avec moins de 52% des suffrages exprimés a permis la résolution du conflit et la ratification de l’adhésion par... l’Assemblée nationale slovène trois ans plus tard.

L’Union européenne étant une association de citoyens et d’Etats, il faut que l’ensemble des pays membres donnent leur aval pour qu’une adhésion puisse être validée. Or, sans unanimité, même un "petit" pays de deux millions d’habitants, soit environ 0,5% de la population totale de l’UE, peut bloquer une adhésion... Un référendum négatif en France bloquerait donc toute adhésion turque.

Non, les Français n’ont pas à avoir ce dernier mot

Les Français n’auront probablement pas le "dernier" mot. Plusieurs pays attendront en effet le résultat en France avant d’entamer le processus de ratification par voie parlementaire chez eux. Cela veut donc dire que d’autres peuples se seront exprimés après nous.

Cette volonté de placer les Français comme détenteurs de la décision met mal à l’aise.

Tout d’abord parce que cela interroge sur la question à laquelle vont répondre les Français. On aimerait croire que cela soit sur des critères du type "la Turquie fait-elle partie des frontières de l’Europe ?". Cela serait un débat passionnant, mais nous savons d’ores et déjà qu’il n’en serait rien. Les débats tourneront sur l’islam et sur la peur ou non des Français d’avoir les mêmes droits que tous ces dizaines de millions de "musulmans" dont on oubliera très vite de préciser qu’ils sont turcs.

Ensuite, cela pose question sur le sens d’une telle phrase. "Les Français auront le dernier mot" : nous déciderions ainsi non seulement à la place des Turcs, mais également à la place des autres Européens ? Or, comment justifie-t-on qu’une minorité d’Européens s’arrogent le droit de décider à la place de la majorité d’entre eux ?

Mieux vaut un référendum européen

Il ne faut pas avoir peur du référendum. La démocratie directe est une bonne chose. Mais accepterait-on pour décider du rattachement du Comté de Nice à la France que cela soit décidé par un référendum en Bretagne ?

Si le "peuple" doit avoir le dernier mot, puisqu’il s’agit d’une adhésion à l’Union européenne, faisons un référendum européen. Chiche ?

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